Par quels caractères la réalité se distingue-t-elle du rêve ?
Publié le 10/10/2009
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CONSEILS PRELIMINAIRES 1. Le sujet repose sur de solides connaissances théoriques mais suppose une interprétation personnelle et permet à un élève brillant des développements originaux. 2. La question posée est d'ordre psychologique; il s'agit de dégager les éléments qui permettent de définir le jugement de réalité ; mais l'argument du rêve (la réalité n'en est-elle pas un; plus cohérent et plus durable?) est un des leitmotiv de la pensée sceptique ; aussi il conviendra d'envisager le prolongement métaphysique du sujet. 3. Une interprétation intéressante et originale du sujet consiste à considérer le rêve non seulement comme une donnée subjective (ce dont on se souvient au réveil ou ce monde irréel auquel on prête foi quand on dort) mais aussi comme un fait réel. En effet la physiologie du rêve est à présent assez connue (interruption entre connexions nerveuses, etc.). Et la psychanalyse a dégagé le rôle régulateur joué par le rêve qui défoule des tendances censurées pendant l'état de veille. Préambule : Le problème n'existe pas pour le bon sens qui ne doute pas du monde extérieur. Il n'apparaît qu'au niveau de la philosophie et il est irritant car cette distinction si elle est facile à faire est plus malaisée à montrer. Les gens du commun, qui d'après Descartes ne sont pas si mauvais philosophes, distinguent sans grande difficulté le rêve et la réalité ; le matin, en s'étirant et en bâillant, ils déclarent : « J'ai fait un mauvais rêve « et sont contents de vaquer à leurs occupations. La situation se complique légèrement, et le problème de savoir comment on distingue le rêve de la réalité commence de se poser pour les intellectuels du type du narrateur de « A la recherche du temps perdu « de Marcel Proust qui, appuyant sur la poire électrique, pour réclamer son petit déjeuner ne sait pas pendant quelques minutes s'il est François Ier ou Charles le Téméraire ou plus simplement lui-même. Mais, le problème des caractères qui distinguent le rêve et la réalité ne se pose en toute clarté qu'à la philosophie et il prend alors une importance considérable car, par un certain biais, il se confond avec celui de la réalité du monde extérieur et de la validité de la science. Sans le considérer dans ses prolongements métaphysiques, nous le limiterons à son aspect psychologique et chercherons à dégager ce qu'il faut appeler jugement de réalité par opposition aux fantasmes du rêve.
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Pourtant, si à l'intérieur du rêve, on peut croire qu'on se trouve en face du monde réel, le rêve lui-même, n'en estpas moins un fait du monde réel.
Le rêveur ne sait pas qu'il rêve mais le monde réel a ceci de particulier que l'hommeéveillé sait qu'il peut rêver.
Il peut même étudier le sommeil et le rêve comme des faits scientifiques et comprendrepourquoi le monde du rêveur qui n'est pas réel a pourtant les apparences du réel.
Cette étude du rêve a été tentéedepuis la fin du XIXe siècle de deux points de vue différents, physiologique et psychologique.D'abord, quand nous rêvons, que se passe-t-il ? Comment se trouve réalisée cette détente indiscutable que nousprocure le rêve ?La respiration du dormeur s'égalise peu à peu, se ralentit.
Les appareils de laboratoire ont permis d'établir que desconnexions nerveuses se trouvent interrompues, que des circuits sensori-moteurs plus simples se trouvent établis etn'entraînent plus des représentations cohérentes et organisées du modèle de celle de l'état de veille.
C'est d'ailleursce qui permet aux cellules nerveuses de se « reposer ».
Sans doute l'intuition de Descartes reste valable : « Onpense toujours », mais on pense avec une plus grande économie de moyens qui permet un relâchement del'attention chez un sujet normal.
C'est pourquoi on a pu envisager la méthode du long sommeil comme thérapeutiqued'un certain nombre de maladies qui exigent la réparation de tissus nerveux.Sur le plan psychologique la psychanalyse apporte des précisions intéressantes sur le fait onirique.
Les pulsionsinconscientes existent de jour et de nuit ; mais l'état de veille, l'adaptation au réel entraînent des inhibitions etd'autre part organisent autour de ces forces naturelles des constructions intelligentes qui les utilisent, lestransfèrent ou les subliment.
Or, le sommeil abolit un grand nombre de censures et de constructions ; des schémasélémentaires se trouvent aussitôt autorisés à paraître.
Dans ces schémas les instincts se débrident, s'expriment ouse satisfont.
Le rêve apparaît donc à la fois comme une indication sur l'état de l'inconscient (pour les caspathologiques sur l'état de ses complexes) et comme un défoulement, comme une conduite inconsciente, inadaptéeà la réalité, mais adaptée à l'état profond de l'individu.
Ainsi je pleure ou je ris en rêve ou encore je m'agite ; c'estqu'une résolution à une crise intérieure se produit pendant la nuit et l'on peut admettre à la rigueur que la viepsychologique consciente d'un individu est profondément influencée par ce travail continu qui occupe au moins huitheures sur vingt quatre.Cette description nous permet de définir avec plus de clarté ce qu'est le jugement de réalité.
Aucun homme dignede ce nom, c'est-à-dire sain de corps et d'esprit, ne peut hésiter à distinguer le rêve et la réalité, surtout s'il aétudié le rêve comme un fait réel.
Le monde du .rêve est le schéma ou la caricature du monde réel, là conduiteonirique est une conduite inconsciente.
La réalité sera donc caractérisée non seulement par sa résistance, par lefait qu'elle s'oppose dans une certaine mesure à nos désirs, mais surtout par le fait qu'elle exige de nous uneréaction adaptée.Or, qu'est-ce qu'une réaction adaptée ? Qu'il s'agisse de perception, de concept ou de connaissance scientifiquec'est une réaction qui nous permet de nous rendre maîtres du monde réel.Elle suppose en conséquence que nous ayons des idées claires.
Cette clarté sera d'ailleurs double.
Notre jugementde réalité nous obligera à être sans cesse cohérents avec nous-mêmes et cohérents avec l'ensemble du mondeextérieur.
Le poète Léopardi raconte la grande frayeur qu'il a éprouvée à voir une ombre enveloppée d'un linceul,monter un escalier.
Mais cette frayeur s'est achevée par un éclat de rire.
Le fantôme a une existence conceptuelleet participe si l'on veut d'un inonde de rêve ou de rêverie.
Mais l'escalier, lui, était réel.
Quand il a vu le linceulrester accroché à une marche et découvrir la jambe d'un de ses camarades, il a pu vaincre sa frayeur et remarquerl'inconséquence qui lui faisait poser en même temps un monde où les spectres existent — celui de ses rêves — et unmonde scientifique, pourrait-on dire, où il n'est pas possible que les spectres existent.
La réalité forme un tout ; un jugement de réalité ne peut contenir des éléments qui sont en contradiction avec lereste des choses connues.
La perception mène à la science et toute perception d'un objet réel contient lesprincipes de clarté et de distinction qui mènent à la connaissance exacte.Enfin pourrait-on dire, l'action est l'ultime critère entre le rêve et la réalité.
Non que le rêveur n'agisse pas ; plusexactement, il liquide ses propres difficultés, il se prépare à une intégration plus adéquate au monde réel..
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