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N'est-il pas contradictoire de dire d'une connaissance scientifique qu'elle est à la fois vraie et provisoire ?

Publié le 21/01/2004

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scientifique

- Le scepticisme vulgaire invoque souvent la redéfinition périodique des connaissances scientifiques pour disqualifier l'idée même de science et celle de vérité objective qui lui est liée.  - En fait, le caractère provisoire des théories ou des connaissances scientifiques est souvent interprété comme un signe de précarité, voire d'arbitraire, comme si le domaine de la science pouvait être confondu avec celui de l'opinion.  - Une telle confusion est tenace, et semble facilitée par le paradoxe apparent que présente l'histoire des sciences : des connaissances, acceptées comme vraies et incontestables, sont relativisées par la suite et se révèlent alors comme de simples étapes, comme des connaissances provisoires.  - D'où la question : « N'est-il pas contradictoire de dire d'une connaissance scientifique qu'elle est à la fois vraie et provisoire ? «

scientifique

« 1.

Contradiction : distinguez bien contraire et contradictoire.

Des contraires s'opposent, comme grand et petit, parexemple.

Mais ils ne deviennent contradictoires que si l'un implique la négation, l'exclusion de l'autre.

Par exemple :Pierre est grand par rapport à Jean, mais petit par rapport à Paul.

Ce sont des contraires.

Mais si nous disons :Pierre est grand et petit par rapport à Jean, alors c'est contradictoire, car l'un exclut l'autre.

Ainsi la contrariétén'est pas la contradiction.

Cela permet de mieux comprendre la spécificité du sujet.

Une contradiction signel'incompatibilité entre des éléments, idées, jugements, raisonnements.

Elle transgresse le principe logique du tiersexclu (si A est vrai, alors non-A ne peut l'être).

Il s'agit donc, ici, de trouver le point qui pourrait conduire àl'exclusion mutuelle des deux termes en question : vrai et provisoire. 2.

Connaissance scientifique : il ne s'agit pas de n'importe quelle connaissance, mais de celle que la science (et lessciences) construit rationnellement, par opposition à l'opinion. 3.

Vraie et provisoire : ce que vise la science ramène toujours à l'idée de vérité : vérité des jugements, des énoncésscientifiques, des théories.

Or, la science contient l'exigence de stabilité du jugement vrai, contrairement à l'opinionvraisemblable et instable.

Mais, du coup, cette stabilité de la véritable connaissance apparaît comme un critèreessentiel.

Cela explique le recours aux mathématiques, dont les règles universelles et nécessaires garantissentcontre l'instabilité de la croyance caractéristique de la simple opinion.

Dire que la somme des angles d'un triangle estégale à deux droits, ne relève pas de l'opinion, mais de la certitude de l'esprit qui donne son assentiment à uneproposition vraie en soi.

De plus, si l'on entend par vérité l'adéquation entre la chose et la pensée de la chose, entrela réalité et la représentation de la réalité, alors il est nécessaire de trouver les principes de stabilité du jugement,seule garantie de tenir une vérité pour assurée.

Enfin, stabilité de la preuve rationnelle (convaincante, et passeulement persuasive, et importance de la démonstration scientifique.Du côté de l'esprit qui cherche cette vérité, les « règles pour la direction de l'esprit », dirait Descartes, conduisent àmontrer que l'évidence est au coeur de cette démarche.

Alors, et alors seulement, la connaissance est scientifique,à la fois vraie et stable.Sur le plan formel, les règles que l'esprit doit suivre tirent leur force de leur universalité et de leur nécessité.

Làencore, les mathématiques sont exemplaires, comme le montre Leibniz.

La logique du raisonnement, fondée sur unformalisme stable, permet de donner à la connaissance scientifique vérité et stabilité.

Alors, dire qu'uneconnaissance est à la fois vraie et instable ne peut qu'apparaître contradictoire, puisque pour atteindre la vérité, ilfaut exclure l'instabilité. 4.

Toutefois, l'histoire des sciences oblige à relativiser cette position En effet, au sein même des connaissancesscientifiques, la vérité a une histoire : elle est remise en question, modifiée, voire contredite par de nouvellesthéories.

Il semble même que cela soit le propre de toute science que d'être ouverte sur son propre dépassement,car les concepts scientifiques sont des constructions de l'esprit confronté aux multiples obstacles épistémologiquesqui agissent tout au long de la recherche scientifique (cf.

textes de Bachelard). C'est en terme d'obstacle qu'il faut poser le problème de laconnaissance scientifique. Bachelard a contribué à donner à l'épistémologie française ses lettres denoblesse, en particulier en déclarant dès les premières pages de « Laformation de l'esprit scientifique » (1938) : « C'est en terme d'obstacle qu'ilfaut poser le problème de la connaissance scientifique.

»Bachelard s ‘est battu contre deux idées fausses portant sur les sciences,répandues dans le public.

D'une part, celle qui veut que le savant arrive pourainsi dire l'esprit « vierge » devant les phénomènes à étudier, d'autre partcelle qui voit le développement des sciences comme une simple accumulationde connaissance, un progrès linéaire.En affirmant cette citation, il souhaite montrer les difficultés inhérentes àl'acte même de connaître.

Les obstacles à une connaissance scientifique neviennent pas d'abord de la complexité des phénomènes à étudier, mais despréjugés, des habitude de savoir, des héritages non interrogés.

« Quand il seprésente à la culture scientifique, l'esprit n'est jamais jeune.

Il est même trèsvieux, car il a l'âge de ses préjugés.

»La première bataille à livrer pour accéder à la connaissance scientifique estdonc une bataille contre soi-même, contre le sens commun auquel le savant. »

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