Devoir de Philosophie

Notre vie affective est un « jardin secret ». Cependant on lui a assigné des conditions sociales. Y a-t-il contradiction entre ces deux assertions ?

Publié le 22/06/2009

Extrait du document

Le philosophe, dans son désir d'expliquer, voudrait ramener toute la réalité à un seul élément, la multitude des lois à une loi unique. Mais il se heurte à la complexité du réel et, en particulier, à la complexité de l'âme humaine dans laquelle de multiples influences s'entrecroisent sans se confondre. Ainsi, chacun a sa personnalité propre dont le mystère est inaccessible à tout autre qu'à lui; sa vie affective, tout spécialement, est un « jardin secret « impénétrable aux regards d'autrui. Et cependant cette vie affective, comme d'ailleurs l'ensemble de la personnalité, ne se développe et ne se précise que sous l'influence de conditions sociales déterminées; l'action de la société se fait sentir jusqu'au plus secret du jardin intérieur. Ces deux assertions ne sont-elles pas contradictoires l'une de l'autre ? Comment notre vie affective est-elle un « jardin secret «, si le mur qui l'entoure n'arrête pas les remous de la place publique. A. On pourrait douter, à première vue, que l'appellation de jardin secret convienne à notre vie affective. a) N'avons-nous pas l'impression de lire dans l'âme des autres et de suivre, comme à livre ouvert, le déroulement de leurs sentiments? Ne connaissons-nous pas leurs préférences, leurs amitiés et leurs antipathies ? Ne savons-nous pas comment ils réagiront à un mot aimable ou à une allusion maligne ?

« sentiments d'autant plus profonds qu'elle est plus séparée de la foule et dans un contact plus personnel avec Dieu ? B.

Il n'en est pas moins vrai que, si nous naissons doués de la capacité d'éprouver des sentiments, c'est la vie ensociété qui développe cette capacité, précise ces sentiments, et surtout humanise l'affectivité. a) Le primitif est beaucoup moins sensible que le civilisé.

Peu délicat dans le choix de sa nourriture, il cherchesurtout l'apaisement de sa .

faim.

Il vit souvent dans une atmosphère qui incommoderait les moins difficiles de noscontemporains.

Le sommeil sur la dure est pour lui aussi reposant que, pour nous, une nuit dans un lit de plumes.Pourquoi Je changement? C'est la société qui nous a imposé ce confort, signe d'une certaine fortune et d'un certainrang social, ces dépenses nécessaires pour la marche de l'économie de la cité. b) Nos goûts et nos préférences affectives sont, dans une grande mesure, déterminés par le milieu dans lequel nousvivons.

On ne saurait le mettre en doute pour nos goûts esthétiques : nous aimons les costumes, les palais, lamusique, les danses de notre pays, et si des importations étrangères nous intéressent ce n'est guère que par leurétrangeté même.

Il faut le reconnaître aussi pour nos sensations qui semblent dépendre de notre constitutionphysique et que la vie collective parvient à transformer : des plats, comptés parmi les mets des délicats, qui toutd'abord nous déplaisent ou même nous répugnent, deviennent souvent, par le jeu des conventions sociales, nosplats préférés, d'autant plus aimés, qu'il nous en a plus coûté de nous y habituer.

N'avons-nous pas là le secret derattachement de tant d'hommes pour le tabac ? c) Enfin, les sentiments supérieurs, par lesquels l'homme s'élève au-dessus de l'animal, n'apparaissent que dans lasociété et par la société.

C'est la nécessité de la vie et de l'action communes qui nous forcent à nous dégager denotre point de vue étroit et égoïste et à nous placer à un point de vue plus général : l'esprit critique et l'amour de lalogique, l'altruisme et la joie du dévouement, résultent de la vie collective.

Les jouissances les plus personnelles,celles de l'art, celles de l'amitié, n'apparaissent que dans un milieu social très évolué.Il est donc bien vrai que la vie affective est conditionnée par l'état de la société dans laquelle nous vivons. * * * Mais, entre les deux faits que nous venons d'exposer, n'y a-t-il pas contradiction ? Comment notre vie affectivepeut-elle être un jardin secret si la société exerce sur son développement une telle influence ? A.

Quoique étroitement dépendante de la société, pourrions-nous répondre tout d'abord, la vie affective reste un «jardin secret », et ces deux affirmations ne sont pas contradictoires : nous disons que l'âme humaine estimpénétrable à l'œil d'autrui; nous ne disons pas qu'elle soit impénétrable à son action.Si les autres ne peuvent pas connaître le mystère de notre vie, ils ont des moyens puissants d'agir sur sonévolution.

Tout d'abord, et sans doute en premier lieu, la parole parlée ou écrite : par elle la société arrive à forgerune sorte de monde mental qui double et parfois domine le monde réel, modifiant ainsi indirectement les sentimentsles plus intimes : l'appétit sexuel aurait-il une si grande importance dans la vie affective de l'homme moderne sansles plaisanteries de corps de garde de certains groupes de jeunes gens et surtout sans la littérature romanesque etle théâtre ? Ensuite la société sanctionne de son blâme ou de son approbation, sinon les sentiments eux-mêmes quilui échappent, du moins les manifestations des sentiments : il est une piété, un altruisme, et même, nous l'avons dit,des préférences alimentaires de bon ton et d'autres qui passent pour vulgaire.

Nous amenant à refréner l'expressionde certains états affectifs, on agit indirectement sur l'affectivité elle-même : une piété qui ne s'extériorise pas estcondamnée à la disparition. B.

Non seulement il n'est pas contradictoire d'affirmer que la vie affective reste un « jardin secret » bien que lasociété agisse sur elle, mais on pourrait aller plus loin et dire que si notre vie affective reste si secrète, c'est parceque étroitement dépendante à l'égard de la société. a) Tout d'abord, si nous nous cachons et cherchons à rendre impénétrable aux regards d'autrui notre retraiteintérieure, c'est parce que nous vivons en société : cette réflexion a tout l'air d'une vérité de La Palice, etcependant il ne sera pas inutile de s'y arrêter un instant.

L'enfant et le primitif ignorent les ruses par lesquellesl'adulte civilisé parvient à dépister quiconque tente de pénétrer dans ses retranchements.

Ils extériorisent aveccandeur toutes leurs impressions et leur âme est un jardin ouvert au premier venu.

Mais ils constatent un jour quetoute vérité n'est pas bonne à dire, que la société se venge sur celui qui manifeste des sentiments qu'elle n'admetpas.

Dès lors, à cette charmante spontanéité, se substitue peu à peu un système de réactions savammentcalculées de manière à manifester les états dame qu'il est avantageux de laisser paraître et à garder secrètes lesimpressions les plus personnelles.

L'action de la société sur sa vie affective a amené l'homme à élever autour de sonjardin intime un mur impénétrable aux regards extérieurs. b) De plus, une fois dressé, ce mur a rendu difficile à chacun, sinon impossible, la connaissance de soi : c'est parsuite de la vie en société que notre vie affective est un « jardin secret » pour nous-même.

Les psychologuescontemporains l'ont bien noté : habitués à prendre devant les autres une attitude conventionnelle, une physionomied'emprunt, nous en,venons à ne plus pouvoir retrouver notre vrai visage ou plutôt à ne plus savoir quel est, desdivers visages que les circonstances nous font adopter, celui qui est vraiment nôtre et reflète notre moi profond :par suite de l'action de la société sur notre vie intérieure, ce moi est confiné pour nous dans une retraiteinaccessible.C'est donc bien parce que dépendante de conditions sociales que notre vie affective devient « un jardin secret », et. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles