Naît-on libre ou le devient-on?
Publié le 24/01/2005
Extrait du document
● La forme du sujet pose peu de problèmes. Une alternative est proposée : il s'agit de déterminer, après les avoir interprétées, laquelle des deux branches est valide. Faire bien attention, cependant, au statut du « ou « : celui-ci n'est pas nécessairement exclusif. En effet, on peut être amené, suivant les niveaux de pensée où l'interprétation des deux branches se tient, à montrer qu'on naît à une certaine liberté et qu'on accède à une autre. Il s'agirait dans ce cas, soulignons-le, d'une alternative, c'est-à-dire que ça ne serait pas strictement équivalent à un « et «, puisque deux libertés distinctes seraient décelées dans les deux branches.
L'originalité du sujet tient à l'emploi du pronom impersonnel « on «. Le sujet interroge ainsi tout être susceptible d'être libre. Cependant, dans la mesure où toute question s'adresse à un auditeur, au moins possible, il est sous-entendu que la question est posée en particulier au sujet des hommes. Il faudra donc respecter, en se penchant sur le problème de la liberté humaine, cette orientation donnée vers l'essence de la liberté, ou celle de l'être-libre. En d'autres termes, si l'on parle de liberté humaine, il faudra le faire sous l'angle de l'essence, en soi, de l'être-libre, en portant une attention particulière au sens et à la possibilité de la liberté.
● Étudions à présent la première branche de l'alternative. Que signifie naître? Naître, c'est advenir à l'être. Ainsi, la thèse affirmant que l'on naîtrait libre signifie qu'en advenant à l'être, on adviendrait du même coup, et pour cette raison, à l'être-libre. Soit, en précisant cet « on « impersonnel : tout être qui aurait, par essence, la possibilité d'être libre, le serait dès sa naissance, dès sa venue à l'être. Il faut préciser cette possibilité de nature, sans cela la thèse serait absurde : nous savons qu'il y a des étants qui ne sont pas libres, et qui sont pourtant.
● En sens contraire, lorsqu'un être devient libre, c'est qu'il avait déjà, par nature, la possibilité de le devenir. En d'autres terme, il l'était déjà en droit, en puissance. Mais quel sens y aurait-il à en faire une loi d'essence de la liberté? Pourquoi tout être susceptible d'être libre devrait-il l'être d'abord en puissance avant de pouvoir l'être en acte? Considérer que le « on « s'adresse à la seule nature humaine nous donnerait une réponse immédiate de cette dernière question. L'homme, en effet, naît sous la forme d'un nourrisson, c'est-à-dire dans un état de finitude et de dépendance absolue. Cependant l'éducation lui permet de devenir à son tour, en possession de sa volonté. Nous aboutissons alors à une nouvelle question : Le fait que l'homme ait à devenir libre (de fait, car de droit il l'est, nous l'avons vu, dès sa naissance) est-il dû à l'essence de la liberté ou à une détermination particulière de la nature humaine?
● Pour répondre à cette question, il nous faut d'abord résoudre un problème : qu'est-ce qui, en l'homme, est liberté? A proprement parler, la liberté n'est rien si elle n'est, d'abord, la liberté d'un être, et ensuite liberté par opposition à une contrainte possible. De quelle liberté s'agit-il ici? C'est justement ce qu'il s'agit de définir. A quelle liberté est-on susceptible de naître? La liberté politique, par exemple. Mais ajoutons d'emblée que dans cet exemple, l'accès à la liberté est contingent : on peut tout aussi bien gagner la liberté politique, la conquérir. Cependant une telle conquête suppose une liberté plus radicale, celle de choisir la révolte par exemple.
● Nous pouvons alors achever l'élaboration de la problématique. Par quoi l'homme est-il libre? Qu'est-ce qui, en lui, le rend capable d'être libre, et selon quelles libertés? En résolvant ces questions, nous pourrons chercher à quelle liberté l'on naît, à quelle liberté on devient, et les rapports qu'entretiennent entre elles ces deux types de libertés. En les rapportant aux conditions de possibilité de toute liberté, nous pourrons alors interroger l'acte même de la liberté, son surgissement. Si l'on devient libre, alors l'acte par lequel on l'est devenu n'était pas encore libre. Mais comment penser une détermination nécessaire du devenir-libre? Faut-il au contraire poser que cet acte de libération ne peut être que libre lui-même, c'est-à-dire que la liberté surgirait de son fonds, de sa simple possibilité? Mais alors, peut-on encore parler de devenir-libre ? La liberté n'était-elle pas déjà acquise?
«
la conquérir.
Cependant une telle conquête suppose une liberté plus radicale, celle de choisir la révolte parexemple.
● Nous pouvons alors achever l'élaboration de la problématique.
Par quoi l'homme est-il libre? Qu'est-ce qui, en lui, le rend capable d'être libre, et selon quelles libertés? En résolvant ces questions, nous pourronschercher à quelle liberté l'on naît, à quelle liberté on devient, et les rapports qu'entretiennent entre elles cesdeux types de libertés.
En les rapportant aux conditions de possibilité de toute liberté, nous pourrons alorsinterroger l'acte même de la liberté, son surgissement.
Si l'on devient libre, alors l'acte par lequel on l'estdevenu n'était pas encore libre.
Mais comment penser une détermination nécessaire du devenir-libre? Faut-ilau contraire poser que cet acte de libération ne peut être que libre lui-même, c'est-à-dire que la libertésurgirait de son fonds, de sa simple possibilité? Mais alors, peut-on encore parler de devenir-libre ? La libertén'était-elle pas déjà acquise?
Proposition de plan
I La liberté de l'enfant : le problème de l'éducation
Georg Wilhelm Friedrich HEGEL Principes de la philosophie du droit
"Les enfants sont des êtres libres en eux-mêmes, et la vie est l'existence immédiate de cette seule liberté, ilsn'appartiennent donc ni aux autres ni aux parents comme des choses.
Leur éducation a la détermination positive, euégard à la relation familiale, que la réalité morale soit portée en eux à la sensation immédiate, encore sansopposition, et que leur coeur, dès le fondement de la vie morale, ait vécu sa première vie dans l'amour, la confianceet l'obéissance, - mais ensuite, eu égard au même rapport, elle a une détermination négative, qui est d'élever lesenfants, à partir de l'immédiateté naturelle dans laquelle ils se trouvent à l'origine, à l'autonomie et à la personnalitélibre, et de là à la capacité de sortir de l'unité naturelle de la famille.
Le rapport d'esclavage des enfants romains estl'une des institutions les plus dégradantes de cette législation, et cette privation offensante de la réalité moraledans leur vie la plus intime et la plus tendre est l'un des facteurs les plus importants pour comprendre le caractèrehistorique des Romains et leur orientation vers le formalisme juridique.
La nécessité pour les enfants d'être éduquésest chez eux comme le sentiment propre d'être insatisfaits en eux-mêmes tels qu'ils sont, - comme la tendance àappartenir au monde des adultes, auquel ils aspirent comme à une réalité plus haute, le souhait de devenir grands.La pédagogie par le jeu prend déjà l'élément enfantin comme quelque chose qui vaut en soi-même, le donne auxenfants tel quel, et rabaisse pour eux ce qui est sérieux et se rabaisse elle-même dans la forme enfantine, assezméprisée par les enfants eux-mêmes.
Dès le moment qu'elle est forcée, en ce qui concerne ces enfants, dans l'étatd'inachèvement où ils se sentent, de les représenter plutôt comme finis, et de le rendre en cela satisfaits, - elledérange et pervertit ce qui est leur vrai besoin à eux, et leur meilleur besoin, et elle produit, d'une part, l'absenced'intérêt et l'esprit borné à l'égard des rapports substantiels du monde spirituel, d'autre part, le mépris des êtreshumains, puisque, lorsqu'ils étaient enfants, ceux-ci se sont présentés à eux d'une façon enfantine et méprisable ;enfin elle produit la vanité et la présomption qui se repaît de sa propre excellence.
»
Emmanuel KANT Réflexions sur l'éducation
« La discipline transforme l'animalité en humanité.
Par son instinct un animal est déjà tout ce qu'il peut être ; uneraison étrangère a déjà pris soin de tout pour lui.
Mais l'homme doit user de sa propre raison, il n'a point d'instinct etdoit fixer lui-même le plan de sa conduite.
Or, puisqu'il n'est pas immédiatement capable de le faire, mais aucontraire vient au monde pour ainsi dire à l'état brut, il faut que d'autres le fassent pour lui.
(...) La disciplineempêche que l'homme soit détourné de sa destination, celle de l'humanité, par ses penchants animaux.
Elle doit parexemple lui imposer des bornes, de telle sorte qu'il ne se précipite pas dans les dangers sans Jugement et sansréflexion.
La discipline est ainsi simplement négative ; c'est l'acte par lequel on dépouille l'homme de son animalité ;en revanche l'instruction est la partie positive de l'éducation.
»
L'éducation se pose comme un problème : il s'agit de mener un être inachevé, le nourrisson, à la réalisation duconcept humain, dont un axe recteur est la liberté.
Cependant, comment élever un esprit vierge, incapable dedélibérer et de connaître le bien pour lui-même, au droit usage de sa raison, mais à un usage autonome?L'autonomie, étymologiquement, c'est le fait d'être à soi-même sa propre loi.
Ainsi, si l'éducation doit exercer unecontrainte pour aboutir, une de ses tâches premières est d'apprendre à l'enfant l'autonomie.
Et comment apprend-on l'autonomie? En en usant, nous répond Kant.
La tâche de l'éducateur est donc de construire cet espacecomplexe au sein duquel l'enfant est contraint d'apprendre et d'user droitement de son autonomie.
Transition Que nous apprend sur la liberté cette difficulté pédagogique? Qu'elle s'oppose à la nature.
Kant fera de cette opposition entre nature et volonté un moment décisif de sa philosophie.
Cepandant, nous avons vu quel'enfant est liberté en soi.
Il nous faut donc distinguer ici deux niveaux de liberté : celle par laquelle l'enfant estlibre, et qui n'est pure possibilité de nature, et celle à laquelle l'éducation peut l'élever, si elle est bonne, et quis'oppose précisément à la nature.
Des rapports se dessinent ainsi, entre volonté, sensibilité et raison, qui semblentdéterminer la nature de la liberté accessible : il nous importe à présent de les définir.
II Liberté, volonté et sensibilité
Saint AUGUSTIN Confessions (VIII, IX).
»
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