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NIETZSCHE: Origine de la logique

Publié le 27/02/2008

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nietzsche
Origine de la logique. - D'où la logique est-elle née dans la tête des hommes ? Certainement de l'illogisme dont le domaine a dû être immense à l'origine. Mais d'innombrables êtres, qui concluaient autrement que nous ne le faisons maintenant, dépérirent : il se pourrait que ce fût encore plus vrai qu'on ne pense ! Qui, par exemple, ne savait discerner assez souvent l'« identique », quant à la nourriture ou quant aux animaux dangereux pour lui ; qui par conséquent était trop lent à classer, trop circonspect dans le classement, avait moins de chances de survivre que celui qui tombait immédiatement sur l'identique parmi tous les semblables. Mais la tendance prédominante à considérer le semblable comme l'identique - tendance illogique, car il n'y a rien d'identique en soi - cette tendance a créé le fondement même de la logique. Il fallait de même, pour que pût se développer le concept de substance qui est indispensable à la logique - encore que rien de réel ne lui corresponde au sens le plus rigoureux -, que durant fort longtemps la mutabilité des choses restât inaperçue et ne fût pas appréhendée ; les êtres ne voyant pas suffisamment avaient une avance sur ceux qui percevaient toutes choses « dans un flux ». Toute extrême circonspection à conclure, toute tendance sceptique constituent à elles seules un grand danger pour la vie. Nul être vivant ne se serait conservé, si la tendance contraire à affirmer plutôt qu'à suspendre le jugement, à errer et à imaginer plutôt qu'à attendre, à approuver plutôt qu'à nier, à juger plutôt qu'à être juste, n'avait été stimulée de façon extraordinairement forte. - Le cours des pensées et des conclusions logiques dans notre cerveau actuel répond à un processus et à une lutte d'impulsions qui par elles-mêmes sont toutes fort illogiques et injustes : l'antique mécanisme se déroule à présent en nous de façon si rapide et si dissimulée que nous ne nous apercevons jamais que du résultat de la lutte.NIETZSCHE

Dans l’ensemble de son œuvre, Nietzsche s’emploie à combattre les opinions, les certitudes établies, et les valeurs imposées. Il reproche à l’homme sa faiblesse de se soumettre à des jugements qui ne lui sont pas propres, son caractère influençable et son obéissance aux valeurs empruntées. L’entreprise philosophique de Nietzsche est une investigation critique, c’est-à-dire une remise en cause des théories établies et un retour sur leur genèse, afin de comprendre comment les hommes sont parvenus à de tels schémas de pensées, de morale et de conscience. Dans ce passage du livre III du Gai Savoir, Nietzsche revient sur la généalogie de la logique, c’est-à-dire le système de construction de la pensée rationnelle utilisé par les hommes dans le raisonnement théorique ou pratique. L’auteur explique d’abord la naissance de la logique comme une réponse à la nécessité de la conservation humaine, puis il pointe l’erreur originaire dans laquelle la logique des hommes s’est égarée, et termine par conclure à la nécessité d’une telle logique erronée pour la survie humaine.

nietzsche

« - Nietzsche tire la conclusion de ce qu'il vient d'expliquer : c'est la tendance à considérer le semblable commel'identique qui a fondé la logique humaine.

Et néanmoins, l'auteur dénonce l'erreur d'un tel fondement, et la faussetéde cette logique élaborée pour secourir la nécessité humaine dans l'instinct de conservation des hommes.- Pour Nietzsche, c'est une tendance illogique de considérer le semblable comme l'identique car « il n'y a riend'identique en soi ».

Ainsi pour l'auteur, la logique humaine s'est fondée sur une illusion, qui consiste à croire àl'existence de l'identique dans la nature, alors qu'il ne peut y avoir que du semblable.

Une chose est semblable à uneautre quand elle est de la même espèce ou du même genre, quand toutes deux ont des qualités communes, maiselle ne pourra jamais être identique car cela signifierait que ces deux choses seraient les mêmes, ce qui estcontradictoire (une chose ne peut pas être à la fois elle-même et une autre chose).

La reconnaissance del'identique, qui fonde la logique moderne selon Nietzsche repose donc sur un fondement illogique.- Non seulement la logique repose sur un principe illusoire, celui de l'existence de « l'identique », mais encore pourl'auteur, elle se développe sur le fond de l'ignorance de l'existence du changement dans la nature, de ce que l'auteurnomme la « mutabilité ».

C'est parce que les hommes n'ont pas vus que les choses évoluent, se transforment, et nesont pas figées, qu'il ont pu asseoir la solidité de leur logique, qui pourtant par son caractère borné ne s'adapte pasà la versatilité de la nature.

3ème partie : L'utilité d'une telle logique versus le danger d'une pensée juste. - l'auteur explique que paradoxalement, c'est l'aveuglement des hommes qui leurs a permis d'être assurés dans leurconduite pratique, et de progresser, tandis que ceux qui, lucides, percevaient les choses « dans un flux », étaientfreinés dans leur propre avancée.- Ainsi, l'auteur comprend que le regard juste n'est pas le plus efficace pour la vie pratique, et le progrès humain, etque de ne pas voir la fragilité de notre raisonnement nous permet de produire des certitudes, et d'affirmer notrepuissance, tandis que reconnaître notre ignorance n'engendre que scepticisme et indécision, ce qui est contre-productif.

C'est dans ce sens qu'il écrit que « toute extrême circonspection à conclure, toute tendance sceptiqueconstituent à elles seules un grand danger pour la vie ».- En effet, c'est parce qu'il a des certitudes, qu'il est assuré, que l'homme peut affirmer, juger, et se rendre puissantet capable d'agir, tandis que s'il doute, qu'il suspend son jugement, il n'ose agir et se rend faible et vulnérable.

Ilapparaît donc préférable pour Nietzsche de conserver cette illusion première sur laquelle se fonde la logique, plutôtque d'être conscient de la réalité des choses du monde, et de la limite de notre capacité à connaître et à maîtriserla nature, et de s'exposer à être anéantis.- Achevant son historique de la logique, Nietzsche explique que l'homme s'est habitué à raisonner de manièreillogique et par conséquent « injuste », et que ce mode de pensée s'opère désormais mécaniquement et sirapidement qu'il ne prend pas conscience que son raisonnement est incorrect, et qu'il procède en réalité d'une« lutte d'impulsions» illogiques dans notre cerveau.- La logique, qui s'est construite à l'origine comme un processus inductif, qui concluait de l'observation de la natureà l'existence de l'identique dans la nature, et partant, permettait le discerner, de classer, et d'appréhender leschoses, n'est même plus utilisée consciemment par l'homme.

L'homme a intégré cette logique fausse si bien qu'il nesaurait comprendre d'où procèdent les résultats de ses conclusions, et par conséquent, ne saurait apercevoir lafausseté de son raisonnement.

Conclusion : En cherchant à comprendre l'origine de la logique, Nietzsche dans ce passage du Gai savoir établit qu'elle est une construction propre de l'homme, produite face à la nécessité de se maintenir en vie, comme une réponse à ladifficulté de se comporter face à une nature indiscernable, et incompréhensible.

La logique est donc apparue commeun instrument permettant de raisonner sur les situations et les objets rencontrés par les hommes, qui ont cruidentifier de « l'identique » dans la nature, et ont construit leur jugement à partir de ce principe.

Si en réalité pourNietzsche l'identique n'est qu'une illusion, il n'en reste pas moins qu'il reste une notion efficace pour la conduitepratique des hommes, et que c'est sur cette erreur et cet aveuglement vis-à-vis de la versatilité des choses dans lanature que les êtres humains ont acquis leur puissance et se sont développés.

Nietzsche conclut que la logiqueconstruite par les hommes est proprement injuste et illogique, mais qu'elle est néanmoins efficace, de telle sorte quenon seulement elle a permit la conservation des hommes, mais encore que sa fausseté est devenue absolumentindiscernable dans le raisonnement humain, car les hommes ne sont plus conscients de l'origine de la logique qu'ilsont assimilée et qui pourtant reste le principe de leur jugement.. »

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