Montesquieu et le despotisme
Publié le 23/03/2015
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«
Textes commentés 33
Le despotisme est, selon Montesquieu, le « mal politique absolu ».
La
comparaison qu'il esquisse entre la monarchie dont le principe est l'honneur et
le despotisme, dont
le principe est la crainte, montre que celui-ci n'est pas une
déviation de celle-là.
Despotisme et monarchie sont deux modes politiques
différents par leur nature même.
En effet, dans les États despotiques,
il n'y a ni lois fondamentales ni dépôt de
lois.
Cette absence de lois est anarchie, source d'insécurité et de misère.
Le
despotisme n'est rien d'autre d'ailleurs qu'un égarement irrationnel puisque la
puissance
du despote, qui règne par son seul caprice en recourant à la force et à
l'arbitraire et en semant partout la crainte, est une offense permanente à la
raison.
Devant un souverain qui, sans motif valable, a droit de vie et de mort
sur ses sujets, chacun frémit et tremble ; il n'obéit que par peur.
En ce régime
«monstrueux», la crainte dégrade les âmes au lieu de les exalter comme le
font la vertu dans la république et l'honneur dans une monarchie ;
de surcroît,
et cela est encore plus odieux, les hommes y deviennent tous égaux parce qu'ils
n'y sont rien.
La relation du despote à ses sujets est singulière.
Comme
ni honneur ni
lumières ne bornent la puissance du despote qui, à la fois prince, État et lois, se
croit
tout, ses sujets ne sont rien.
Ce ne sont même plus des hommes : on ne
leur reconnaît plus de dignité ; leur lot est celui des bêtes : instinct, obéissance,
châtiment.
Le rapport qui s'instaure entre
le despote et ces êtres déshumanisés
n'est pas de commandement à obéissance, mais d'oppression à soumission, de
1 toute-puissance à anéantissement.
Tout, ici, est déséquilibre, démesure,
démence.
Si la crainte est le principe, la tranquillité est le but : « le silence de
ces
villes que l'ennemi est près d'occuper».
L'affirmation de la volonté du
despote est négation : dans ce régime destructeur, guettent le mal et la mort.
L'absolutisme du pouvoir tend vers la nudité du vide.
Dans ce désert politique
1
et psychologique, s'effectue la transposition de l'idée métaphysique du néant.
Le prince fût-il hors de sens, ses arrêts doivent être exécutés.
Le despotisme
est
le paradigme du mal : « Quand les sauvages de la Louisiane veulent avoir
du fruit, ils coupent l'arbre au pied, et cueillent
le fruit.
Voilà le gouvernement
despotique
» (E.L., V, 13) : il est contre-nature..
»
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