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Mourir pour une cause plaide-t-il pour cette cause ?

Publié le 30/11/2005

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 Pour sacrifier sa vie à une cause, il faut sans nul doute être convaincu de sa valeur. Nul plus que le martyr n'est certain de posséder le vrai. Mais la certitude est-elle une condition nécessaire et suffisante de la vérité ? C'est à cette question que Nietzsche répond dans ce texte, par le moyen d'une méditation provocante sur le martyr qui, précisément parce qu'il croit posséder la vérité, en est le plus éloigné. Pouvoir mourir pour ses idées n'est pas une preuve de leur vérité mais seulement la manifestation de la force de la croyance du martyr. Or la croyance est pour Nietzsche et dans ce texte, un obstacle à la recherche de la vérité dans la mesure où elle est la certitude aveugle de la posséder. L'attitude du croyant, qui consiste à poser la possession immédiate du vrai dans et par l'acte de foi est exactement l'inverse de l'attitude de celui qui recherche le vrai, attitude qui consiste à poser au préalable la non possession immédiate de la vérité : la recherche de la vérité exige l'aveu préalable qu'on ne la possède pas. Aussi à travers cette critique du martyr, c'est l'aveuglement du croyant compris comme type d'homme et comme type de relation à la vérité rendant celle-ci impossible, que Nietzsche entend critiquer. " Aucun martyr n'eut jamais le moindre rapport avec la vérité ". Telle est la thèse énoncée avec une brutalité voulue, que Nietzsche va expliciter dans le texte.
C'est l'argument dit "du sacrifice". On peut se sacrifier pour une cause juste, mais on peut se tromper sur sa légitimité. Dire que des hommes ou des femmes se sont sacrifiés ne prouve rien, et peut même cacher le secret sentiment de l'inutilité profonde de leur propre vie. de sorte que la "cause" n'est qu'un prétexte.
Lorsqu'on meurt pour une cause, cela signifie que la mort est la conséquence d'une cause, ou d'un idéal que l'on a reconnu comme étant suffisamment important pour qu'on puisse lui sacrifier sa vie. Ici on vous demande si la mort peut se justifier au non de l'attachement et au nom du respect d'un idéal. L'idéal, c'est ce à quoi on croit car on estime que cela, en droit, devrait être, mais si, dans les faits, ce n'est pas encore le cas. L'idéal renvoie donc à une valeur à laquelle on ne veut pas renoncer et pour laquelle on accepterait de tout sacrifier. Encore faut-il que cette cause ne soit pas une illusion ou un préjugé. En effet, le fanatique qui meurt pour une cause religieuse donne-t-il par cette mort une valeur absolue à sa cause ? Qui plus est, on note qu'une fois mort, on ne peut plus jouir d'un idéal... Qui en jouira alors ? Enfin, si la cause ou l'idéal exige notre sacrifice, celui ci n'a de sens que si notre sacrifice est repris et assumé par ceux qui nous survivent et mourir pour un idéal, c'est affirmer que l'idéal doit continuer à intéresser ceux qui restent en vie. Mais n'est-ce pas restrictif de penser que notre rapport à l'idéal, qui est un rapport moral, n'aurait que la mort comme solution et apogée ? Qu'en est-il de l'action politique, de l'histoire, de l'engagement qui passe des principes aux actes ? Vous trouverez de nombreux éléments pour développer ces points en vous reportant aux sujets indiqués au bas de cette réponse.


« [Aucune cause ne vaut qu'on lui sacrifie la vie humaine.

Mourir pour une cause est un acte vain, car ilaboutit seulement à la négation de l'être.

Aucune cause ne saurait être défendue par un avocat absent.] La mort ne plaide pour aucune causeCe n'est pas en mourant, mais en luttant, que l'on sert le mieux une cause.

Seule la vie peut réaliser un idéalet, pour cela, elle doit tenir la mort en respect.

En mourant pour une cause, je ne suis que son esclave.Simple moyen au service d'une cause, je deviens une chose.

Or l'homme a une dignité personnelle qui luiconfère une valeur incomparable.

Nous ne devons pas consentir à notre destruction, car conserver la vie estun devoir.

Ma mort peut être un plaidoyer pour moi-même, mais je ne suis plus là pour entendre.

Si je suismort, où est ma victoire? La mort ne prouve pas la valeur de la causeLes attentats-suicides des extrémistes ne démontrent pas la valeur de la cause des terroristes.

Tout au pluspassent-ils pour des fanatiques et des fous.

Diadore Cronos est mort de honte pour ne pas avoir su résoudreun argument.

L'exemple du hara kiri, pratique qui, pour les Japonais, n'est pas un suicide, mais un sacrificeconsenti à l'empereur-soleil, montre que la valeur pour laquelle on engage sa vie peut être dérisoire etinhumaine. "Que des martyrs prouvent quelque chose quant à la vérité d'unecause, cela est si peu vrai que je veux montrer qu'aucun martyrn'eut jamais le moindre rapport avec la vérité.

Dans la façon qu'aun martyr de jeter sa certitude à la face de l'univers s'exprime unsi bas degré d'honnêteté intellectuelle, une telle fermetured'esprit devant la question de la vérité, que cela ne vaut jamais lapeine qu'on le réfute.

La vérité n'est pas une chose que l'unposséderait et l'autre non (…).

Plus on s'avance dans les chosesde l'esprit, et plus la modestie, l'absence de prétentions sur cepoint deviennent grandes : être compétent dans trois ou quatredomaines, avouer pour le reste son ignorance (…).Les martyrs furent un grand malheur dans l'histoire : ilsséduisirent.

Déduire (…) qu'une cause pour laquelle un hommeaccepte la mort doit bien avoir quelque chose pour elle - cettelogique fut un frein inouï pour l'examen, l'esprit critique, laprudence intellectuelle.

Les martyrs ont porté atteinte à la vérité.Il suffit encore aujourd'hui d'une certaine cruauté dans lapersécution pour donner à une secte sans aucun intérêt unebonne réputation.

Comment ? Que l'on donne sa vie pour unecause, cela change-t-il quelque chose à sa valeur ? (…) Ce futprécisément l'universelle stupidité historique de tous lespersécuteurs qui donnèrent à la cause adverse l'apparence de ladignité." NIETZSCHE.

QUESTIONNEMENT INDICATIF• Qu'est-ce qui justifie, dans le texte, que — selon Nietzsche « aucun martyr » n'a jamais eu « le moindrerapport avec lavérité » ?• Y a-t-il nécessairement contradiction entre dire « être compétent dans trois ou quatre domaines » et « lavérité n'est pas une chose que l'un posséderait et l'autre non »?• En quoi, selon Nietzsche, « les martyrs furent un grand malheur dans l'histoire »?• Quel est l'enjeu de ce texte ?— Une appréciation des martyrs ?— Une appréciation (ou mise en valeur) de la conditionminimale d'un rapport « véridique » à la vérité ? Une caractérisation de la vérité ? Pour sacrifier sa vie à une cause, il faut sans nul doute être convaincu de sa valeur.

Nul plus que le martyrn'est certain de posséder le vrai.

Mais la certitude est-elle une condition nécessaire et suffisante de la vérité? C'est à cette question que Nietzsche répond dans ce texte, par le moyen d'une méditation provocante sur lemartyr qui, précisément parce qu'il croit posséder la vérité, en est le plus éloigné.

Pouvoir mourir pour sesidées n'est pas une preuve de leur vérité mais seulement la manifestation de la force de la croyance du. »

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