Marx, Capital, Livre III, chap. 48, Éditons sociales, p. 742.
Publié le 20/03/2015
                             
                        
Extrait du document
 
                                Royaume de la nécessité,
royaume de la liberté
« En fait, le royaume de la liberté commence seulement là où l'on cesse de travailler par nécessité et opportunité imposée de l'extérieur ; il se situe donc, par nature, au-delà de la sphère de production matérielle proprement dite. De même que l'homme primitif doit lutter contre la nature pourvoir à ses besoins, se maintenir en vie et se reproduire, l'homme civilisé est forcé, lui aussi, de le faire et de le faire quels que soient la structure de la société et le mode de la production. Avec son développement s'étend également le domaine de la nécessité naturelle, parce que les besoins augmentent ; mais en même temps s'élargissent les forces productives pour les satisfaire. En ce domaine, la seule liberté possible est que l'homme social, les producteurs associés règlent rationnellement leurs échanges avec la nature, qu'ils la contrôlent ensemble au lieu d'être dominés par sa puissance aveugle et qu'ils accomplissent ces échanges en dépensant le minimum de force et dans les conditions les plus dignes, les plus conformes à leur nature humaine. Mais cette activité constituera toujours le royaume de la nécessité. C'est au-delà que commence le développement des forces humaines comme fin en soi, le véritable royaume de la liberté qui ne peut s'épanouir qu'en se fondant sur l'autre royaume, sur l'autre base, celle de la nécessité. «
Marx, Capital, Livre III, chap. 48, Éditons sociales, p. 742.
 
                                «
                                                                                                                            Textes commentés 	43 	
Ce texte  tardif  de Marx 	(Capital 	Livre  III) peut  surprendre  par l'usage  qu'il fait 
d'un  vocabulaire  proche de celui  de Kant  et même  de la théologie  chrétienne.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Le  terme  de royaume  (Reich) ou règne,  est un terme  chrétien  qui désigne  la vie 
éternelle  des élus  sous  l'autorité  de Dieu.
                                                            
                                                                                
                                                                     Le 	
« Royaume 	» 	s'oppose  au 	
« monde 	» qui est le résultat  de la chute,  monde  où l'on  travaille  et gagne  sa vie 	
« à la  sueur  de son  visage 	».
                                                            
                                                                                
                                                                    	Le règne  (ou royaume)  de la liberté  désigne  chez 
Kant  un monde  seulement  intelligible  (dont on ne fait  aucune  expérience 
sensible)  dans lequel  les sujets  moraux  se soumettent  librement à la  loi  morale 
représentée  comme instituée  par Dieu.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
On 	peut,  bien entendu,  exclure qu'un auteur  pour lequel 	la 	religion  est 	
l'« 	opium du 	peuple» 	s'en remette 	à la fin  de son  grand  livre à une  foi 
quelconque  (religieuse révélée ou même  foi de la Raison)  mais il est 
intéressant  de noter  qu'en  usant des métaphores  du royaume  de la liberté  et du 
royaume  de la nécessité,  Marx se place  délibérément  dans la continuité  de ses 
prédécesseurs  philosophes et même  de la prédication  chrétienne.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Marx  affirme  que le royaume  de la liberté  commence  là où  cesse  le travail 
imposé  (et non  l'effort  librement  consenti pour soi-même,  pour développer  son 
corps  ou son  esprit).
                                                            
                                                                                
                                                                     Le travail  est de l'ordre  de la nécessité 	
car 	il est 
impossible  d'y soustraire  l'homme qui, contrairement,  aux animaux  doit 	
« produire sa vie 	» et non  survivre  dans la nature  grâce 	à son instinct.
                                                            
                                                                                
                                                                     Du point 
de  vue  de cette  nécessité  les hommes  sont dans  le même  cas quel  que soit  leur 
degré  de culture  ou de civilisation.
                                                            
                                                                        
                                                                     Le primitif  doit 	
« lutter contre  la nature 
pour  pourvoir  à ses  besoins,  se maintenir  en vie  ou se reproduire 	
».
                                                            
                                                                                
                                                                    	Il lutte 
contre  la nature  et ne  vit  pas  seulement  en elle.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
On 	pourrait  croire que, 
disposant  de peu  de moyens  techniques,  peu organisé  pour le travail  efficace, 
la  lutte  contre  la nature  pour la survie  serait plus âpre  pour  lui que  pour 
l'homme  d'une société  civilisée  (ou 	
développée); 	il n'en  est rien  car plus 
augmentent  les moyens  techniques,  les équipements,  l'organisation  du travail, 
le  capital  accumulé  ( 	
« forces productives 	») 	plus augmentent  les besoins  à 
satisfaire  qui, bien  que nés de l'histoire,  se manifestent  comme nécessités 
naturelles.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
Ce 	qui  apparaîtra  au primitif  comme hors de sa portée  et qu'il  ne 
songera  même pas à entreprendre  deviendra nécessité à vaincre  dès que  les 
moyens  accumulés  permettront  d'envisager une action  efficace.
                                                            
                                                                                
                                                                     La mort  d'un 
enfant,  phénomène  naturel et inévitable  dans un monde,  sera une négligence 
scandaleuse  lorsque le développement  des forces  productives  aura fait 
envisager  la possibilité  de l'empêcher.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
Si 	donc  la 	« production  de la vie 	» 	
prend,  bien entendu,  des formes  différentes  dans des sociétés  différentes  elle 
demeure  comme la nécessité  qui soumet  les hommes  à sa  loi.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Cela  ne rend  pas pour  autant  le travail  et son  organisation  inutile.
                                                            
                                                                                
                                                                    En une 
courte  parenthèse  de 	
«En 	ce 	domaine» 	...
                                                            
                                                                                
                                                                    	jusque 	«nature 	humaine», 	Marx 
démontre  qu'il est une  liberté  (et une  seule)  possible  au sein  du règne  de la.
                                                                                                                    »
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