Parler, est-ce le contraire d'agir ?
Publié le 01/02/2005
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Aussi Austin est-il conduit à distinguer deux sortes d'énoncés :
- Les énoncés constatifs qui décrivent un phénomène (ex. : « le ciel est bleu «, « je suis heureux «, « deux et deux font quatre «).
- Les énoncés performatifs dont l'énonciation énonce une action du locuteur en même temps qu'elle l'accomplit (ex. « je jure que... «, « j'exige que... «, « je parie que... «, « je te baptise... «). Ces paroles sont de véritables actions sur le monde et sur les hommes.
HTML clipboardParler n'est nullement le contraire d'agir : les discours sont pleinement des actes, parce qu'ils impliquent nécessairement le locuteur et influent sur l'auditeur. Parler, c'est agir, surtout sur les autres hommes, et le plus souvent pour tenter de les dominer. Certes la parole peut être du verbiage, un acte de peu d'importance, mais elle peut être aussi un acte éminemment créateur par lequel l'homme s'élève au rang de démiurge : « Parler et agir, ou faire, disait Novalis, sont une même opération seulement modifiée. Dieu dit : Que la lumière soit, et elle fut. «
«
« devoir » ou « pouvoir » constructions douteuses telles que la forme hypothétique.
Toutes les énonciations quenous allons voir présenteront, comme par hasard, des verbes bien ordinaires, à la première personne du singulier del'indicatif présent, voix active.
Car on peut trouver des énonciations qui satisfont ces conditions et qui, pourtant, A)ne « décrivent », ne « rapportent », ne constatent absolument rien, ne sont pas « vraies ou fausses » ; et sonttelles quen B) l'énonciation de la phrase est l'exécution d'une action (ou une partie de cette exécution) qu'on nesaurait, répétons-le, décrire tout bonnement comme étant l'acte de dire quelque chose.
(...)Exemples :(E.a) « Oui [je le veux] (c'est-à-dire je prends cette femme comme épouse légitime) » — ce « oui » étant prononcéau cours de la cérémonie du mariage.(E.b) « Je baptise ce bateau le Queen Elisabeth — comme on dit lorsqu'on brise une bouteille contre la coque.(E.c) « Je donne et lègue ma montre à mon frère » — comme on peut le lire dans un testament.(E.d) « Je vous parie six pences qu'il pleuvra demain ».Pour ces exemples, il semble clair qu'énoncer la phrase (dans les circonstances appropriées, évidemment), ce n'estni décrire ce qu'il faut bien reconnaître que je suis en train de faire en parlant ainsi, ni affirmer que je le fais : c'estle faire.
Aucune des énonciations citées n'est vraie ou fausse : j'affirme la chose comme allant de soi et ne ladiscute pas.
On n'a pas plus besoin de démontrer cette assertion qu'il n'y a à prouver que « damnation ! » n'est nivrai ni faux : il se peut que l'énonciation « serve à mettre au courant » — mais c'est là tout autre chose.
Baptiserun bateau, c'est dire (dans les circonstances appropriées) les mots « Je baptise...
» etc.
Quand je dis, à la mairieou à l'autel, etc.
« Oui [je le veux] », je ne fais pas le reportage d'un mariage : je me marie.Quel nom donner à une phrase ou à une énonciation de ce type ? Je propose de l'appeler une phrase performativeou une énonciation performative ou — par souci de brièveté — un « performatif ».
Ce nom dérive, bien sûr, du verbe[anglais] perform, verbe qu'on emploie d'ordinaire avec le substantif « action » : il indique que produire l'énonciationest exécuter une action (on ne considère pas, habituellement, cette production-là comme ne faisant que direquelque chose.
(...)PEUT-IL ARRIVER QUE DIRE UNE CHOSE CE SOIT LA FAIRE ?(...) Une telle doctrine semble d'abord étrange, sinon désinvolte ; mais pourvue de garanties suffisantes, elle peuten venir à perdre toute étrangeté."
AUSTIN in "Quand dire, c'est faire", 1ère conférence, Paris, Editions du Seuil, 1970.
2.
Pouvoirs la parole
La fonction conative du langage
• La fonction de commandement de la parole, comme l'ont souligné ceux qui ont réfléchi sur l'origine du langage,paraît fondamentale.
Les langages des animaux sont constitués de signaux ayant pour finalité de déterminer uneréaction immédiate du récepteur, par exemple la fuite.
Par ailleurs, si l'apparition du langage est liée à celle dutravail, ce serait parce que le travail collectif exige une organisation et donc des ordres pour la répartition destâches et de leur exécution, ne serait-ce que de simples cris permettant de scander et de coordonner une action etun effort collectifs.
Une des fonctions essentielles du langage est donc d'agir sur autrui, ce que R.
Jakobson nommela « fonction conative », ce dernier observant que cette fonction « trouve son expression grammaticale la plus puredans le vocatif et la forme verbale de l'impératif qui, du point de vue syntaxique, morphologique et souvent mêmephonologique, s'écartent des autres catégories nominales et verbales » (Essais de linguistique générale, trad.
1963,p.
216) .
La fonction émotive ou expressive metl'accent sur les sentiments ou les émotions de l'émetteur : « Centrée sur le sujet, elle vise à une expression directede l'attitude du sujet à l'égard de ce dont on parle.
» (R.
Jakobson, Essais de linguistique générale, Seuil, p.
214)..
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