Merleau-Ponty: L'usage qu'un homme fera de son corps est transcendant...
Publié le 17/04/2009
Extrait du document
• Pour Merleau-Ponty, il n'est pas possible de distinguer le naturel du culturel. L'un et l'autre sont étroitement imbriqués. L'homme est un mixte de naturel et de social. • La nature (le biologique) est présente dans les faits humains réputés d'origine sociale (ex. le langage) et inversement le social est à l'oeuvre dans les faits dits naturels (le cri dans la colère). • Tout est simultanément conventionnel et naturel chez l'homme. Les comportements humains ne sauraient donc être expliqués par référence au social non plus qu'au naturel, puisqu'ils sont irréductibles à l'un et à l'autre. • Cette thèse ne remet-elle pas en cause la conception métaphysique classique? L'homme est ancré dans le naturel, mais il le détourne constamment, dans un « échappement « qui est un dépassement et qui fonde sa liberté.
«
Thèse de l'auteur
Toute conduite humaine, quelle qu'elle soit, relève tout à la fois de la nature et de la culture : « Tout est fabriquéet tout est naturel chez l'homme ».
Ainsi, l'expression des sentiments les plus « spontanés » obéit en réalité à uncode qui varie en fonction de la culture considérée.
Réciproquement, les systèmes purement « conventionnels »,comme le langage articulé, dépendent aussi de notre constitution organique.
§ 1.
Étude ordonnée
A quelques différences près de langage, comme «transcendant», «échappement », «génie de l'équivoque» et àl'exclusion de sa conclusion.
ce texte portant sur les notions de nature et de culture pourrait sans doute être signépar tous les anthropologues ou ethnologues.
Sous l'influence de la recherche anglo-saxonne et américaine, le motculture, qui se substitue à celui de civilisation, est employé «pour rassembler, dit Sapir, tous les éléments de la viehumaine qui sont transmis par la société, qu'ils soient matériels ou spirituels».
Le terme embrasse aussi bien lestechniques d'outils ou de machines, les types d'habitation, les arts que les coutumes, les croyances, les règlesmatrimoniales, les échanges, les structures politiques, et tout particulièrement le langage.
Tous les groupementshumains, et eux seuls, ont une culture, dont chaque élément constitue une institution, le mot ne s'appliquant doncpas uniquement aux lois et aux règles juridiques, qui sont en un sens des institutions parmi d'autres, mais à toutesles relations de l'homme et de l'homme avec le milieu se cristallisant dans un modèle durable d'interaction.
Ce qui lescaractérise, c'est que leur transmission de génération en génération ne se fait pas par l'hérédité biologique commepour les instincts de l'animal, mais par héritage social et tradition.L'anthropologie va encore plus loin.
Les fonctions biologiques les plus élémentaires, celles du manger, du boire, durepos, de la reproduction revêtent chez l'homme dans tous les cas un aspect culturel.
C'est ce que Mauss a appeléles techniques du corps, et, pour ne prendre qu'un exemple.
le commensalisme ou coutume de manger en communs'observe, note Malinowski, «chez les plus primitifs comme chez les plus civilisés, en Australie, en Terre de feu ouaux Etats-Unis ».
Il n'est pas jusqu'aux gestes et aux attitudes dont la signification ne varie avec chaque aireculturelle.
«L'impassibilité du visage, dit encore Sapir, est une recherche à New York, c'est la moindre politesse pourun Japonais.
Il faut bien comprendre la relativité du geste et ne pas oublier l'existence des modèles sociaux.»Merleau-Ponty, quant à lui, met plutôt l'accent sur les sentiments et les comportements affectifs qui les expriment,colère, amour, et qu'il rattache, du point de vue culturel, au fait du langage dans lequel on s'accorde à voirl'institution par excellence.
Il a très présente à l'esprit la lecture des anthropologues, reproduisant même à peu prèstextuellement ici les formules de Lévi-Strauss : «La culture n'est ni simplement juxtaposée, ni simplementsuperposée à la vie.
En un sens, elle se substitue à la vie, en un autre, elle l'utilise et la transforme pour réaliser unesynthèse d'ordre nouveau.»
§ 2.
Intérêt philosophique
Le philosophe prend donc à son compte le résultat, considéré par tous les anthropologues comme parfaitementétabli, qu'il n'y a point de comportement humain qui ne soit culturel, c'est-à-dire qui ne porte la marque du milieusocial et qui ne soit, comme il le dit, «fabriqué».
Les préoccupations des anthropologues et celle du philosophe n'ensont pas moins distinctes.
Ce que les premiers cherchent, c'est à expliquer scientifiquement le culturel.
Par exemple,pour Malinowski, il s'agit de montrer que, si dans toutes les sociétés humaines, la tradition se charge de remaniertous les instincts », néanmoins il n'y a pas de rupture entre le naturel et le culturel et que c'est des besoinsbiologiques ou primaires que dérivent toujours les besoins culturels.
Lévi-Strauss, qui conteste que les coutumespuissent toutes être rattachées à des besoins biologiques et qui voit notamment dans les courses de taureaux oules combats de coqs de simples habitudes régionales, cherche par quels critères on peut distinguer le culturel dunaturel.
La culture est toujours diverse parce qu'elle obéit à des règles, elle est relative et particulière.
La nature,elle, est toujours la même.
Par conséquent, «partout où la règle se manifeste, nous savons avec certitude être àl'étage de la culture.
Symétriquement, il est aisé de reconnaître dans l'universel le critère de la nature» A défautd'une analyse permettant de dissocier directement le naturel et le culturel, on pourra, sur la base de ces critères,construire une analyse idéale, ou modèle, grâce à laquelle on pourra dans une certaine mesure les distinguer.On pourrait dire que Merleau-Ponty ne garde de l'anthropologie que les faits et que sa réflexion s'oriente pour ainsidire à l'inverse.
Il ne s'agit plus de rechercher ce qui dans l'homme appartient au corps ou relève de la culture, mais,au contraire, de faire apparaître l'indissolubilité du naturel et du culturel comme caractéristique de l'homme.
« Il y adans l'existence humaine, dit-il déjà dans la Phénoménologie de la perception, un principe d'indétermination et il estimpossible de déterminer ce qui nous vient de la nature et ce qui nous vient de la liberté.
» La structurefondamentale de l'existence humaine, c'est le sens qu'elle confère à ce qui n'en avait pas par la reprise d'unesituation de fait.
«Nous appelons transcendance ce mouvement par lequel l'existence reprend à son compte ettransforme une situation de fait.
L'existence n'admet pas en elle-même de pur fait parce qu'elle est mouvement parlequel les faits sont assumés.» Il n'y a pas de biologique pur chez l'homme, même dans la sexualité.
«L'homme est àla fois nécessité et contingence.
» Nécessité, parce que l'être raisonnable est aussi celui qui se tient debout oupossède un pouce opposable aux autres doigts ; la même manière d'exister se manifeste ici et là.
Contingence,parce que cette manière d'exister n'est pas garantie à tout enfant humain et qu'elle doit constamment se refaire enlui.
En d'autres termes, l'homme est un être historique, et non une espèce naturelle.
«Tout ce que nous sommes,nous le sommes sur la base d'une situation de fait que nous faisons être et que nous transposons sans cesse parune sorte d'échappement, qui n'est jamais une liberté inconditionnée.».
»
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