Nul n'est censé ignoré la loi ?
Publié le 02/10/2009
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«
prendre connaissance dans les textes et les arrêts, mais à rapporter le droit positif aux conditions rationnelles de salégitimité, fût-ce au risque de sa critique : « Ce qui est de droit (quid sit juris), c'est-à-dire ce que les lois disentou ont dit en un certain lieu et en un certain temps, sans doute [le jurisconsulte] peut-il l'indiquer ; mais savoir sice qu'elles voulaient étaient en outre juste, et quel est le critère universel auquel on peut reconnaître en généralaussi bien le juste que l'injuste (justum et injustum), cela lui reste bel et bien dissimulé s'il ne laisse pas de côtépour un temps ces principes empiriques et ne cherche pas la source de ces jugements dans la simple raison [...],afin de mettre en place le fondement d'une législation positive possible » (KANT, Doctrine du Droit, Introduction, §
B).
- Sans doute, au point de vue strictement politique, il faut et il suffit que chacun se conforme extérieurementà loi, pourvue qu'elle soit morale mais sans qu'il soit nécessaire de la reconnaître comme telle.
« En ce sens, la loiuniverselle du droit : Agis extérieurement de telle manière que le libre usage de ton arbitre puisse coexister avec laliberté de tout homme selon une loi universelle, est à vrai dire une loi qui m'impose une obligation, mais qui n'attendaucunement et exige encore moins que je me fasse même un devoir, au nom de cette obligation, de limiter maliberté à ces conditions »(ibid., § C).
Mais si, par conséquent, « le droit et la faculté de contraindre signifient [...]une seule et même chose » (ibid., § E), il n'en demeure pas moins que la simple conformité à la loi, pour extérieure et contrainte qu'elle soit dans l'ordre juridique, relève encore d'une obéissance à la raison elle-même et, partant, àce qu'il y a de raisonnable en soi.
Cl.
: L'on est d'autant moins censé ignorer la loi que, en vertu de sa moralité, luiobéir revient à obéir à soi-même en tant qu'être raisonnable.
2.
DEVENIR CE QUE L'ON EST :
- Si « dans le droit positif [...] ce qui est légal est la source de la connaissance de ce qui est du droit, ou àproprement parler de ce qui est de droit » (HEGEL, Principes de la philosophie du droit, III, 2, B, a, § 212), ilappartient donc au juriste de se faire métaphysicien, afin que la connaissance du droit rapporte la loi positive(voire la coutume) à la question de son éthicité (Sittlichkeit) et, partant, à la conscience de son universalité : « Poser quelque chose comme universel, c'est-à-dire le porter à la conscience en tant qu'universel, c'est, on le sait bien, penser […] ; en ramenant ainsi le contenu à sa forme la plus simple, la pensée lui donne sa déterminité(Bestimmtheit) ultime.
C'est seulement en devenant loi que ce qui est du droit reçoit non seulement la forme deson universalité, mais sa déterminité véritable.
Voilà pourquoi, dans le cas de la représentation de l'acte-de-légiférer (das Gesetzgeben), il ne s'agit pas d'avoir simplement sous les yeux le premier moment, à savoir quequelque chose est énoncé comme la règle de conduite valable pour tous ; le moment essentiel interne est au contraire, avant cet autre moment, la connaissance du contenu dans son universalité déterminée.
Même des droitscoutumiers [...] contiennent le moment qui consiste à être et à être sus comme pensées (als Gedanken zu seinund gewut zu werden) » (ibid., § 211).
- C'est seulement à cette condition que la société civile peut accéder à la « vie éthique », en accédant à la conscience de soi par la connaissance même du droit —accès à soi que Hegel appelle « culture » (Bildung) : « en tant que culture, [elle] donne au droit l'être-là [Dasein =‘‘l'existence effective consciente de soi''] qui consiste à être quelque chose d'universellementreconnu, su et voulu (als allgemein Anerkanntes, Gewutes und Gewolltes), et à avoir validité et effectivité objective par la médiation de cet être su et de cet être voulu » (ibid., § 209).
- Si nul n'est censéignorer la loi, c'est donc en vertu même de cette pensée du droit comme acte par lequel un peuple non seulementprend conscience de soi, mais reconnaît dans la loi qu'il se donne à lui-même et le constitue comme tel, l'universalité de sa propre destination : « L'effectivité objective (die objektive Wirklichkeit) du droit est en partied'être pour la conscience, d'être su en général, en partie d'avoir la puissance de l'effectivité et d'avoir validité, etd'être ainsi su aussi comme ayant universellement validité (Gültiges gewut) » (ibid., § 210).
Cl.
: D'où «la nécessité que les lois soient rendues universellement familières » (ibid., b., § 215), afin que, par leur connaissance, l'on accède à soi-même comme personne universelle.
3.
SAVOIR CE QUE L'ON VEUT :
- On le voit, de Kant à Hegel, il faut que la loi soit l'expression et la réalisation de la volonté générale, afin de s'yreconnaître soi-même et de n'obéir qu'à soi lorsque l'on s'y soumet.
- Mais « comment une multitude aveugle quisouvent ne sait ce qu'elle veut, parce qu'elle sait rarement ce qui lui est bon, exécuterait d'elle-même uneentreprise aussi grande, aussi difficile qu'un système de législation ? De lui-même le peuple veut toujours le bien,mais de lui-même il ne le voit pas toujours.
La volonté générale est toujours droite, mais le jugement qui la guiden'est pas toujours éclairé » (ROUSSEAU, Du contrat social, II, 6).
Nul n'est sans doute censé ignorer la loi, pourautant qu'elle émane de ce que les hommes doivent vouloir afin de se constituer en un corps politique, mais lepeuple lui-même doit savoir ce qu'il veut, afin que les lois soient véritablement l'expression de la volonté généraleet non pas l'énoncé de la volonté de la majorité, i.e.
du plus fort.
- D'où un cercle problématique : « Pour qu'unpeuple naissant pût goûter les saines maximes de la politique et suivre les règles fondamentales de la raison d'État,il faudrait que l'effet pût devenir la cause, que l'esprit social qui doit être l'ouvrage de l'institution présidât à l'institution même, et que les hommes fussent avant les lois ce qu'ils doivent devenir par elles » (ibid., II, 7).
- Afinde rompre ce cercle, il est donc nécessaire qu'un législateur préside, par les lois qu'il édicte, à l'expression mêmede la volonté générale, fût-ce à l'encontre de ce que le peuple croit vouloir, et ce, afin qu'en lui donnant ses lois, illui donne de devenir ce qu'il est : « Les particuliers voient le bien qu'ils rejettent : le public veut le bien qu'il nevoit pas.
Tous ont également besoin de guides.
Il faut obliger les uns à conformer leurs volontés à leur raison ; ilfaut apprendre à l'autre à connaître ce qu'il veut.
Alors des lumières publiques résulte l'union de l'entendement etde la volonté dans le corps social, de là l'exact concours des parties, et enfin la plus grande force du tout.
Voilàd'où naît la nécessité d'un législateur » (ibid., II, 6).
- Un tel législateur « est à tous égard un hommeextraordinaire dans l'État » (ibid., II, 7) et sa « grande âme […] est le vrai miracle qui doit prouver sa.
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