Nietzsche, La Volonté de puissance, tome 1, § 97
Publié le 22/03/2015
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«
Textes commentés 39
Dans ce texte énergique, Nietzsche met le langage au centre d'une de ses
thématiques récurrentes : l'invention
et la culture d'un arrière-monde
platonisant.
Le langage -c'est le premier temps du texte -est en effet
dépositaire (
« s'est incorporé à ») d'une croyance qui s'est cristallisée en
lui,
et qui est devenue grégaire à ses yeux.
C'est la croyance, qu'exprime
la présence de l'adjectif
« métaphysique », en un monde des Idées,
croyance héritée de Platon (gracieusement visé par l'expression
« notre
plus vieux fonds
» ).
Dans le texte, cette croyance est maladive et
compulsive en ce qu'elle nous détourne de ce qui est à ses yeux la seule
valeur, mais aussi celle qui réclame le plus de courage et d'oubli : la Vie.
Pour faire face à la vie et la célébrer, il faut se délivrer, se débarrasser de
cette croyance :
ce serait la tâche d'un surhomme, d'un Zarathoustra.
Cette nécessité est d'autant plus ardente aux yeux de Nietzsche que la
pensée est menacée (
« nous devrions cesser de penser, si ...
» ), prise entre
le
marteau métaphysique et l'enclume du langage : l'expression
« catégorie grammaticale », qui renvoie au concept, témoigne de ce que
la
grammaire est devenue métaphysique, et la métaphysique
grammaticale.
C'est pourquoi, dans un second temps du texte (à partir de
« les philosophes » ), Nietzsche lie les difficultés qui attendent les
philosophes sur le chemin de cette libération à la profondeur
de la
sédimentation métaphysique du langage.
Descartes, par exemple, fait
partie de ceux qui sont ici visés, des victimes d'une croyance induite par
la grammaire en une valeur ontologique.
En un autre texte, Nietzsche
prend le
«je pense » pour exemple de ce piège grammatical : certes il y a
en moi de la pensée, mais croire que c'est moi qui pense, c'est croire que
le
«je » grammatical est bien le sujet.
La raison cartésienne comme
« fragment du monde métaphysique » n'est rien d'autre qu'une
superstition grammaticale.
Mais l'autorité d'un Platon et d'un Descartes,
et une longue tradition ont fait le reste : le pessimisme que Nietzsche
manifestait dès le début du texte (
« à supposer que nous réussissions » ...
)
trouve en écho, à la fin du texte, la quasi-fatalité de la régression.
C'est
donc malgré les croyances grammaticales qu'il faut tenter de
philosopher : le philosophe a bien du mal à se défaire des « filets du
langage»..
»
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