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Nietzsche Gai Savoir paragraphe 354

Publié le 27/02/2008

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nietzsche
« Je me trouve en droit de supposer que la conscience ne s'est développée que sous la pression du besoin de communiquer; qu'elle n'était nécessaire et utile au début que dans les rapports d 'homme à homme (notamment pour le commandement), et qu'elle ne s'est développée que dans la mesure de cette utilité. La conscience n'est qu'un réseau de communications entre hommes; c'est en cette; seule qualité qu'elle a été forcée de se développer: 1'homme qui vivait solitaire, en bête de proie, aurait pu s'en passer. Si nos actions, pensées, sentiments parviennent- du moins en partie- à la surface de notre conscience, c'est le résultat d'une terrible nécessité qui a longtemps dominé l'homme, le plus menacé des animaux : il avait besoin de secours et de protection, il avait besoin de son semblable, il était obligé de savoir dire ce besoin, de savoir se rendre intelligible; et pour cela, en premier lieu, il fallait qu'il eût une conscience, qu'il « sût » lui-même ce qui lui manquait, qu'il « sût » ce -qu'il pensait. Car comme toute créature vivante, l'homme, je le répète, pense constamment, mais il l'ignore ; la pensée qui devient consciente ne représente que la partie la plus infime, disons la plus superficielle, la plus mauvaise, de tout ce qu'il pense: car il n'y a que cette pensée qui s'exprime en paroles, c'est-à-dire, en signe d'échanges, ce qui révèle l'origine de la conscience. Bref le développement du langage et le développement de la conscience (non de la raison, mais de la raison qui devient consciente d'elle-même), ces deux développements vont de pair [ ...] . Je pense, comme on le voit, que la conscience n'appartient pas essentiellement à l'existence individuelle de l'homme, mais au contraire à la partie de sa nature qui est commune à tout le troupeau; qu'elle n'est, en conséquence, subtilement développée, que dans la mesure de son utilité pour la communauté, le troupeau ; et qu'en dépit de la meilleure volonté qu'il peut apporter à « se connaître », percevoir ce qu'il a de plus individuel, nul de nous ne pourra jamais prendre conscience que de son côté non individuel et « moyen ».
nietzsche

« 2.

Explication : l'origine de la conscience En un deuxième temps de son raisonnement (I.

4 à 11), Nietzsche retrace le processus de formation de laconscience.

Il détermine ainsi les conditions d'apparition de la conscience chez l'homme.

Quelles sont-elles ? A.

La conscience comme condition de survieLe raisonnement de Nietzsche procède en trois temps.Il part tout d'abord d'un constat : la faiblesse physique de l'homme ne pouvait lui permettre de survivre, s'il nes'était pas associé à d'autres hommes.

Il était en effet « le plus menacé des animaux ».En un deuxième temps, Nietzsche définit cette vie en collectivité comme un « besoin » (I.

6 à 8).

Ce terme est àprendre au sens fort : il s'agit d'une nécessité d'ordre physiologique.

Sans la vie en collectivité, l'espèce humaine nepourrait survivre.

L'homme est donc placé devant un problème : comment assurer ce lien entre les individus ?La conscience apparaît en un troisième temps comme solution du problème.

La conscience permet en effet l'exercicede la parole, et seule la parole peut assurer un lien entre les hommes.

Sans la conscience, aucun savoir de soi n'estpossible.

Aucune relation entre soi et les autres ne peut naître.

La conscience trace ainsi un lien entre le domaineindividuel des sensations, des besoins, et le domaine collectif du langage.La conscience se présente donc comme un instrument nécessaire à la survie de l'espèce humaine.

Quellesconséquences implique cette définition ? B.

La conscience : une nécessité physiologiqueNietzsche ne nie pas l'existence de la conscience.

II opère néanmoins un déplacement de son concept : laconscience n'est plus essentiellement liée à une nature raisonnable de l'esprit humain.

Elle satisfait une nécessitéphysiologique de conservation de l'espèce.

Suivant un mouvement de pensée qui lui est habituel, Nietzsche rapporteainsi la' conscience de soi à une exigence vitale.C'est pourquoi il use de guillemets avec des mots comme « conscience » et « sût ».

Dans la perspective historicistede Nietzsche, ces termes perdent leur signification traditionnelle.

Chez Descartes, la conscience définissait l'esprithumain : l'exercice du doute montrait que l'esprit se distinguait par essence du corps, dans la mesure où il pouvait «subsister » sans lui.

La démarche historique de Nietzsche aboutit au résultat inverse : elle établit que l'apparition dela conscience est intrinsèquement liée aux exigences du corps.

La signification courante 'de la notion de consciencedissimulait ainsi sa véritable origine.Pour reprendre un terme nietzschéen absent du texte, la conscience est en définitive une manifestation de lavolonté de puissance.

Elle permet en effet une augmentation de la puissance de l'homme, en garantissant sa vie encollectivité.

La conscience ne donne pas à l'homme un statut privilégié par rapport à l'animal, mais seulement unepuissance supérieure.Cette histoire de la conscience implique cependant un présupposé : la conscience n'embrasse pas toute l'activité del'homme.

Nietzsche met en lumière ce principe dans le dernier moment de son texte. 3.

Existence d'un inconscient Le dernier temps du texte, introduit par l'adverbe « car », fait apparaître un principe : l'existence d'un inconscient.

Ilanimait néanmoins la démarche nietzschéenne depuis le début du texte : l'adverbe « car » en témoigne.

CommentNietzsche met-il en évidence ce principe ? A.

La pensée n'est pas nécessairement conscienteTout d'abord, Nietzsche fait de l'inconscient une propriété de tout être vivant.

Ce faisant, il se montre cette foisproche de Descartes, affirmant avec lui que la conscience n'appartient qu'à l'être humain.Pour Nietzsche cependant, l'inconscient n'est pas de nature simplement physiologique : il est psychique.L'inconscient ne concerne pas uniquement, comme chez Descartes, les mécanismes corporels : il y a bien unepensée inconsciente, agissant en deçà de la conscience.Nietzsche préfigure ainsi les thèses de la psychanalyse.

Il ne donne cependant aucune définition de la « pensée »inconsciente, dans ce texte du moins.

L'existence d'une pensée inconsciente demeure en effet problématique :comment définir la pensée sinon par la conscience ? C'est une interrogation que le texte laisse sans réponse. B.

La conscience se limite à la sphère du langageLes dernières lignes reprennent la thèse initiale du texte : la conscience se limite à ce que nous pouvonscommuniquer à autrui.

Elle n'accompagne que cette petite partie de notre activité qui implique la présence d'autrui.La fin du texte dessine ainsi une identification de la conscience et du langage.

Leurs deux champs, selon Nietzsche,se recoupent exactement.On notera une forte dévalorisation de la conscience, comme la partie « la plus superficielle, la plus mauvaise » de ceque l'homme pense.

Pourquoi de tels qualificatifs ? Dans d'autres textes (notamment la Généalogie de la morale),Nietzsche développe l'idée que la conscience est une invention destinée à asservir l'homme, en lui inoculant leremords.

C'est pourquoi Nietzsche considère que toute conscience est bien une « mauvaise » conscience. C.

La conscience n'implique pas la libertéLes thèses de Nietzsche concernant l'inconscient et la dérivation physiologique de la conscience impliquent unedernière conséquence, essentielle : la conscience n'est plus essentiellement liée à la liberté humaine.

Elle n'estqu'une « surface » où se manifestent des « sentiments et mouvements » que l'homme ne contrôle pas.

Elle a été «forcée de se développer » sous l'effet d'une contrainte extérieure à elle.Nietzsche rejoint ici Spinoza dénonçant la conscience comme le lieu d'une illusion : celle de la liberté.

Spinoza. »

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