Où trouver le fondement du droit ?
Publié le 14/06/2009
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L'origine du droit, non pas au sens historique mais au sens de source, sa raison d'être et sa justification, voilà ce qui intéresse la réflexion morale et métaphysique à la recherche de son fondement. Trois réponses possibles : le droit se fonde sur la force, ou bien sur l'utilité, ou bien sur l'idéal de justice; trois conceptions à examiner. a) Le droit et la force : théorie dite réaliste. Exposé. Le droit aurait-il sa source dans la force ? C'est ce qu'ont pensé certains philosophes reprenant l'idée courante qu'il existe une loi du plus fort ou un droit du plus fort. Que le droit soit identique à la force dont il serait l'expression moralisée ou la justification tendancieuse, c'est une thèse que l'on trouve chez plusieurs auteurs, depuis les sophistes ennemis de SOCRATE jusqu'à NIETZSCHE en passant par MACHIAVEL. On s'accorde cependant à reconnaître que HOBBES et HEGEL ont contribué plus que d'autres philosophes à la théorie dite réaliste. Selon HOBBES les hommes à l'état de nature considèrent qu'ils ont le droit de tout faire, que tout leur est permis. Mais ils ne manquent pas de se heurter les uns aux autres, d'où résulte la guerre de tous contre tous. Un seul moyen pour la faire cesser, pour établir la paix sociale : se rallier autour du plus fort qui est seul capable de la maintenir, abdiquer tous les droits individuels entre ses mains. Telle est l'origine du pouvoir politique, qui en est en même temps le fondement. HOBBES se fait nettement le théoricien du despotisme et de l'absolutisme. Il admet que la force crée le droit et que la justice est déterminée par la loi positive. Certains penseurs allemands inclinent volontiers vers une telle façon de voir et HEGEL en donne une systématisation métaphysique. D'après sa philosophie de l'histoire, le devenir de l'humanité est la réalisation progressive de son essence, de l'idée qui lui est immanente. Cette idée s'incarne à chaque grande époque dans une nation privilégiée qui a pour mission de la manifester. Or la puissance est le signe même de cette élection. Au lieu d'être le contraire du droit, la force en est une expression évidente. Une nation appelée à dominer le monde n'a pas à légitimer son impérialisme, les autres peuples n'ont aucun droit à revendiquer en face d'elle. Ce serait enrayer le mouvement par lequel le peuple le plus fort réalise, en vertu de sa force même, une étape de la dialectique historique, du progrès de l'esprit dans le monde. Ainsi le triomphe de la force est fondé en droit, la force est sacrée et c'est elle qui fait le droit ou la justice.
«
voudriez pas qu'on vous fît.PASCAL reconnaît cette source utilitaire du droit : « Sans doute l'égalité des biens est juste, mais, ne pouvant fairequ'il soit force d'obéir à la justice, on fait qu'il soit juste d'obéir à la force; ne pouvant fortifier la justice on a justifiéla force, afin que le juste et le fort fussent ensemble et que la paix fût, qui est le souverain bien.
»On rattache parfois à l'utilitarisme la théorie de ROUSSEAU selon laquelle la société repose sur un contrat, c'est-à-dire un engagement libre, réfléchi et réciproque des hommes qui la composent.
C'est oublier qu'à ses yeux le droitn'est pas une simple affaire de convention : le contrat social ne peut être que la garantie des droits que l'hommetient de la nature et de la nature en tant que régie par la raison.De même la conception de DURKHEIM dépasse l'utilitarisme.
Si elle place dans la société l'origine du droit c'est dansla société considérée comme la source de la morale, le foyer des valeurs, l'interprète d'un idéal qui ne se réduit pasàl'utilité ou à l'intérêt collectif.
Discussion. L'utilité n'est pas une considération négligeable mais elle ne saurait satisfaire le moraliste.
De même que ce qui est légal n'est pas nécessairement moral, ce qui est utile n'est pas nécessairement bon.
Tout au moins, on nepeut accepter de réduire le droit, sinon en l'amoindrissant, aux exigences de l'intérêt collectif ou de l'utilité publique.Il répond à une exigence plus profonde, celle de la justice, dont le respect satisfera d'ailleurs par surcroît auxbesoins de l'utilité.En général il est difficile d'admettre que le droit ait une origine exclusivement sociale à moins d'admettre égalementque la morale tout entière est de source sociale.
De deux choses l'une : ou bien le droit est un simple phénomènesocial et on ne saura jamais comment le moraliser, ou bien c'est l'une des expressions de la morale immanente à lanature humaine et on ne peut le réduire aux nécessités de la vie collective.
L'erreur de DURKHEIM est de ne pasreconnaître que la société ne peut avoir d'autorité morale que par référence à un principe qui la dépasse, qu'ilvienne de la raison ou de Dieu.
c) Le droit naturel : théorie humaniste, dite idéaliste.
Exposé. Du droit juridique ou positif il faut distinguer un droit idéal qu'on appelle aussi naturel.
Il faut en convenir, l'expression droit naturel, n'est pas des plus heureuses en raison des équivoques du terme nature.
L'étude du devoirnous a révélé qu'on pouvait distinguer dans l'essence humaine une nature inférieure gouvernée par les instinctsbrutaux, et une nature supérieure gouvernée par la raison et les inclinations idéales.
C'est ce second sens qu'on doitretenir quand on veut parler d'un droit idéal inspiré par l'idéal de justice et de dignité humaine.
Le droit naturel estalors le vrai fondement du droit positif qui s'efforce de le réfléchir au miroir des codes et des règlements : l'un est lemodèle, telle cette justice en soi que PLATON rangeait au rang des essences éternelles, l'autre est la copie multipleet changeante d'ailleurs, soit qu'elle subisse les fluctuations du devenir historique, soit qu'elle se transforme elle-même pour mieux refléter ou mieux actualiser l'idéal permanent dont la richesse est inépuisable, parce qu'il participede l'infini.On objectera que ce droit naturel n'est que l'idéalisation du contenu du droit positif avec passage à la limite.
Ilfaudrait alors admettre que c'est la magistrature qui fait la justice idéale, que la législation juridique est à la sourcedes lois morales et que la morale n'a pas d'autre origine que la société.
Mais si la morale est l'expression de l'idéalhumain et des exigences profondes de l'esprit, c'est le contraire qui est vrai.
C'est ce que MONTESQUIEU remarqueavec raison quand il admet que les rapports d'équité préexistent aux lois positives qui les inscrivent dans les codes :« Avant qu'il y eût des lois faites il y avait des rapports de justice possibles.
Dire qu'il n'y a rien de juste ni d'injusteque ce qu'ordonnent ou défendent les lois positives, c'est dire qu'avant qu'on eût tracé le cercle, tous les rayonsn'étaient pas égaux.
» Du droit naturel ou idéal au droit positif, la différence est celle du rationnel à l'empirique, del'intelligible au sensible de l'éternel au temporel, de l'absolu au relatif.De plus, naturel ne signifie pas seulement, ici, rationnel, conforme à la nature humaine en tant que morale etrationnelle, il évoque également le contraire de ce qui est conventionnel, artificiel, arbitraire.
C'est à retenir.
CertesROUSSEAU considère que les conventions sont les bases de toute autorité légitime parmi les hommes, mais àl'expresse condition que ces conventions elles-mêmes soient établies en fonction des lois fondamentales de lanature humaine, l'état de nature étant chez l'homme non pas la forme primitive sous laquelle l'humanité se manifesteà l'origine des temps, mais l'ensemble des caractères spécifiques attachés à l'essence humaine et qui la différencientradicalement du reste du monde, les traits gravés en nous en caractères ineffaçables.
« Retrouver le droit naturel,c'est déterminer ce qui est juste et raisonnable pour l'homme considéré dans son essence même et c'est du mêmecoup s'appuyer sur les sentiments les plus profonds et les plus puissants du coeur humain.
»
Théorie métaphysique mais qui n'en est pas moins vraie et qui se trouve chez tous les auteurs pénétrésd'humanisme : les juristes comme GROTIUS et MONTESQUIEU, les philosophes comme KANT et ROUSSEAU, lespolitiques commeles législateurs de 1789.
Voici le préambule de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen « Lesreprésentants du peuple français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou lemépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements,ont résolu d'exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme.
»La Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée en 1948 par l'Assemblée générale des Nations Uniessiégeant à Paris, s'ouvre par les principes suivants : « La reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membresde la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et dela paix dans le monde.
»Il est bien évident que tout cela est centré sur le respect de la personne humaine, principe de l'humanisme à la foisrationaliste et chrétien.
L'inspiration en est d'abord religieuse.
Les législateurs américains de 1776 proclament dans.
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