On a dit que la poésie est de bronze; la prose, d'argile. Qu'en pensez-vous ?

INTRODUCTION. — Les plus grands chefs-d'½uvre littéraires sont écrits en vers, et c'est au vers qu'on a recours quand on veut exprimer avec force ses pensées et surtout ses sentiments. Aussi a-t-on pu dire que la prose est d'argile, et la poésie de bronze. Cette comparaison est-elle parfaitement juste ? I. La comparaison est au moins heureuse. Il y a ordinairement dans la poésie quelque chose de dur et de résistant qui manque à la prose : A. Comme le bronze, la poésie est dure à travailler; en effet, aux exigences de la prose, elle ajoute les exigences particulières au genre poétique : mesure et rime, vocabulaire et images spéciaux... B. Comme le bronze, la poésie résiste aux attaques du temps, qui désagrège la prose comme les statues ou les vases d'argile. Le vers, grâce à la mesure, qui lui constitue comme une armature, se fixe plus exactement et plus rapidement dans les mémoires : il est plus facile d'apprendre vingt vers d'une tragédie de RACINE que dix lignes de LA BRUYÈRE. C'est bien pour cela que, avant l'invention de l'imprimerie, c'est en vers qu'on écrivait les épopées destinées à conserver le souvenir des hauts faits du passé.