Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, § 212. Commentaire.
Publié le 14/02/2014
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Nietzsche et la philosophie
« Il me semble de plus en plus que le philosophe, étant nécessairement l’homme de demain ou d’après demain, s’est de tout temps trouvé en contradiction avec le présent ; il a toujours eu pour ennemi l’idéal du jour. Tous ces extraordinaires pionniers de l'humanité qu'on appelle des philosophes et qui eux mêmes ont rarement cru être les amis de la sagesse mais plutôt des fous déplaisants et de dangereuses énigmes, se sont toujours assigné une tâche dure, involontaire, inéluctable, mais dont ils ont fini par découvrir la grandeur, celle d'être la mauvaise conscience de leur temps. [...] En présence d'un monde d’idées moderne’ qui voudrait confiner chacun de nous dans son coin et dans sa ‘spécialité’, le philosophe, s’il en était encore de nos jours, se sentirait contraint de faire consister la grandeur de l'homme et la notion même de la ‘grandeur’ dans l’étendue et la diversité des facultés, dans la totalité qui réunit des traits multiples ; il déterminerait même la valeur et le rang d'un chacun d'après l’ampleur qu’il saurait donner à sa responsabilité. Aujourd'hui la vertu et le goût du jour affaiblissent et diluent le vouloir, rien n'est plus à la mode que la débilité du vouloir. «
Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, § 212.
Quels sont le statut et la fonction du philosophe ? Nietzsche délimite le portrait du philosophe sur la base de son temps. Il a pour vocation d’anticiper l’avenir. Sa première mission est de déconstruire les faux idéaux propres à son temps. Comment le penseur, l’ami de la sagesse peut-il être fils de son temps tout en ayant un rôle de précurseur ? C’est que philosopher se donne avant tout à comprendre comme une entreprise de démolition. Il a pour arme essentielle la critique au double sens de sonder la véracité de ce qui se dit et d’instaurer une crise pour évaluer la profondeur des idéaux. Nietzsche ne se contente pas de reprendre l’idée communément admise que philosopher c’est critiquer l’opinion pour accéder à la manière de Platon à la hauteur des Idées, de l’essence des choses. Il met l’accent sur ce qu’est un philosophe en adoptant le point de vue de l’histoire de la philosophie. Relevons au passage, ce qui est caractéristique de la pensée nietzschéenne, qu’il aborde non la philosophie comme telle, mais les philosophes. C’est que la pensée réfléchie est une posture, une manière d’être, et non une conceptualisation purement théorique. Y a-t-il un naturel philosophique ? Le penseur est un visionnaire en raison même de son ouverture d’esprit, c’est-à-dire d’une vision globale du monde. En effet, Nietzsche constate l’éclatement de la philosophie en diverses spécialités. D’où une remise en cause de la position du philosophe à l’époque moderne qui se claquemure dans un cloisonnement des modes de savoirs.
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Quels sont le statut et la fonction du philosophe ? Nietzsche délimite le portrait du philosophe sur
la base de son temps.
Il a pour vocation d’anticiper l’avenir.
Sa première mission est de déconstruire les
faux idéaux propres à son temps.
Comment le penseur, l’ami de la sagesse peut -il être fils de son temps
tout e n ayant un rôle de précurseur ? C’est que philosopher se donne avant tout à comprendre comme une
entreprise de démolition.
Il a pour arme essentielle la critique au double sens de sonder la véracité de ce
qui se dit et d’instaurer une crise pour évaluer la profondeur des idéaux.
Nietzsche ne se contente pas de
reprendre l’idée communément admise que philosopher c’est critiquer l’opinion pour accéder à la manière
de P laton à la hauteur des Idées, de l’essence des choses.
Il met l’accent sur ce qu’est un phil osophe en
adoptant le point de vue de l’histoire de la philosophie.
Relevons au passage, ce qui est caractéristique de
la pensée nietzschéenne, qu’il aborde non la philosophie comme telle, mais les philosophes.
C’est que la
pensée réfléchie est une posture, une manière d’être, et non une conceptualisation purement théorique.
Y
a -t- il un naturel philosophique ? Le penseur est un visionnaire en raison même de son ouverture d’esprit,
c’est -à -dire d’ une vision globale du monde.
En effet, Nietzsche constate l’éclatement de la philosophie en
diverses spécialités.
D’où une remise en cause de la position du philosophe à l’époque moderne qui se
claquemure dans un cloisonnement des modes de savoirs.
Originellement, le penseur philosophe a toujours pris une position critique face à son temp s.
Il
évalue le fondement et les valeurs de la culture du XIX
e siècle.
Sans être un anti -modernisme, il s’oppose
à l’idéal démocratique, au règne du christianisme et à la vie culturelle, et notamment à la place qu’occupe
désormais l a philosophie qui va en l’encontre de sa vraie vocation.
Et cette fonction critique le place
toujours en avant de son époque .
Il est ainsi « l’homme de demain » ou mieux « l’homme d’après -
demain ».
En s’ appu yant sur l’histoire de la philosophie, le philologue observe que l’aventure critique met
en porte -à -faux le penseur, qu’il entre nécessairement « en contradiction avec le présent ».
Immanquablement Nietzsche fait référence à la figure de Socr ate, l’inaugurateur du philosophe type,
l’initi ateur d’un travail critique par le chemin de la dialectique.
N’est -ce pas Socrate qui fut si non le
premier du moins la figure emblématiqu e du sage, le dénonciateur des illusions , des erreurs et des
fourvoiements de son temps ? On le sait, la maïeutique socratique était un outil pour démanteler les
fausses valeurs de la Cité athénienne.
Socrate est celui qui a sacrifié sa vie au nom de la vérité, attisant la
haine et le mépris jusq u’à sa condamnation à mort en –399.
Celui qui s’oppose frontalement aux préjugés,
à « l’idéal du jour » ne peut être que la victime de la vindicte populaire.
Le philosophe est alors l’homme
solitaire qui lutte contre l’opacité des idées en vue de dévoiler la vérité.
L’idéal du jour n’est pas un effet
de mode, une tour nure ponctuelle, il est ce qui est érigé comme admis, partagé par le plus grand nombre.
Il est posé comme ce qu’ il y a de meilleur, que ce soit dans le domaine du savoir, de la moral e ou du
politique.
Mais comment un idéal peut -il être à la fois tenu pour absolu tout en étant relat if à son temps
d’édification ? C’est là une contradiction que la pensée ne saurait accepter.
Ainsi Socrate, dans la version
nietzschéenne, s’est -il insurgé contre la démocratie, contre l’idéal démocratique.
En toute logique, ce qui
est vrai de Socrate pour le IV
e siècle avant Jésus -Christ est vrai pour le siècle de Nietzsche.
Au XIX e
siècle, les idéaux politiques, esthétiques et moraux s’entrechoquent violemment.
Le philosophe assiste à la
montée des idées révolutionnaires et la mise en place d’utopies poli tiques qu’il ne cessera de dénoncer.
Cette attitude critique n’est ni rhétorique ni futile.
Sa finalité ultime est de détruire les illusions et
les chimères.
L’illusion première et ruineuse que Nietzsche ne cessera de combattre est celle qui consiste à
c roire qu’il existerait une vérité une, indivisible, absolue.
Or justement le travail philosophique consiste à
rappeler le relativisme pour pouvoir se prolonger.
C’est pourquoi, les philosophes sont les « pionniers de
l’humanité ».
La fonction prophétique de la pensée ne consiste pas à ex hiber des valeurs pour conduire le
peuple, elle est ouverture à des chemins de pensées inédit es.
Le philosophe doit donc voir plus loin, plus
haut, plus lointainement.
C’est en ce sens qu’il tranche d’avec ses contemporains.
Mais ce regard du.
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