Ne désire-t-on que ce qui a du prix pour autrui ?
Publié le 06/02/2012
Extrait du document
«
hybride et impersonnelle du « on » qui, selon les termes de Heidegger, établit sur le moi un empire
tel que l’on peut parler d’une véritable dictature.
§ Certes, je désire ce qui a du prix pour moi.
Toutefois, je vis sous le regard d’autrui et il ne faudrait
surtout pas négliger l’importance de ce regard.
On parlera par exemple de « politiquement correct »,
on parlera encore de sentiments ou de désirs « inconvenants ».
La honte, dit Sartre, est honte de
moi tel que j’apparais à autrui.
Je désire, plus que tout, être reconnu, approuvé par l’autre.
Aussi ai-je
tendance à ne désirer que les objets susceptibles de recevoir l’approbation d’autrui.
Je désirerai donc
ce qu’ « on » désire, parce que c’est là ce qu’il « faut » désirer, ou ce que mes proches désirent,
parce qu’alors je serai intégré à leur groupe alors qu’un désir différent m’exclurait.
C’est alors autrui
et non plus moi qui attribue un prix à un objet, faisant de celui-ci un objet de désir.
§ Il y aurait donc comme un contrôle de ses propres désirs, une autocensure.
Autrui (avec une
minuscule), ce sont les autres, c'est-à-dire tel ou tel individu, et ils peuvent me servir de modèle.
L’homme en effet est doté d’un instinct grégaire qui le conduit à suivre les autres.
Mais Autrui (avec
majuscule), c’est aussi, selon Deleuze, cette dimension de la conscience qui fait que je sais que les
choses ne sont pas forcément telles que je les perçois.
Autrui est la structure du possible.
Cela remet
en cause l’évidence de notre première partie.
Seul, je désirerais ce qui m’est agréable.
Ayant vécu
avec autrui, je sais que, pour autrui, certains objets ne sont pas bons.
Aussi, spontanément, vais-je
censurer mes désirs non conformes et me forcer à désirer ce qu’autrui désire et désire que je désire.
Tel est le rôle du surmoi dans la théorie freudienne du psychisme.
Nous renoncerions alors bien souvent à nos désirs propres pour désirer ce qu’autrui désire.
§ Allons plus loin.
Et si le désir d’autrui précisément me rendait l’objet désirable ? Qui n’a jamais été
sujet à l’envie ? Qu’est-ce que l’envie ? Le désir de posséder ce que possède autrui.
L’objet serait
donc désirable pour moi parce que désiré par autrui.
§ Mais cela veut dire que nous nous comparons en permanence à autrui ! Oui, effectivement.
La
société, selon Rousseau, développe cette passion sociale qu’est l’amour-propre : la passion de se
comparer qui entraîne la passion de rivaliser avec autrui et d’être et avoir plus que lui.
L’idée que tel
autre avec qui je suis en concurrence d’une manière ou d’une autre possède un objet que je n’ai pas
excite ma convoitise.
Il l’a, donc je le veux ! Est-ce vraiment mon désir ? Non, sans doute.
Ce qui
convient à l’un ne convient pas à l’autre.
Bref, je tends à désirer ce qu’autrui désire.
Autrui désigne pour moi l’objet du désir.
Autrui
fixe le prix des objets et, dans ces conditions, je ne désire plus ce qui me rendrait heureux
mais ce qu’autrui désire.
Mes désirs alors ne sont plus miens et je suis aliéné au désir et au
regard d’autrui.
III. Comment se réapproprier ses propres désirs ?
La question devient alors autre.
Si mes désirs ne m’appartiennent plus, si autrui en quelque sorte me
vole mes désirs, ne conviendrait-il pas, pour trouver la route du bonheur de désirer ce qui seul me
convient et m’épanouit ?
§ Il faudrait que chacun définisse, pour être heureux, ses propres désirs.
§ Comment se libérer du regard d’autrui et ne désirer que ce qui a du pris pour soi-même ?.
»
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