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MONTESQUIEU et la politique

Publié le 08/05/2005

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Dans les gouvernements despotiques, où, comme nous avons dit, on n'est déterminé à agir que par l'espérance des commodités de la vie, le prince qui récompense n'a que de l'argent à donner. Dans une monarchie, où l'honneur règne seul, le prince ne récompenserait que par des distinctions, si les distinctions que l'honneur établit n'étaient jointes à un luxe qui donne nécessairement des besoins: le prince y récompense donc par des honneurs qui mènent à la fortune. Mais, dans une république, où la vertu règne, motif qui se suffit à lui-même, et qui exclut tous les autres, l'État ne récompense que par des témoignages de cette vertu. C'est une règle générale, que les grandes récompenses, dans une monarchie et dans une république, sont un signe de leur décadence; parce qu'elles prouvent que leurs principes sont corrompus; que, d'un côté, l'idée de l'honneur n'y a plus tant de force; que, de l'autre, la qualité de citoyen s'est affaiblie. MONTESQUIEU

À quoi bon être un citoyen méritant ? Que recevons-nous en échange de nos services? Devons-nous attendre une reconnaissance de la part de l'État ou considérer que nous n'avons fait que notre devoir et nous satisfaire de l'idée de notre utilité pour la communauté? La question appelle une réponse nuancée en fonction des types de régimes politiques : c'est ce que Montesquieu entend montrer dans ce passage, en proposant une typologie des formes politiques et des gratifications qui leur sont associées. Il évoque ensuite l'impact que peut avoir sur la qualité de la vie politique un changement dans le type de reconnaissance : il y a là un indicateur de décadence très fiable. Nous pourrons nous interroger tout particulièrement sur ce que Montesquieu nomme la « vertu « du citoyen de la République.

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« riche en « affaires » pour qu'il soit facile de comprendre que le plus vertueux des hommes politiques a bien du mal àrésister aux sollicitations et aux pressions.

Même lorsqu'il ne s'enrichit pas personnellement, il a vite fait de se prêterà des irrégularités en faveur de son parti, d'une société amie, etc.La vertu est donc une forme de courage.

Elle est un motif exclusif et auto-suffisant, car elle se définit précisémentpar la capacité de faire le bien pour le bien et non pour une récompense.

La récompense de l'homme vertueux est dese savoir vertueux, c'est la « bonne conscience » du citoyen honnête.

Un certain nombre de signes symboliquesmarquent ce principe dans la République française, par exemple le fait que les gouvernants n'aient pas des salairesde footballeurs, que le président fasse don à un musée des cadeaux reçus de la part de chefs d'État en visiteofficielle, ou encore qu'on évite de développer le « culte de la personnalité » autour du chef de l'État.

De même, lesfonctions importantes sont normalement attribuées en fonction du mérite et non du rang, de la naissance.

Seulssont délivrés des « témoignages de cette vertu ».

On peut penser, dans notre République, à des décorations commela Légion d'honneur ou l'Ordre du mérité et ses déclinaisons dans les corporations professionnelles.

Plus encore quela « distinction » monarchique comme l'ennoblissement ou l'accession à un rang de noblesse plus élevé, le «témoignage » républicain est purement symbolique et ne s'accompagne d'aucune prérogative mais seulement del'estime des autres citoyens, ce qui n'est pas rien.Le besoin de témoignages n'est-il pas une entorse à l'autosuffisance de la Vertu? La vertu parfaite ne serait-elle pascelle qui demeure cachée? Ce serait une double erreur psychologique.

D'une part, l'homme n'est pas un Dieu; lecitoyen qui ne se sent pas reconnu dans son dévouement finira par douter de son utilité et par se décourager.

Nousn'avons pas d'intuition directe de notre propre valeur et avons besoin de la reconnaissance d'autrui.

D'autre part, lestémoignages sont censés désigner des citoyens à l'estime publique et en faire des modèles que les autres,également désireux d'être reconnus et appréciés, chercheront à imiter.Cette précision permet du même coup de comprendre pourquoi Montesquieu estime que les « grandes récompenses» sont incompatibles avec la vertu républicaine comme avec l'honneur monarchique.

Le témoignage dereconnaissance pour la vertu doit affermir et augmenter la vertu elle-même et confirmer le citoyen dans son zèlepour la patrie : c'est une façon de lui signifier que la société compte sur lui.

Mais une « grande récompense » faitrentrer l'action dans l'ordre marchand où tout a un prix; cet acte ressemble au changement d'esprit d'un jeu decartes lorsqu'on décide « d'intéresser la partie » en misant de l'argent au lieu de jouer pour le plaisir. Conclusion Au terme de cette analyse, on comprend que l'apogée d'un régime risque fort d'être un très fragile et éphémèrepoint d'équilibre avant la décadence.

Ce point existe-t-il même vraiment? Trouve-t-on des Républiques de gensvertueux, ou cette qualité est-elle toujours rare? Ne faut-il pas se rappeler avec La Rochefoucauld que « les bonnesintentions se perdent dans l'intérêt comme les fleuves dans la mer » ? Faut-il avoir la nostalgie d'un âge où lescitoyens se dévouaient vraiment à l'intérêt général ou affirmer que cette notion a toujours été une fiction demoraliste et qu'il vaut mieux parier dès le départ sur l'intérêt privé et la compétition des intérêts? Le débat n'a rienperdu de son actualité.. »

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