Notre rapport au monde est-il essentiellement technique ?
Publié le 02/12/2005
Extrait du document
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La science antique & la philosophie chrétienne étaient désintéressées ; Descartes veut, lui, une « philosophie pratique ».
« Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices qui feraient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent,mais principalement aussi pour la conservation de la santé [...] »
La nature ne se contemple plus, elle se domine.
Elle ne chante plus les louanges de Dieu, elle est offerte à l'homme pour qu'il l'exploite et s'en rende « comme maître & possesseur ».
Or, non seulement la compréhension de la science se voit transformée, mais dans un même mouvement, celle de la technique.
Si la science peut devenir pratique (et non plus seulement spéculative),c'est qu'elle peut s'appliquer dans une technique.
La technique n'est plus un art, un savoir-faire, une routine,elle devient une science appliquée.
D'une part, il s'agit de connaître les éléments « aussi distinctement que nous connaissons les métiers de nos artisans ».
Puis « de les employer de même façon à tous les usages auxquels ils sont propres ».
Il n'est pas indifférent que l'activité artisanale devienne le modèle de la connaissance.
On connaît comme onagit ou on transforme, et dans un même but.
La nature désenchantée n'est plus qu'un matériau offert àl'action de l'homme, dans son propre intérêt.
Connaître et fabriquer vont de pair.
D'autre part, il s'agit « d'inventer une infinité d'artifices » pour jouir sans aucune peine de ce que fournit la nature.
La salut de l'homme provient de sa capacité à maîtriser et même dominer techniquement,artificiellement la nature.
Ce projet d'une science intéressée, qui doive nous rendre apte à dominer et exploiter techniquement une nature désenchantée est encore le nôtre.
Or la formule de Descartes est aussi précise que glacée ; il faut nous rendre « comme maître et possesseur de la nature ».
« Comme », car Dieu seul est véritablement maître & possesseur.
Cependant, l'homme est ici décrit comme un sujet qui a tous les droits sur une nature qui lui appartient (« possesseur »), et qui peut en faire ce que bon lui semble dans son propre intérêt (« maître »).
Pour qu'un tel projet soit possible, il faut avoir vidé la nature de toute forme de vie qui pourrait limiter l'action de l'homme , et poser des bornes à ses désirs de domination & d'exploitation.
C'est ce qu'a fait lamétaphysique cartésienne, en établissant une différence radicale de nature entre corps & esprit.
Ce qui relèvedu corps n'est qu'une matière inerte, régie par les lois de la mécanique.
De même en assimilant les animaux àdes machines, Descartes vide la notion de vie de tout contenu.
Précisons enfin que l'époque de Descartes est celle où Harvey découvre la circulation sanguine, où le corps commence à être désacralisé, et les tabous touchant la dissection, à tomber.
Car ce qu'il y a de tout à fait remarquable dans le texte, c'est que le projet de domination technicienne de la nature ne concerne pas que la nature extérieure et l'exploitation des ressources naturelles.
La« philosophie pratique » est utile « principalement aussi pour la conservation de la santé ».
Le corps humain lui aussi, dans ce qu'il a de naturel, est objet de science, et même objet principal de la science.
« S'il est possible de trouver quelque moyen qui rende les hommes plus sages et plus habiles qu'ils n'ont été jusqu'ici, jecrois que c'est dans la médecine qu'on doit le chercher. »
La véritable libération des hommes ne viendrait pas selon Descartes de la politique, mais de la technique et de la médecine.
Nous deviendrons « plus sages & plus habiles », nous vivrons mieux, en nous rendant « comme maîtres & possesseurs de la nature ».
La science n'a pas d'autre but.
C'est grâce au travail et à la technique que l'homme prend conscience de lui-mêmeComme l'a montré Hegel, c'est en se confrontant aux choses que l'homme prend progressivement consciencede lui-même.
"Le maître se rapporte médiatement à la chose par l'intermédiaire de l'esclave ; l'esclave, comme conscience de soi en général, se comporte négativement à l'égard de la chose et la supprime ; mais elle esten même temps indépendante pour lui, il ne peut donc par son acte de nier venir à bout de la chose etl'anéantir ; l'esclave la transforme donc seulement par son travail.
Inversement, par cette médiation, lerapport immédiat devient pour le maître la pure négation de cette même chose ou la jouissance ; ce qui n'estpas exécuté par le désir est exécuté par la jouissance du maître ; en finir avec la chose : l'assouvissementdans la jouissance.
Cela n'est pas exécuté par le désir à cause de l'indépendance de la chose ; mais le maître,qui a interposé l'esclave entre la chose et lui, se relie ainsi seulement à la dépendance de la chose, etpurement en jouit.
Il abandonne le côté de l'indépendance de la chose à l'esclave, qui l'élabore." HEGEL
L'être-au-monde est une donnée fondamentalePour la phénoménologie, l'«être-au-monde» désigne ce refus de séparer le monde intérieur et le mondeextérieur.
Avant d'être un objet de connaissance, le monde est conçu comme une structure de sens que visel'homme et qui constitue le champ de son action, le cadre dans lequel s'inscrivent ses projets..
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