Négation de la nature chez Bataille
Publié le 14/08/2014
Extrait du document
[L'homme nie le naturel]
Je pose en principe un fait peu contestable : que l'homme est l'animal qui n'accepte pas simplement le donné naturel, qui le nie. Il change aussi le monde extérieur naturel, il en tire des outils et des objets fabriqués qui composent un monde nouveau, le monde humain. L'homme parallèlement se nie lui-même, il s'éduque, il refuse par exemple de donner à la satisfaction de ses besoins animaux ce cours libre, auquel l'animal n'apportait pas de réserve. Il est nécessaire encore d'accorder que les deux négations que, d'une part, l'homme fait du monde donné et, d'autre part, de sa propre, animalité, sont liées. Il ne nous appartient pas de donner une priorité à l'une ou à l'autre, de chercher si l'éducation (qui apparaît sous la forme des interdits religieux) est la conséquence du travail, ou le travail la conséquence d'une mutation morale. Mais en tant qu'il y a homme, il y a d'une part travail et de l'autre négation par interdits de l'animalité de l'homme.
Georges BATAILLE
QUESTIONS :
1) Dégagez les principales articulations du texte.
2) Que signifient, d'après le contexte : « le donné naturel «, « le monde humain «, « les deux négations «, « une mutation morale «.
3) Essai critique : expliquez et appréciez pourquoi l'auteur lie nécessairement travail et éducation.
1844, Ed. sociales, p. 63). En outre la négation de la nature par l'homme s'effectue grâce à un travail indissociable de l'utilisation de l'outil qui apparaît comme « la possibilité déterminée du désir « (Hegel). Car si l'homme nie la nature en s'opposant à elle, « les objets de la nature sont puissants et offrent une résistance multiple. Pour en avoir raison, l'homme fait intervenir d'autres objets de la nature, la tourne ainsi contre elle-même et à cette fin invente des outils « (Hegel, Leçons sur la philosophie de l'histoire, 2e éd., p. 219). Le travail par l'outil est ainsi lié à une activité de réflexion qui introduit une coupure entre l'être du donné naturel et le devoir-être du désir humain. Comme l'écrit G. Bataille, « le travail est la voie de la conscience, par laquelle l'homme est sorti de l'animalité « (L'Érotisme, p. 178).
«
dérobés.
On peut dès lors être tenté de se borner à définir
l'opposition de l'homme et de l'animal d'un point de vue
abstrait en les analysant comme des « systèmes » et en
parlant non d'animalité et d'homme, mais de nature et de
culture, et en renonçant
à saisir le point de passage entre
l'un et l'autre.
Telle est la position, par exemple, de
Cl.
Lévi-Strauss.
Mais procéder de cette manière, observe
G.
Bataille, c'est
«juxtaposer des abstractions, tandis que le passage de l'animal à l'homme implique non seulement
des ~tats formels mais le mouvement où ils s'opposèrent» (L'Erotisme, éd.
10-18, p.
236).
• Dire qu'il y a passage entre l'animal et l'homme, entre
la nature et la culture, c'est dire qu'il y a continuité.
De
fait
il y a de l'animalité en l'homme(« l'homme est l'ani
mal qui ...
» ), du naturel dans le culturel (cf.
sujet-texte n° 5).
Cependant au sein même de cette continuité s'ins
crit paradoxalement une rupture, qui est une double
négation et qui fonde l'homme, ou plutôt
par laquelle
l'homme se fonde lui-même.
b)
Une première négation, celle de la nature
• L'élaboration d'un monde humain L'homme, en effet, nie le « donné naturel », c'est-à-dire le milieu où il vit.
L'homme nie ce milieu en se dressant
contre lui, en refusant de l'accepter tel qu'il se présente à lui.
Il nie l'être de son milieu pour lui substituer un être
autre.
Bref, il le transforme, et ce processus de transfor
mation de la « réalité naturelle », de création d'une nou
velle réalité « artificielle », constitue le travail.
A travers
lui, l'homme s'éloigne de plus en plus de la nature pour élaborer par la production d'artefacts un monde original, « le monde humain ».
• Spécificité du travail humain, « voie de la conscience» On pourrait faire observer ici que certains animaux tra
vaillent également, et produisent des objets qui ne sont
pas des donnés naturels (cf.
le castor, le nid d'un oiseau,
etc.).
Mais l'animal « produit seulement ce dont il a
immédiatement besoin pour lui ou pour son petit ; il pro
duit d'une façon unilatérale, tandis que l'homme produit d'une façon universelle; il ne produit que sous l'empire
du besoin physique immédiat, tandis que l'homme pro
duit même libéré du besoin physique et ne produit vrai
ment que lorsqu'il en est libéré
» (Marx, Manuscrits de.
»
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