Obéir, est-ce renoncer à sa liberté ?
Publié le 03/12/2005
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L'Antiquité faisait l'éloge du loisir qui est l'otium, état de paix correspondant au dégagement des soucis inhérents aux activités professionnelles et à l'absence de contrainte temporelle. Pour Aristote, par exemple, cet état d'exemption du travail est nécessaire à l'homme se livrant à la réflexion philosophique et aux exigences éthiques. L'otium n'est donc pas le temps du désoeuvrement, mais celui du développement intellectuel et moral de l'homme. L'oisiveté, en revanche, qui se réduit à « ne rien faire « a été généralement condamnée (l'oisiveté, dit-on, est « mère de tous les vices «, tandis que le travail serait source de moralité) depuis le Moyen Âge jusqu'au XIXe siècle (songeons à la critique portée contre elle par saint Thomas d'Aquin, par Th. More dans son Utopie, ou par Voltaire qui écrit : « Il vaut mieux mourir que de traîner dans l'oisiveté une vieillesse insipide. Travailler, c'est vivre. «). Il faut ainsi attendre P. Lafargue qui réhabilitera le loisir oisiveté dans son Droit à la paresse (1882). On assiste aujourd'hui à une défense et à un développement du loisir ou plutôt des loisirs, lesquels englobent toutes les activités ou la non-activité du « temps libre «, c'est-à-dire du temps dégagé des activités professionnelles. Nous pouvons toutefois nous demander si ce « temps libre « est bien le temps de notre liberté.
- I) Obéir, c'est renoncer à sa liberté.
a) Obéir, c'est être déterminé de l'extérieur. b) En obéissant, j'abdique ma volonté. c) L'obéissance est préférable au désordre.
- II) Obéir, ce n'est pas renoncer à sa liberté.
a) Etre libre, c'est obéir à la morale. b) Les citoyens peuvent obéir librement. c) La liberté s'apprend.
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«
2.
Antithèse : L'exploration des contraintes et de la « situation » dans le monde.
Comment être libre, devant le faisceau de contraintes qui se présente à nous...
Tout un ensemble de limites surgit,limites qui semblent faire obstacle à mon libre arbitre, au pouvoir d'agir à ma guise.
Dès lors s'évanouit et meurt cepouvoir de choix et d'action que rien ne limitait.
a.
L'ordre de la nature.
Devant là nature, ce que j'expérimente, au premier chef, c'est un ordre qui ne se laisse point modeler par unevolonté, une puissance qui me résiste.
Les phénomènes obéissent, en effet, à des lois indépendantes de nous, à desrelations qui paraissent inflexibles.
Nul ne peut échapper à la pesanteur, ni aux lois entropiques qui règlent le vivant.Une loi physique, par exemple, est une proposition qui établit un lien impossible à rompre entre des grandeursphysiques mesurables.
Un aveugle déterminisme paraît organiser le monde.
L'ordre de la nature est une nécessité apparemmentincontournable.
b.
Les contraintes psychologiques du soi et de l'inconscient.
Cet ordre contraignant se révèle tout particulièrement puissant dans la sphère du psychisme humain.
Pour qui jette,en effet, un oeil lucide sur son « soi », les contraintes issues de l'inconscient paraissent jouer un rôle évident.Désirs, passions, habitudes sont, en grande partie, subis et issus de mécanismes archaïques innés ou acquis, dontnous saisissons mal la nature et les causes.
Notre libre arbitre se heurte ici à des puissances qui s'imposent à nous.D'ailleurs, n'éprouvons-nous pas fréquemment un sentiment de contraintes psychiques en de nombreuses décisions ?Nous convenons alors que « nous ne pouvons faire autrement ».
L'archaïsme des pulsions et des désirs s'affirme ainsi, contre le rêve du libre arbitre sans contraintes ni limites.
Undémenti est apporté alors à notre rêve de liberté illimitée.
c.
Les contraintes issues d'autrui - La relation maître-esclave.
Mais le mouvement vers autrui et la relation avec l'Autre sont, eux aussi, porteurs de lourdes contraintes.
En effet,Autrui est d'abord l'Autre, le différent.
Or, cet Autre - ce Moi qui n'est pas moi, selon l'expression de Sartre - mepénètre au plus intime de ma conscience et de ma vie, se faisant porteur de limites, formant souvent obstacle àmon lire arbitre.
La loi de la vie humaine, c'est le conflit, la lutte des consciences entre elles.
Quand deuxconsciences se rencontrent, elles tendent à s'affronter l'une l'autre.
Comme l'a montré Hegel, dans laPhénoménologie de l'Esprit, les relations humaines représentent une lutte à mort pour la reconnaissance de l'un parl'autre.
Ainsi la lutte du maître et de l'esclave, du dominant et du dominé, incarne cette dure contrainte où paraît sebriser mon libre arbitre solitaire.
La violence, physique ou psychologique, est la marque même de la relationdominant/dominé.- La relation d'amourLa rencontre avec autrui, c'est aussi l'amour.
Une certaine tendance de la sensibilité nous porte, en effet, vers lesêtres que nous pressentons ou ressentons comme bons.
Or l'amour peut constituer également une contrainte ouune limite pour la liberté idéale dans la mesure où nous cherchons à accaparer l'autre pour nous l'approprieraffectivement.
Tel est « l'amour possessif », qui forme obstacle à ma liberté spontanée.
Ici encore, je prendsconscience des limites de la liberté.
d.
La contrainte des lois de la cité.
La contrainte des lois civiles représente un nouvel obstacle les lois civiles, règles impératives formulées par l'autoritésouveraine d'une société, commandent pour tous.
En effet, elles sont, d'abord, l'expression de l'organisationnécessaire de la vie sociale à laquelle l'homme ne peut échapper.
Par conséquent, le citoyen qui obéit aux lois civilesvoit sa subjectivité humiliée et domptée.
Loin d'agir selon son bon plaisir, il se soumet à des lois qui rabaissent leprincipe de la subjectivité.
Dès lors, il semble qu'à ce niveau d'analyse également, l'obéissance aux lois réduisel'homme en esclavage.
L'ordre universel des lois civiles dompte l'homme et l'asservit.
Cet ordre universel s'appuie surla violence du pouvoir d'État qui s'exerce à travers différents corps d'administration.
Les lois de l'État représententainsi un pouvoir paraissant limiter nos libres penchants ; elles semblent, elles aussi, nous enchaîner et nous asservir,faire de nous des esclaves, des animaux domestiques.Dans la sphère civile et politique, la volonté générale, chère à Rousseau, volonté de tous faisant abstraction desintérêts particuliers, peut aussi représenter un danger et un obstacle, puisqu'alors l'individu n'existe plus vraiment.La liberté idéale tombe en poussière quand le citoyen obéit à une volonté où il ne se retrouve pas.
e.
La loi morale.
Enfin, il faut mentionner la loi morale qui, elle aussi, semble représenter une contrainte.
Il s'agit ici de la loi éthique,du commandement moral, du devoir.
C'est un impératif catégorique, une proposition ayant la forme d'uncommandement agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne uneloi universelle.
Il faut obéir à la loi du devoir.
Force est de reconnaître que cette loi humilie toute la partie sensible.
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