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On dit souvent : « Il faut vivre d'abord, philosopher ensuite ». Qu'en pensez-vous ?

Publié le 22/02/2012

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Le professeur de philosophie est souvent embarrassé pour choisir le premier sujet de dissertation qu'il proposera à ses élèves. Celui que nous présentons ici a l'avantage d'inviter les élèves à mettre en forme des réflexions qu'ils ne peuvent manquer de faire au début de leur année de philosophie. Ce sujet doit leur être aussi l'occasion de quelques lectures importantes qui leur feront prendre un premier contact direct avec les grands auteurs, et en même temps ils trouveront à utiliser des souvenirs de leurs études littéraires. Enfin ils auront à appliquer dans des conditions relativement faciles les principes essentiels de la recherche philosophique. Il s'agit, en effet, d'abord, de penser une position qui est celle du sens commun, c'est-à-dire de prendre conscience d'une attitude spontanée pour chercher à la justifier. La réflexion a donc ici son objet réel qui est de s'interroger pour savoir ce que l'on pense vraiment et pourquoi on le pense. Il faut, ensuite, soumettre ces pensées à un examen critique, se demander ce qu'elles valent et s'efforcer de comprendre comment et pourquoi l'on peut penser autrement. Ce passage de l'attitude naïve à l'attitude philosophique suggère donc un plan tout à fait classique : la première partie sera consacrée au commentaire de la maxime populaire et la seconde partie à sa discussion. Pour le détail du développement, l'élève se laissera guider par le progrès de sa réflexion.

« », c'est-à-dire un ensemble de spéculations abstraites inutiles à la vie : « Si les premiers philosophes philosophèrentpour échapper à l'ignorance, il est évident qu'ils poursuivaient la science pour savoir, et non en vue de quelqueutilité.

» (Métaphysique, I.) C.

La philosophie devrait être une réflexion sur la vie.

— Si l'on veut donner à la philosophie un intérêt pratique, enfaire une étude de quelque utilité, il faut la considérer, selon le mot de Spinoza, comme une « méditation de la vie »(Éthique, IV, 67).

Aristophane avait raison, sans doute, de railler le philosophe perdu dans les nuées, mais il étaitinjuste quand il représentait ce philosophe sous les traits de Socrate, dont Cicéron nous dit précisément qu'il « fitdescendre la philosophie du ciel sur la terre » (Tusculanes).

Socrate représente, en effet, une conception de laphilosophie qui refuse de séparer la pensée de l'action, la réflexion de la vie.

Au début de la République, lorsqu'ilengage avec Thrasimaque une discussion sur la justice, il dit fort bien : « La discussion ne porte pas ici sur unebagatelle, mais sur la manière dont il faut régler notre vie » (352d; cf.

344d).

Cette opposition entre une philosophiepratiquent une philosophie purement spéculative, on la trouve nettement formulée chez Descartes ; parlant de sesdécouvertes en Physique, il écrit en effet : « elles m'ont fait voir qu'il est possible de parvenir à des connaissancesqui soient fort utiles à la vie, et qu'au lieu de cette philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles, on enpeut trouver une pratique, etc...

» (Discours de la Méthode, VI).

Mais il est bien remarquable que même dans unesemblable conception, il faut « vivre d'abord ».

Sur quoi réfléchirait-on, en effet, si l'on n'avait commencé par vivre?Roger Martin du Gard, dans Jean Barois, fait dire à l'un de ses personnages : « Il faut agir d'abord et réfléchirensuite.

La jeunesse d'aujourd'hui, elle réfléchit trop, et n'ayant pas agi, elle réfléchit mal.

» Et Descartes lui-mêmeraconte au début du Discours de la Méthode qu'avant d'étudier en lui-même, il employa « quelques années à étudierdans le livre du monde et à tâcher d'acquérir quelque expérience » (I, fin).

Ainsi le sens commun semble avoir raisonde toutes façons : que l'on considère la philosophie comme une spéculation abstraite ou comme une méditation surla vie, « il faut vivre d'abord, philosopher ensuite ». II.

— Qu'on ne peut vivre sans philosopher. A.

Vivre, c'est penser.

— Il est clair, cependant, qu'affirmer la primauté de la vie sur la philosophie c'est déjàphilosopher.

Reprocher au philosophe de se perdre dans des spéculations abstraites sans intérêt vital, c'est déjà sefaire une certaine conception de ce qui constitue l'intérêt de la vie, et une semblable conception est précisément cequ'on appelle couramment « une philosophie ».

Aussi avons-nous vu que c'est au nom d'une philosophie pratique queDescartes condamnait la philosophie spéculative d'Aristote.

L'on fait de la philosophie comme Monsieur Jourdainfaisait de la prose.

C'est que l'homme est un animal raisonnable qui ne peut se contenter de vivre selon sesinstincts; ou s'il s'en contente, c'est parce qu'il juge préférable cette façon de vivre.

Vivere est cogitare, vivre c'estpenser, disait Cicéron (Tusculanes, V, 38), et il est bien vrai que, quoi qu'il fasse, l'homme ne peut vivre comme unanimal parce qu'il sait comment il vit et choisit la façon de vivre qui lui paraît la meilleure.

Ce savoir et ce choix sontl'œuvre de la pensée et la pensée du philosophe a finalement le même objet que la pensée du profane.

Parce qu'ilest un être pensant, l'homme ne saurait vivre sans philosopher.

Même cette affirmation qu'il faut commencer parvivre, pour philosopher ensuite sur l'expérience acquise, elle est l'œuvre d'une philosophie.

Ainsi ce n'est que parabstraction que l'on peut séparer la vie humaine et la philosophie, et le vrai problème est seulement de déterminerquels doivent être les rapports de la vie et de la pensée, de l'action et de la réflexion. B.

Toute philosophie est à la fois spéculative et pratique.

— Nous avons vu que l'opposition apparente entre la vieet la philosophie se réduisait en réalité à l'opposition de deux conceptions de la philosophie.

Mais cette oppositionentre une philosophie qui serait uniquement spéculative et une philosophie essentiellement pratique est elle-mêmeassez artificielle.

Toute philosophie est à la fois spéculative et pratique; c'est toujours à la sagesse, c'est-à-dire àun certain art de vivre, que vise le philosophe, mais c'est par la réflexion, la méditation, qu'il cherche à l'atteindre.

Sil'on reprend les divisions traditionnelles de la philosophie, il faut dire que la Morale constitue la fin dernière desétudes philosophiques; l'essentiel est toujours de se conduire.

Mais la Psychologie, la Logique et la Métaphysiquereprésentent un ensemble de recherches indispensables à qui veut, selon le mot de Descartes, « voir clair en sesactions et marcher avec assurance en cette vie » (Discours).

La Métaphysique notamment, où l'on voit le type de ladiscipliné entièrement spéculative et sans intérêt pratique, paraît constituer le fondement nécessaire de toutesagesse.

L'attitude morale de chacun de nous est, en effet, étroitement liée à ses croyances métaphysiques; unmatérialiste et un spiritualiste, par exemple, n'auront pas la même attitude en face du suicide.

De même l'étude desconditions de la connaissance n'est pas sans intérêt pratique si l'on comprend que la question : « Que dois-je faire?» est liée à cette autre question : « Que puis-je savoir? » Dans les grandes œuvres philosophiques les problèmesconcrets ne sont jamais séparés (si ce n'est en apparence) des problèmes abstraits.

Ainsi l'Éthique de Spinoza, quicommence par une définition métaphysique (« J'entends par cause de soi ce dont l'essence enveloppe l'existence »)s'achève sur une définition du bonheur (« Le bonheur n'est pas la récompense de la vertu, il est la vertu même »).En d'autres termes, la connaissance de la vérité paraît être la condition indispensable de la conduite rationnelle de lavie.

« Toute connaissance, dit Alain, est bonne au philosophe autant qu'elle conduit à la sagesse » (Éléments dephilosophie, p.

24). C.

Vrais rapports de la philosophie et de la vie.

— Ainsi la philosophie nous apparaît comme une réflexion sur lacondition humaine destinée à fonder un art de vivre.

« Ce mot de philosophie, disait Descartes, signifie l'étude de lasagesse, et par la sagesse on n'entend pas seulement la prudence dans les affaires, mais une parfaite connaissancede toutes les choses que l'homme peut savoir, tant pour la conduite de sa vie que pour la conservation de la santéet l'invention de tous les arts » (Principes de la philosophie - Lettre-préface).

Le philosophe a deux écueils à éviter :le premier serait une doctrine de l'action fondée sur une réflexion insuffisante; le second, une pensée purementspéculative, séparée de l'action.

C'est ce que signifie, dans la République de Platon, le mythe de la caverne, par. »

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