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NIETZSCHE, Par-delà le bien et le mal, 1886, § 268. Commentaire de texte.

Publié le 23/01/2014

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nietzsche

« Qu’est-ce en fin de compte que l’on appelle « commun « ? Les mots sont des symboles sonores pour désigner des idées, mais les idées sont des signes imagés, plus ou moins précis, de sensations qui viennent fréquemment et simultanément, de groupes de sensations. Il ne suffit pas, pour se comprendre mutuellement, d’employer les mêmes mots ; il faut encore employer les mêmes mots pour désigner la même sorte d’expériences intérieures, il faut enfin avoir en commun certaines expériences. C’est pourquoi les gens d’un même peuple se comprennent mieux entre eux que ceux qui appartiennent à des peuples différents, même si ces derniers usent de la même langue ; ou plutôt, quand des hommes ont longtemps vécu ensemble dans des conditions identiques, sous le même climat, sur le même sol, courant les mêmes dangers, ayant les mêmes besoins, faisant le même travail, il en naît quelque chose qui ‘se comprend’ : un peuple. Dans toutes les âmes un même nombre d’expériences revenant fréquemment a pris le dessus sur des expériences qui se répètent plus rarement : sur elles on se comprend vite, et de plus en plus vite – l’histoire du langage est l’histoire d’un processus d’abréviation. - [...] On en fait l’expérience même dans toute amitié, dans toute liaison amoureuse : aucune n’est durable si l’un des deux découvre que son partenaire sent, entend les mêmes mots autrement que lui, qu’il y flaire autre chose, qu’ils éveillent en lui d’autres souhaits et d’autres craintes. [...] À supposer à présent que la nécessité n’ait depuis toujours rapproché que des gens qui pouvaient indiquer par des signes identiques des besoins et des expériences identiques, il en résulte au total que la facilité avec laquelle une nécessité se laisse communiquer, c'est-à-dire, au fond, le fait de n’avoir que des expériences médiocres et communes, a du être la plus forte de toutes les puissances qui ont jusqu’ici déterminé l'homme. «

 

 

NIETZSCHE, Par-delà le bien et le mal, 1886, § 268.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quelles sont les conditions pour que la communication soit mutuelle ? De prime abord, le langage se lève pour être le fondement de cette compréhension. Il est de fait que par le langage, nous communiquons. Mais communiquer est-ce vraiment de faire entendre, se faire comprendre ? Tout le problème de Nietzsche ce rapporte à la question de l’élaboration en nous de la compréhension. Ce n’est pas parce que nous communiquons que nous nous faisons comprendre. En effet, si l’autre peut entendre le sens de ce qui est dit, c’est de prime abord à la condition sine qua non que nous soyons des êtres sensibles et que nous ayons des expériences communes. En fait, la possibilité d’une authentique compréhension mutuelle est assujettie, non  au langage comme tel, mais à une communauté d’expériences façonnée par la force de l’habitude. 

nietzsche

« Quelles sont les conditions pour que la communication soit mutuelle ? De prime abord, le langage se lève pour être le fondement de cette compréhension.

Il est de fait que par le langage, nous communiquons.

Mais communiquer est -ce vraiment de faire entendre, se faire comprendre ? Tout le problème de Nietzsche ce rapporte à la question de l’élaboration en nous de la compréhension.

Ce n’est pas parce que nous communiquons que nous nous faisons comprendre.

En effet, si l’autre peut entendre le sens de ce qui es t dit, c’est de prime abord à la condition sine qua non que nous soyons des êtres sensibles et que nous ayons des expériences communes.

En fait, la possibilité d’une authentique compréhension mutuelle est assujettie, non au langage comme tel, mais à une c ommunauté d’expériences façonnée par la force de l’habitude.

Dans une première approche Nietzsche montre que nous ne communiquons pas sponta nément et immé diatement par le véhicule du langage qui draine du sens, mais par des idées qui elles -mê mes révèlent les sensations communes.

Dès lors pour se faire comprendre, il n’est pas suffisant de se livrer à la pa role, e ncore contient -il que l’autre ait en commun avec nous des sensations qui sont à l’origine des mots.

Nietzsche va cons éque mment opérer une dis tinction entre communication et compréhension en s’ap puyant sur le langage.

Certes, nous pouvons parler le mê me langage, la même langue que l’autre sans pourtant le comprendre tant que nous ne partageons pas les mêmes mots qui répondent à des expériences c ommunes.

On peut donc communiquer sans se comprendre ! D’ où vient alors la possibilité de se comprendre les uns les autres ? Nietzsche soutient l’hypothèse que seule la répétition des expériences fondée sur l’habitude peut permettre la véritable c ompréhens ion.

Contrairement à toute attente, le langage commun ne nous livre pas un monde collectif.

Ce n’est que parce que nous éprouvons des expériences communes qu’il devient possible, par le biais du langage, de nous faire comprendre.

On accorde communément deux fonctions au langage : par le langage nous communiquons, et nous nous exprimons pour nous faire comprendre.

La critique généalogique de Nietzsche s’attaque à dissocier des deux rôles en dévoilant la dimension fondamentalement déceptive d’un langage qui rendrait « commun », par nature, ce que nous entendons exprimer.

Mais comment entendre ce que les autres veulent dire, comment en effet saisir intérieurement la signification de leurs mots, dès lors que la particularité de leurs idées, c’est -à -dire au f ond, de leurs sensations, de leurs sentiments, se trouve tout à la fois figée et trahie par un langage qui a pour vocation de communiquer et qui, pour cette raison, rend commun ce qui l’est si peu ? Aussi Nietzsche pose -t- il la question fondamentale de l a compréhension mutuelle : s’il est possible, par le langage interposé, de communiquer, est -ce dire pour autant que nous nous comprenons ? Plus profondément questionné : si le langage n’est pas la condition de fond de la compréhension, s’il s’immisce entre deux intériorités intimes impuissantes à s’échanger sans cette médiation, à quelles conditions pouvons -nous rattraper la singularité des autres, et donc nous faire vraiment comprendre ? La démonstration se déploie selon deux moments.

Il s’agit d’abord de questionner la nature ou l’essence du langage, ce qui parler veut dire, afin d’épingler ce que nous nous efforçons d’exprimer à travers lui.

Mais si la genèse des mots se trouve dans la sensation, on ne peut se comprendre qu’à cette condition première qu e nos expériences soient avant tout communes.

Dès lors, le langage n’est pas antérieur à la compréhension : comprendre autrui suppose la construction d’une sensibilité commune à travers des expériences réitérées.

La question de la nature du langage découle de la question de son origine : le langage trouve-t- il sa genèse dans la sensation ? Par le véhicule des mots, nous communiquons, mais sont -ce par les mots que nous établissons entre nous une réalité commune ? Qu’ent endre au fond par « commun » ? Il dés igne tout à la fois ce que nous partageons ensemble, par exemple, une « vie commune » dit Nietzs che, mais aussi ce qui est triv ial, banal, au sens où l ’on parle d’une « personne commune », quelqu’un qui nous est familier.

Mais alors le langage que nous avons en partage nous permet -il de réellement nous faire comprendre, à. »

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