Parler est-ce renoncer à la violence ?

Le langage n'est-il pas lié à une violence au moins symbolique? En effet, le langage est proche du pouvoir. C'est un constat classique en anthropologie: le scribe est proche du pharaon, la colonisation s'accompagne d'un discours (administratif, écrit). Dans le quotidien, il y a usage dominateur du langage: différents niveaux de langue renvoyant aux origines sociales, formes diverses du commandement verbal, usage de références culturelles ou savantes... Pour revendiquer leur propre existence (et un certain type de pouvoir sur leur propre vie), les groupes défavorisés ou marginaux recourent à un langage codé (argot classique, verlan, etc.)

Il peut aussi y avoir violence par les mots. Certaines injures peuvent nier l'humanité de l'injurié: elles paraissent appeler une réponse non verbale et aboutissent ainsi à une violence ouverte. De plus, des discours politiques peuvent inviter à l'exercice de la violence (cas d’Hitler): ils présentent la violence (guerre) comme l'accomplissement du langage, qui semble appeler son propre dépassement dans l'action réelle, puisqu'il ne suffit plus à nier l'ennemi. Le langage peut aussi annoncer le déchaînement de la violence (on prévient celui que l'on veut torturer de ce qu'il va subir).