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Nietzsche: L'art doit surtout et avant tout embellir la vie.

Publié le 17/04/2009

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nietzsche
L'art doit surtout et avant tout embellir la vie, nous rendre donc supportables et, si possible, agréables aux autres : cette tâche sous les yeux, il nous modère et nous tient en bride, crée des formes de civilité, lie des êtres sans éducation à des lois de convenance, de propreté, de courtoisie, leur apprend à parler et se taire au bon moment. L'art doit ensuite dissimuler ou réinterpréter toute laideur, chaque trait pénible, horrible, dégoûtant, qui ne cessera de reparaître en dépit de tous les efforts, conformément à l'origine de la nature humaine; il doit surtout procéder ainsi au sujet des passions, des douleurs et des angoisses de l'âme, il doit, dans la laideur inévitable ou insurmontable, laisser transparaître son côté significatif. Après cette grande, cette trop grande tâche de l'art, ce qui se dit proprement l'art, celui des oeuvres, n'est qu'un appendice. Un homme qui sent en soi une surabondance de ces vertus d'embellissement, d'occultation et de réinterprétation, cherchera finalement à se décharger encore de ce superflu dans des oeuvres d'art; dans certaines circonstances, tout un peuple fera de même. - Mais d'ordinaire, on prend maintenant l'art par l'autre bout, on se raccroche à sa queue, et on se figure que l'art des oeuvres d'art est le vrai, que c'est à partir de lui qu'il faudra améliorer et transformer la vie - fous que nous sommes! À commencer notre repas par le dessert et à savourer douceurs sur douceurs, quoi d'étonnant si nous nous gâtons l'estomac et même l'appétit pour la bonne chère solide et nourrissante, à laquelle l'art nous convie! Nietzsche

1. Le texte comprend deux moments distincts. Repérez-les et résumez chacun d'eux en une phrase.

2. Dans la première phrase du texte, Nietzsche distingue deux vocations de l'art. Quelles sont ces deux tâches de l'art? Et quel rapport entretiennent-elles l'une avec l'autre? En quoi et pourquoi une approche esthétique de la vie nous rend-elle plus sociables?

3. «L'art doit embellir la vie« (I. 1). «L'art doit dissimuler toute laideur« (I. 4-5). Montrez comment ces deux aspects de la tâche de l'art, telle que Nietzsche la conçoit, se complètent et s'articulent.

4. Dans la seconde partie du texte, Nietzsche relativise la portée et la fonction de «l'art des oeuvres d'art«. Pourquoi? Montrez en quoi l'argumentation de la seconde partie confirme et complète, a contrario, la thèse énoncée par Nietzsche en première partie.

5, «On prend l'art par l'autre bout«: Nietzsche dénonce cette attitude en se fondant sur une analogie entre la vie et un repas (dernière phrase). Pourquoi Nietzsche présente-t-il les oeuvres d'art comme de simples desserts? Cela signifie-t-il que les oeuvres d'art sont superflues?

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6. «On se figure que l'art des oeuvres d'art est le vrai« : expliquez et précisez le sens de cette formule.

7. Pour Nietzsche, l'art des oeuvres d'art n'est pas le vrai: l'art serait plutôt une certaine manière d'appréhender l'existence. Essayez de préciser, en vous appuyant sur le début du texte, ce qui caractérise cette attitude, cette approche de la vie, recommandée ici par Nietzsche, et précisez quel bénéfice on doit en attendre.

8. L'art n'est pas, selon Nietzsche, l'apanage des seuls artistes attitrés. Cela signifie-t-il que nous sommes tous des artistes en puissance? Relevez les éléments du texte qui vont dans ce sens.

9. Efforcez-vous tout d'abord de rappeler quelle est la définition la plus courante de l'art, puis opposez-lui celle qui ressort finalement de ce texte, mais que Nietzsche, toutefois, ne formule pas ici explicitement.

 

nietzsche

« Cette affirmation en étend ainsi considérablement la notion car Nietzsche ne sous-entend pas ici que, par quelquevertu « décoratrice », les oeuvres viendraient embellir notre environnement et nos espaces d'existence.

Le sens esttout autre : il s'agit d'affirmer que l'art est un embellissement de toute la vie, car l'art est dans la vie, il est la viemême.Ce terme en vient donc à désigner ici l'effort d'« esthétisation » de toute notre existence, dans tous ses aspects ettoutes ses conduites.

Cette conception assurément très originale suscite toutefois des questions.

Qu'appelle-t-onexactement embellir la vie ? Ce que défend ce texte: La réponse que donne Nietzsche évoque, contre toute attente, des comportements moraux, comme « nous rendrenous-mêmes tolérables aux autres et agréables si possibles ».

Une certaine forme d'ordre et de retenue dans notreconduite aussi, par lequel l'art nous « modère et nous tient en brides, crée des formes de civilité, lie ceux dontl'éducation n'est pas faite à des lois de convenance, de propreté, de politesse, leur apprend à parler et à se taire aubon moment ».

L'art embellit donc la vie en la civilisant, en atténuant ou effaçant les rigueurs d'une nature grossièreque l'éducation et les règles du savoir-vivre n'ont pas policées.Certes, Kant avait bien affirmé, au XVIIIe siècle, que l'art était à l'image de la morale, puisque le beau était lesymbole du bien.

Chez Kant, en effet, l'analogie postulée entre l'art et la morale avait pour principe ledésintéressement.

L'acte moral doit être désintéressé de la même manière que l'est le regard de l'artiste, qui ne viseplus la consommation mais la pure contemplation du monde.

Mais Nietzsche va ici beaucoup plus loin, puisqu'il nes'agit plus ici d'une simple analogie.

Une vie ordonnée et éduquée, tel est ici le sens de cette esthétisation de la vieen quoi consiste l'art.Derrière cette conception se cache cependant une autre idée.

La conduite civilisée doit nous faire oublier lagrossièreté de notre nature, l'emprise brutale des passions et des pulsions, c'est-à-dire ce qui est laid en nous.

L'artdoit, dans notre existence même, nous faire oublier ce que notre nature comporte de laid et d'insupportable : « l'artdoit dissimuler ou réinterpréter tout ce qui est laid, ces choses pénibles, épouvantables et dégoûtantes qui, malgrétous les efforts, à cause des origines de la nature humaine, viendront toujours de nouveau à la surface.

»Il faut donc comprendre ici que Nietzsche donne à la laideur un sens résolument moral et non pas esthétique, oùdans son sens traditionnel elle désigne la difformité des formes et la seule qualité plastique.

La laideur dont il est iciquestion est celle des passions, puisque les « origines de la nature humaine » sont celles de ce bouillonnementpulsionnel que l'auteur a nommé « volonté de puissance ».

Cette expression désigne la source de nos appétits et laforce aveugle du désir.L'art est donc la culture humaine dans son acception la plus générale, qui oppose, au déchaînement des appétits etde la volonté de puissance, les règles de la vie en société et l'oubli de notre nature.

Plus précisément, l'art faittransparaître « dans la laideur inévitable et insurmontable » de nos passions, leur côté « significatif», c'est-à-direleur côté fécond et productif, porteur de sens.

Ainsi, l'esthétisation de la vie parvient-elle à « convertir » nospulsions les plus destructrices en oeuvres de civilisation.

Parmi ces oeuvres, il y a les beaux-arts, mais c'est là uncas particulier parmi d'autres que l'on a, à tort, beaucoup trop privilégié.

NIETZSCHE (Friedrich-Wilhelm). Né à Rocken en 1844, mort à Weimar en 1900. Il fit ses études à l'école de Pforta, puis, renonçant à la carrière ecclésiastique, il les termina aux Universités deBonn et de Leipzig.

La lecture de Schopenhauer et la rencontre avec Wagner sont les événements capitaux decette période.

En 1868, Nietzsche est nommé professeur de philologie grecque à l'Université de Bâle ; il conserva ceposte jusqu'en 1878, date à laquelle il fut mis en congé définitif pour raisons de santé.

Commence alors la série desvoyages de Nietzsche en Italie : Gênes, l'Engadine, Rapollo, Nice, la Sicile, Rome, Venise, lisant Empédocle, jouantChopin et Rossini.

Il découvrit Stendhal et Bizet.

Il passe les mois d'été à Sils-Maria, dans une petite chambre, faceà la montagne.

C'est à Turin, en janvier 1889, qu'il fut terrassé dans la rue par une crise de démence, probablementd'origine syphilitique, et qui se termina par la paralysie générale.

Ramené à Bâle, Nietzsche dut être interné quelquetemps dans une maison de santé ; puis, sa soeur l'accueillit auprès d'elle, à Weimar, où il mourut le 25 août 1900.

Laphilosophie de Nietzsche se caractérise par un amour passionné de la vie.

Ses premiers écrits concernent l'Art ;reprenant la terminologie de Schopenhauer, volonté et représentation, 'Nietzsche distingue l'art dionysien (musique): c'est l'exaltation tragique de la vie, l'état où l'homme a tendance à se confondre dans le monde ; et l'art apollinien(arts plastiques) : le principe apollinien est le principe contemplatif.

Le rêve apollinien s'oppose à l'ivressedionysiaque.

C'est dans le drame wagnérien que Nietzsche voit la réconciliation de ces deux principes.

Nietzsche faitla critique de la Connaissance et de l'Histoire.

Si la durée du monde n'a pas de terme, la nature cosmique ethumaine, cependant, ne varie pas, et les combinaisons qui constituent le monde sont limitées.

La vie que nousvivons, nous devons la revivre plusieurs fois.

La doctrine nietzschéenne de l'éternité est un éternel retour del'identique, qui surmonte la temporalité du temps.

Midi est l'instant éternel où le temps, arrêté, devient éternité.. »

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