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Notre vie affective est-elle un « jardin secret » ?

Publié le 19/09/2015

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AUTRES SUJETS SUR L’INTROSPECTION

 

L’introspection.

 

« En psychologie, a dit Maine de Biran, l’observation n’est que le recueillement. » Expliquez cette pensée et discutez-la.

Ne partez pas trop vite en faisant de « recueillement » le synonyme d’introspection : dans ce cas, il faudrait rejeter l’affirmation absolue de Maine de Biran. Il faut aussi se recueillir pour observer les autres, du moins pour tirer des expériences faites tout l’enseignement qu’elles comportent (Précis, I, 160). Ces remarques vous permettront de donner raison à Maine de Biran : de son temps, il n’y avait pas de laboratoires de psychologie, ni de psychologie strictement scientifique.

Les difficultés proprement psychologiques d’une sincérité intégrale.

La sincérité consiste à parler sans déguiser sa pensée et ses sentiments. Mais la sincérité envers les autres suppose la sincérité avec soi-même et parfois, malgré toute notre bonne volonté d’être sincères, nous avons conscience de ne pas y arriver à cause des difficultés de l’introspection. Vous avez les idées essentielles pour traiter le sujet. Mais n’oubliez pas que vous avez à parler des difficultés de la sincérité et non des difficultés de l’introspection.

B. Non seulement il n’est pas contradictoire d’affirmer que la vie affective reste un « jardin secret » bien que la société agisse sur elle, mais on pourrait aller plus loin et dire que si notre vie affective reste si secrète, c'est parce que étroitement dépendante à l’égard de la société.

 

a) Tout d'abord, si nous nous cachons et cherchons à rendre impénétrable aux regards d'autrui notre retraite intérieure, c’est parce que nous vivons en société : cette réflexion a tout l’air d’une vérité de La Palice, et cependant il ne sera pas inutile de s'y arrêter un instant. L’enfant et le primitif ignorent les ruses par lesquelles l’adulte civilisé parvient à dépister quiconque tente de pénétrer dans scs retranchements. Ils extériorisent avec candeur toutes leurs impressions et leur âme est un jardin ouvert au premier venu. Mais ils constatent un jour que toute vérité n’est pas bonne à dire, que la société se venge sur celui qui manifeste des sentiments qu'elle n’admet pas. Dès lors, à cette charmante spontanéité, se substitue peu à peu un système de réactions savamment calculées de manière à manifester les états d’âme qu'il est avantageux de laisser paraître et à garder secrètes les impressions les plus personnelles. L’action de la société sur sa vie affective a amené l’homme à élever autour de son jardin intime un mur impénétrable aux regards extérieurs.

« devant les manifestatiDns extérieur~s du manœuvre comme devant un texte presque indéchiffrable.

Bien plus, l 'inteq,énétration des consciences, entre gens de même culture, est le résultat d ·uu contact prolongé ~t, par suite, ~n fait d'exception : notre jardin intérieur reste ~ceret pour l'ensemble des hommes.

b) Est-il d'ailleurs sans mystère pour les privilégiés à qui il est donné de nous comprendre P Tout d'abord, de notre vie intérieure et spécialement Lie notre vic affective, nous n'extériorisons qu'une partie : les sentiments qui nous humilieraient ou qui pourraient blesser, nous les laissons habil~­ ment clans l'ombre.

Sans doute, ils se trahissent pa'rfois malgré nous.

)fais combien de fois aussi ne donnons-nous pas extérieurement les signes de sentiments que nous n'éprom ..

ons pas: Enfin, la meilleure manière, pour les autres, rie nous comprendre, c'est encore de réaliser en eux-mêmes ce qui se passe C'n nous : mais ils restent ainsi renfermés dans leur " jardin secret n; ils ne pénètrent pas dans le nôtre.

c Enfin, cc mystérieux jardin ne conscne-t-il pas quelques secrets pour celui qui y habite lui-même? Nous savons peut-être, si nous avons 1 'hahitnde de l'introspection.

quelles sont nos svmpathies ct nos aversions; mais savons-nous les raisons dernières de nos préfércnres, les causes vraies de nos joie:=; et de nos tristesses P Pouvons-nous enfin 11énétrer jusqu 'au cenlre même de notre cœur et comme au nerf de notre affectivité et décider de cc quïls nllent ? Rirn téméraire serait crlui •lUi prétendrait avoir de soi-même une connaissance excluant tout mystère ct tout secret.

C'est donc bien vrai : notre vic affective est.

un " jardin secr~t n, une t~rre mystérieuse soustraite aux regards les plus pénétrants.

* * * Impénétrable aux regards, notre vie affective ne l'est pas à l'influence !le la so·ciété; elle est même, dans une grande mesure, conditionnée par le milieu, A.

Sans doute, 1 'affe-ctivité elle-même, c'est-à-dire le pouvoir d'éprouver plaisir el douleur, d'être ému, d'aimer et de haïr, est un don congénital indépendant de la société.

C'est par nature aussi que je puis m'élever aux impressions affectives supérieures inaccessibles à l'animal : sentiment esthétique ou religieux, joie de la découverte scientifique ou du dévouement.

Il semble mème qu'un grand nombre, sinon le grand nombre, de mes états affectifs est 1 otalement in dépendant de la wciété.

La semàtion de faim et rlc soif, la doucenr du sucre et l'acidité du vinaigre paraissent hi·en ne rien avoir de social.

Les affections familiales, dont Je rôle t>st si important dans la vie de l'homme, ne résultent-elles pas de la nature des choo:cs et ne sont-elles pas identiques dans tous les milieux? L'âme religieuse n'éprouve-t-elle pas des sentiments d'autant pl us profonds qu'elle est plus Sf~p3rée ~e la foule ct dans un contact plus personnel avec Dieu ë B.

Il n'en est pas moins vrai que.

si nous naissons doués de la capacité rl'éprouver des sentiments, c'est la vie en société qui développe œtte capacité, précise ces sentiments, et surtout humanise l'affectivité.

a) Le primitif est beaucoup moins sensible que le civilisé.

Peu délicat. »

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