N'y a-t-il d'objectivité que scientifique ?
Publié le 03/12/2005
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Phi. Pour les scolastiques et les cartésiens, s'applique aux idées ou représentations de l'esprit, objets de pensée, et non aux choses elles-mêmes qui sont représentées. Ainsi, seules les idées ont une « réalité objective ». Par ex., l'idée objective de soleil est le soleil « en tant qu'il existe dans l'entendement » et non « en tant qu'il est au ciel ». S'oppose ici à formel. Crit. Kant n'appelle pas objective une réalité subsistant indépendamment de toute connaissance (car une telle réalité ne peut précisément pas être connue), mais ce qui est valable pour tous les esprits. Dès lors, si subjectif s'applique à ce qui est une propriété de la pensée en général (par opposition à ce qui est sans être pensé), alors objectif et subjectif ne s'opposent pas. En revanche, quand subjectif désigne ce qui est propre au sujet individuel (contrairement à ce qui est commun à tous les êtres raisonnables), l'opposition de ce qui est objectif et de ce qui est subjectif a un sens. Ainsi, cette distinction est ici davantage une distinction de droit que de fait. Est objectif ce qui est commun à plusieurs êtres pensants, et pourrait de droit être commun à tous : ce qui peut fonder un accord universel. Mor. L'opposition de subjectif et objectif recoupe dans la morale kantienne celle des fins strictement individuelles et des fins universellement valables, qu'elles soient ou non reconnues de fait pour telles. Les principes pratiques sont subjectifs quand le sujet considère qu'ils ne valent que pour sa seule volonté; ils sont objectifs quand leurs prescriptions sont reconnues comme valables pour tout être raisonnable.
La connaissance scientifique est un discours objectif de la réalité. Tous les autres discours (philosophiques, moraux, etc.) sont nécessairement subjectifs. Seule la science, grâce à ses méthodes de connaissance, peut nous fournir une représentation juste de la réalité. Mais, n'y a-t-il vraiment aucune objectivité en moral, en art ou en philosophie ? Lorsque Descartes affirme son cogito ne fait-il pas preuve d'objectivité et d'universalité ?
«
que la connaissance scientifique n'a plus pour contenu la connaissance de la nature.Une telle question pour lui est dépassée, définitivement périmée, n'a finalement pas de sens.Cf « En chimie la prise sur la nature correspond à une période révolue.
» (Le Matérialisme rationnel, p.
31.)On peut se demander alors si une affirmation telle que « nos connaissances sont de plus en plus objectives » peutencore avoir un sens (du moins pour lui).
Il faut bien mesurer ici d'une part les bouleversements que Bachelard faitsubir à la notion d'objectivité scientifique (telle qu'il l'appréhende dans les activités scientifiques contemporaines) etl'enjeu philosophique, ontologique d'une telle appréhension.— Bien voir qu'une réflexion approfondie sur les sciences peut amener à mettre en cause la dichotomie classiqueobjet-sujet.Par exemple, l'impossibilité d'unifier les divers développements de la physique contemporaine conduit à distinguer cequ'une science prend pour objet et ce qui constitue l'être de la réalité, conduit à mettre en question l'éternité d'unsujet et d'un objet transcendantaux , conduit en définitive à se demander si l'on peut parler de l'objectivitéscientifique en général (ce qui ne peut que conduire à la problématique classique, et sans doute périmée, de ladichotomie sujet-objet) et à penser qu'il se peut que c'est à chaque science de déterminer au cours de sondéveloppement ses objets et la forme d'objectivité qui peut lui être appropriée.• En ce cas peut-on légitimement parler de « l'objectivité »...
du discours scientifique?• De quoi parle-t-on finalement lorsqu'on parle d' « objectivité », y compris dans les différentes sciences ?• Peut-on finalement déterminer que « l'objectivité » est le privilège du « discours scientifique »?Si oui, en quel(s) sens ? Par rapport à quoi ?
• La notion d'objectivité est sans doute une des notions les plus controversées qui soient.
Sans doute en raisond'une confusion des domaines (on parle d'objectivité à tout moment et en toutes circonstances) mais surtout àcause de la diversité des acceptions du terme lui-même.
Il faut rappeler que, dans sa signification habituelle, lanotion d'objectivité qualifie une proposition, que l'on considère comme vraie, ou un point de vue que l'on dit « neutre» ou « impartial ».
Mais cette approche reste très superficielle et pleine d'équivoques.
Le savant peut-il s'abstenirde « prendre parti » lorsqu'il se trouve en présence de préjugés ou de représentations qui entravent sa démarche?On oublie trop souvent, notamment dans le domaine des sciences humaines, que l'objectivité d'une thèsedéterminée ne réside pas dans le fait qu'elle s'abstient de « prendre parti » — ce qui ne veut peut-être pas diregrand-chose — mais dans son efficacité en tant qu'explication capable de rendre compte d'un certain nombre deprocessus réels.
• Il n'en reste pas moins vrai que dans le domaine scientifique comme ailleurs l'objectivité est une conquête.
Commele dit Bachelard dans l'avant-propos de la Psychanalyse du feu, « l'objectivité, dûment rectifiée, dément le premiercontact avec l'objet ».
Si l'objectivité est le caractère de ce qui ressaisit les déterminations internes de l'objet, ellene peut être que construite, élaborée à travers la mise en place de concepts.
Elle requiert une distanciation critiqueà l'égard des apparences et des données implicites de la subjectivité.
Bref, elle suppose une rupture épistémologiqueet ne peut s'affirmer que dans une démarche maîtrisée, c'est-à-dire consciente de ses objectifs, de ses méthodeset de ses présupposés.
Les enjeux de certaines démarches explicatives (histoire, économie politique, mais aussipsychanalyse) font que l'accomplissement de l'objectivité au niveau des théories produites est hypothéqué d'embléesoit par les données implicites et inconscientes d'une subjectivité qui résiste à toute élucidation, soit par lespréjugés idéologiques dont la ténacité au sein des représentations admises est pratiquement irréductible.
Cesconstatations ont conduit beaucoup d'esprits superficiels à ne reconnaître d'objectivité qu'aux sciences de la nature(comme si Galilée n'avait pas dû, lui aussi, briser la résistance de préjugés tenaces pour faire admettre sesthéories).
La question reste donc entière : l'objectivité est-elle le privilège du seul discours scientifique?
• On dit d'une thèse scientifique qu'elle est vraie dans la mesure où elle rend compte précisément d'un processusréel.
Peut-on le dire d'une thèse philosophique, puisque celle-ci n'est pas une connaissance? Althusser propose dedire d'une thèse philosophique qu'elle est juste, tandis que le mot « vrai » serait réservé à la science.
Justesse etvérité seraient les attributs respectifs, et complémentaires, des thèses philosophiques et des thèses scientifiques «objectives » (l'objectivité d'une thèse philosophique restant à déterminer).
• Peut-il exister une objectivité ailleurs que dans le discours scientifique? Nous avons vu que les conditions mêmesde la démarche scientifique ne sont pas séparables de toute une configuration de représentations qui peut faireobstacle au travail du savant.
Celui-ci peut-il dès lors faire l'économie d'une réflexion portant sur cesreprésentations? L'histoire des sciences montre que non.
L'importance d'une élucidation par le savant lui-même des.
»
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