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Mourir, est-ce essentiel à l'homme ?

Publié le 17/01/2022

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Un trait semble caractériser de manière universelle, au moins depuis l'apparition de l'homo sapiens, l'humanité: toutes les cultures associent un rituel particulier à la mort. Certaines cultures enterrent les morts, d'autres les brûlent... En outre, seule l'humanité célèbre avec un rituel particulier la fin de la vie, puisque les animaux, au contraire, ne semblent pas accorder d'importance particulière à ce moment. Est-ce à dire que la mort est un élément essentiel pour l'homme ? Dans ce cas, comprendre l'humanité, comprendre ce qui fait de l'homme un homme, supposerait que l'on prenne en compte la particularité de son rapport à la mort. Pourtant, c'est peut-être une illusion malsaine que d'accorder à ce phénomène une telle importance. Il est peut-être possible de voir dans le souci humain de la mort le signe d'une existence authentique, proche de ce qui caractérise véritablement l'humanité. Pour répondre à ces questions, nous examinerons dans un premier temps la signification de la peur de la mort; ensuite, nous montrerons comment l'épanouissement des hommes est à chercher dans la méditation de la vie et non celle de la mort. Néanmoins, n'y a-t-il pas là, de deux manières différentes, une même volonté de cacher le fait brut de notre finitude. Première partie: La mort suscite fréquemment chez les hommes une crainte plus ou moins forte. Cette crainte peut être particulièrement violente: on sait que la peur de mourir peut, en temps de guerre, conduire les hommes aux pires abominations. Néanmoins, elle est également présente dans l'existence quotidienne, même si elle peut être plus ou moins masquée. Sans doute bien des angoisses et des phobies, dont les motifs semblent souvent anecdotiques ou arbitraires, s'enracinent-elles dans une telle crainte. La mort suscite non seulement la crainte, mais aussi une étrange fascination. Bien des oeuvres d'art parmi les plus importantes de l'humanité sont des tombeaux ou sont liés à la mort: pensons aux pyramides, aux Requiem de Mozart ou Fauret.

« La philosophie platonicienne veut nous libérer de la crainte superstitieuse de la mort.

Elle se présente comme unmédecin qui nous libère de nos craintes d'enfants.

Pourtant, si l'objet même de la philosophie n'est autre que la mortet le souci que nous en avons, ne faut-il pas reconnaître en elle un élément essentiel de l'existence humaine ?Pourquoi le philosophe se soucierait-il de quelque chose de secondaire?La philosophie ne s'identifie peut-être pas à un tel apprentissage.

Autrement dit, mourir n'est pas l'objet essentiel decette éducation qu'est la philosophie.

Si, comme le soutient Platon, le souci de la mort ne s'enracine que dans lacrainte et la fascination et si celles-ci reposent sur nos faiblesses et notre ignorance, la vie pleine et entière nepeut être une méditation de la mort.

Dans l'Éthique, Spinoza exprime nettement ce point : « Un homme libre nepense à aucune chose moins qu'a la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort mais de la vie.» La philosophie de Spinoza est une ontologie optimiste : pour lui perfection etréalité, vertu et puissance sont même chose.

Le bonheur absolu existe ici-basdans la communion intellectuelle avec l'essence des choses.

Ni l'erreur, ni lemal, ni la mort n'offrent la moindre prise à une pensée positive ; ils ne sedéfinissent qu'à partir de l'Être dont ils sont défaut, privation ; la pensée de lamort est contradictoire, c'est une pensée folle car prétendre penser le rienrevient très exactement à ne rien penser ; chacun de nous est une essenceparticulière affirmative qui tend obstinément à « persévérer dans son être »;et il faut bien comprendre que ce « conatus », cet effort vers la plénitude del'existence n'a rien à voir avec un peureux et douillet instinct de conservation. LE « CONATUS » OU EFFORT DE L'ÊTRE. Rien ne va au néant.

Le nihilisme est absurde : « Nulle chose ne peut êtredétruite, sinon par une cause extérieure » (Éthique, III, P.

4).L'essence d'une chose est une manifestation limitée de l'essence de la Causede soi, qui est puissance infinie : « Tant que nous considérons seulement lachose elle-même, et non les causes extérieures, nous ne pouvons rien trouveren elle qui puisse la détruire » (ibid.).De là découle la proposition 6, justement célèbre: « De par son être, chaquechose s'efforce de persévérer dans son être » L'être est désir d'être. « Cet effort, rapporté à l'esprit seul, s'appelle volonté ; mais quand il se rapporte à la fois à l'esprit et aucorps, il s'appelle tendance (appetitus) ; la tendance n'est donc rien d'autre que l'essence même de l'homme ;de cette essence découlent nécessairement les actes qui servent à sa conservation; et ainsi l'homme estdéterminé à les faire.

De plus, entre la tendance et le désir (cupiditas) il n'y a nulle différence, sinon que ledésir se rapporte généralement aux hommes dans la mesure où ils sont conscients de leurs tendances et c'estpourquoi on peut donner la définition suivante : Le désir est la tendance accompagnée de la conscience decette même tendance.

Ainsi il est établi que nous faisons effort en vue de quelque chose, la voulons, tendonsvers elle, la désirons, non pas parce que nous jugeons qu'elle est bonne : au contraire, nous jugeons qu'unechose est bonne parce que nous faisons effort pour l'avoir, la voulons, tendons vers elle et la désirons.

»(Éthique, III, P.

9, Sc.).

Ainsi le désir, reconnu par toute la philosophie comme le dynamisme immanent à lanature, exprime directement l'essence de l'être fini, ou puissance finie. Précurseur de Nietzsche et de Goldstein, sur ce point, Spinoza nous dit que « l'homme libre recherche spontanémentce qui lui est utile, c'est-à-dire n'agit pas par crainte de la mort mais désire directement ce qui est bon ».

Agir parpeur du mal, par peur de la mort, agir « pour ne pas » est une perversion de la belle spontanéité ingénue, perversiondue aux dérèglements de l'imagination.

La joie est le sentiment de notre puissance augmentée, la tristesse est toutau contraire l'écho de la diminution de nos pouvoirs.

Chaque être, spontanément.

s'efforce de chasser la tristesse etde conquérir toujours plus de joie.

Et « aucune chose n'a rien en elle par quoi elle puisse être détruite et l'effort parlequel chaque chose s'efforce de persévérer dans son être n'enveloppe aucun temps fini, mais un temps indéfini ».Il est vrai, mais chaque chose prise dans la « concatenato omnium rerum » peut à tout moment être détruite parl'ensemble des autres choses.

L'homme, simple mode fini de la substance infinie, « subit la poussée des causesextérieures comme les eaux de la mer sont soulevées par les vents contraires ».

L'affection qui exprime le rapport leplus fréquent entre les forces extérieures et celles de notre corps — dont notre âme n'est que l'idée — estinévitablement la tristesse.

Comment dès lors échapper à l'imagination du mal et de la mort ?L'optimisme n'est possible que parce que Spinoza renonce à se placer au point de vue de notre individualitéparticulière.

Le moi égoïste et singulier, simple détermination de la substance, n'est qu'une négation.

Ce moi singulierest à tout moment menacé par la mort qui est la négation de cette négation.

En fait, il ne faut pas vivre au point devue du moi, mais vivre au point de vue de Dieu, c'est-à-dire au point de vue de la Nature totale, au point de vue del'Être.

A l'Être, qui est la totalité, qui n'a rien d'extérieur à lui, rien ne peut arriver.

Il est indestructible et plein.

Sipar la pensée je m'identifie à cette totalité, si je me fonds en elle par l'amour intellectuel je deviens comme elleindestructible et « j'éprouve que je suis éternel ».

C'est à ce prix que le système de Spinoza ne connaîtra que l'Êtreet ignorera le mal et la mort.

Mais pour accueillir cette pensée sereine n'ai-je pas dû préalablement renoncer à cemoi si fragile mais qui me définissait en propre ? Vivre pleinement, c'est donc vivre de manière rationnelle, et vivre de manière rationnelle, c'est écarter toute pensée. »

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