MERLEAU-PONTY: Qu’est-ce que penser ?
Publié le 24/03/2020
Extrait du document

«Si la parole présupposait la pensée, si parler c'était d'abord se joindre à l'objet par une intention de connaissance ou par une représentation, on ne comprendrait pas pourquoi la pensée tend vers l'expression comme vers son achèvement, pourquoi l'objet le plus familier nous parait indéterminé tant que nous n'en avons pas retrouvé le nom, pourquoi le sujet pensant lui-même est dans une sorte d'ignorance de ses pensées tant qu'il ne les a pas formulées pour soi ou même dites et écrites, comme le montre l'exemple de tant d'écrivains qui commencent un livre sans savoir au juste ce qu'ils y mettront. Une pensée qui se contenterait d'exister pour soi, hors des gênes de la parole et de la communication, aussitôt apparue tomberait à l'inconscience, ce qui revient à dire qu'elle n'existerait pas même pour 'soi. A la fameuse question de Kant (1) ,. nous pouvons répondre que c'est en effet une expérience de penser, en ce sens que nous nous donnons notre pensée par la parole intérieure ou extérieure. Elle progresse bien-dans l'instant et comme par fulgurations, mais il nous reste ensuite à nous l'approprier et c'est par l'expression qu'elle devient nôtre. La dénomination des objets ne vient pas après la reconnaissance, elle est la reconnaissance même.»
MERLEAU-PONTY.
Approche du texte
A. Le thème :
Il s’agit ici d’une analyse du rapport entre le langage et la pensée.
B. Question implicite à laquelle le texte répond :
Qu’est-ce que. penser ? La pensée précède-t-elle ou non la parole ? ' Existe-t-il une pensée en dehors du langage ?
(1) Qu’est-ce que penser ?
C. Réponse à la question :
à) Idée générale :
Selon Merleau-Ponty, il existe une interdépendance entre la parole et la pensée, la pensée se forme par le langage, elle n’est qu'un langage intérieur ou extérieur.
b) Structure loeique du texte :
— «La pensée tend vers l'expression commevers son achève-, ment», une pensée non. formulée n'est qu'une nébuleuse. — C'est pourquoi la pensée n'existe pas en dehors du langage, elle se. forme et progresse par le langage.
2. Qu’est-ce que penser ? «C’est une expérience de penser.» Le terme d’«expérience» a une valeur appréciative, car nous éprouvons la pensée comme un phénomène qui nous enrichit et le langage comme enrichissant la pensée. '«Nous nous donnons notre pensée par la parole intérieure ou extérieure», plus nous parlons plus nous pensons et réciproquement, et plus nous progressons mentalement. La pensée n’existe pas hors du monde et hors des mots.. Ce qùi 'nous trompe là-dessus et nous fait croire à une pensée qui existerait avant l’expression, ce sont les pensées déjà constituées et déjà exprimées que nous pouvons rappeler à nous silencieusement et par lesquelles nous nous donnons l'illusion d’une vie intérieure. En réalité, cette vie intérieure n’est qu'un langage intérieur. Mais alors comment-expliquer les pensées nouvelles, originales ?

«
C.
Réponse à la question :
à) Idée générale :
Selon Merleau-Ponty, il existe une interdépendance entre la
parole et la pensée, la pensée se forme par le langage, elle
�'.est qu'un langage intérieur ou extérieur.
b) Structure foeique du texte :_
- «La pensée t�ndvers l'expression comme.vers son achève-.
ment», une pensée non.
formulée n'est qu'une nébule1.1se_.
- C'est pourquoi la pensée n'existe pas e� deb.ors du langage,
elle se forme et progresse par le langage.
Analyse du texte
A.
Explication commentée :
a} I.
«Si là parole présupposait la pensée, si parler c'était
d'abord se joindre.,, par une représentation» : Par ces suppo
sitions («si») Mérleau· Ponty envisage l'hypothèse d'une
pensée qÙi précéderait la parole, cet acte individuel,
momentané 'par lequel un sujet rompt le silence pour
communiquer sa pen_sée, ses idées.
Selon Platon par
exemple, le langage est une éréation hum.aine qui découle
de l'esssence des choses qu'elle représente _:, le nom est
révélateur de l'essence des choses car il leur ressemble.
Ainsi,
l'idée (le signifié) existe avant:le
signifiant.
Créer des mots,
c'est trouver une enveloppe sonore pour une idée déjà là :
« ...
Faire connaître clairement sa propre pensée par expres
sion vocale articulée en verbes et en noms ; ainsi qu'en un
miroir ou dans l'eau, amener son opinion à se réfléchir dans
le courant de l'émission vocale, ne te semble-t-il pas que ce
soit là un discours ?» (Platon, Théétèté 206 d).
2.
Comment comprendre alors que «la pensée tend vers
l'expression comme vers son achèvement» ? On constate
souvent que l'effort que l'on fournit pour trouver une idée
s'accompagne normalement de l'effort pour nous l'exprimer
à nous-mêm_e._.
Il est aisé de ·constater que nos pensées
restent indécisès et instables si nous ne les vérifions pas en
introduisant le langage (ex.·: une formule incomplète que
nous notons rapidement dans la crainte d'oublier l'idée
ne garde pas longtemps le dépôt qui lui est confié).
De
24 J.
»
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