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Marc Aurèle, Pensées pour moi-même: Lorsque tu es offensé par l'impudence d'un homme...

Publié le 25/11/2012

Extrait du document

« Lorsque tu es offensé par l’impudence[1] d’un homme, demande-toi aussitôt : ’Se peut-il donc qu’il n’y ait pas d’impudents dans le monde ?’ Cela ne se peut pas. Ne réclame donc pas l’impossible, puisque cet homme est l’un de ces impudents qui nécessairement se trouvent dans le monde. Sois prêt à te poser la même question devant un scélérat, un fourbe ou tout autre coupable. En te rappelant en effet qu’il est impossible qu’il n’existe pas des gens de cette sorte, tu deviendras plus indulgent pour chacun d’eux. […]

Sur toutes choses, quand tu te plaindras d'un ingrat et d'un perfide, ne t'en prends qu'à toi-même ; car c'est manifestement ta faute, soit d'avoir cru qu'un homme ainsi disposé te garderait le secret, soit quand tu as fait un plaisir, de ne pas l'avoir fait gratuitement, sans en attendre aucune reconnaissance, et de n'avoir pas recueilli tout de suite le fruit de ton action, dans le moment même de l'action. Car que veux-tu davantage ? N'as-tu pas fait du bien à un homme. Cela ne te suffit-il pas ? Et, quand tu agis selon la nature, demandes-tu d'en être récompensé ? C'est comme si l'œil demandait d'être payé parce qu'il voit, et les pieds parce qu'ils marchent. Car, comme ces membres sont faits pour cela, et qu'en remplissant leurs fonctions ils ont tout ce qui leur est propre, de même l'homme est né pour faire du bien, et toutes les fois qu'il est dans cet exercice ou qu'il fait quelque chose d'utile à la société, il accomplit les conditions sous lesquelles il est au monde, et il a ce qu'il lui convient. «

Marc Aurèle, Pensées pour moi-même


[1] D’une audace effrontée, choquant

Quelle conduite doit-on tenir face à l’homme méchant, face au mal ? Comment l’homme de bien, le sage ou encore le philosophe doit-il se comporter devant les perfides, les ingrats ? Il est donc essentiellement question de notre attitude face aux autres. La thèse marc-aurélienne consiste à soutenir que nous ne pouvons et nous ne devons pas chercher à rectifier le comportement injuste des hommes parce que nous ne pouvons pas les élever vers le bien. Nous ne pouvons que tenter de comprendre pourquoi l’homme se détourne du bien au risque de se faire du mal en commettant le mal.

 

La forme de sa pensée se présente sous la forme d’une brève réflexion qui s’adresse à un interlocuteur. Il ne propose ni une démonstration, ni un essai polémique. Ce passage est un ensemble de préceptes moraux, que délivre Marc Aurèle. Aussi il ne faut rechercher de structure démonstrative rigide. Marc Aurèle donne des conseils pragmatiques sans donner les clefs philosophiques pour expliquer ses propos. Cette rhétorique non démonstrative est une exhortation adressée à l’autre de telle sorte qu’on se sente interpellé par le jeu du tutoiement par le biais de l’émotion. 

« de l'homme à l'égard de sa nature.

À la fin du passage : Marc Aurèle explique que le contentement final de l'homme se trouve dans la réalisation de sa nature.

C'est la définition même du bonheur qu'il nous expose là.

Mais sa thèse est surprenante, car il dit que l'homme est fait pour faire le bien tout en montrant qu’il existe des hommes mauvais.

Comment l’homme dont la nature est de persévérer dans son être peut -il se détourner du bien, de son propre bien ? C'est la conclusion de sa morale, et cela veut donc dire que toute action mauvaise n'est qu'une forme d'aliénation.

Quel est le lien entre ce cas de figur e morale, et la philosophie stoïcienne ? Une lecture transversale du texte s’attache à une phrase phare et centrale pour comprendre toute l’importance de la temporalité au sein de cette morale : « recueillir le fruit de l'action, dans le moment même de l'a ction ».

Marc Aurèle à travers cette thèse phrase condense toute la portée de sa morale : lorsque vous faîtes une bonne action, que vous faîtes le bien, vous ne devez pas attendre en échange le moindre remerciement, la moindre récompense.

Davantage encore, c'est le fait de faire le bien qui vous procure le plus grand plaisir, et qui est votre véritable récompense.

Car le bien est ce qui nous fait du bien .

Ce qui est intéressant dans cette formulation, c'est que Marc Aurèle n'hésite pas à prendre à contre- pied toute la morale populaire, celle qui refuse que nos actes soient gratuits.

Pour les Stoïciens, dont Marc Aurèle se sent proche en apportant des considérations épicuriennes , la morale qui indique que nous devons attendre de la reconnaissance de nos actes bons se trompe : la véritable récompense se trouve dans l'acte même, mais il faut faire un effort de réflexion pour s'en rendre compte.

Il faut recueillir le fruit de l'action, c'est donc un acte conscient.

En clair , il faut cultiver notre désintéressement, car ce n'est pas naturel chez l'homme.

Faut-il conclure qu'il est vain de reprocher à un homme sa mauvaise conduite ? Marc Aurèle tient une position assez déstabilisante : il dit textuellement qu'il ne faut pas en vouloir à une personne ingrate, qui ne nous rend pas ce qu'elle nous doit.

Au contraire, c'est à nous que nous devons adresser nos reproches, parce que ce n'est pas bien d'attendre quelque récompense que ce soit d'un acte bon ? Qu'est ce que cela veut dire ? Le contresens à ne pas faire serait de dire que les méchants ont raison contre les justes : Marc Aurèle ne dit pas qu'il vaut mieux commettre une injustice, plutôt que de la subir.

Il ne dit pas non plus que la malhonnêteté ne doive pas être punie, et que c'est naturel d'abuser les autres ; ce n'est pas une philosophie laxiste, qui nie toute sociabilité en oubliant les règles de la vie en communauté.

L’indulgence que requiert le Stoïcien n’est ni l’impunité ni le pardon.

Elle n’est pas d avantage la marque de faiblesse, de l’aveuglement, elle est l’expression de la vertu, de la force de caractère dont le nerf est le détachement.

Mais est -il suffisant d’agir avec pureté en vue de la paix de l’âme pour faire face aux impudents ? Nous trouvons là une des thèses centrales de Marc Aurèle.

Face au comportement vicieux d’autrui, il faut trouver refuge dans l’apathie, c’est -à -dire la constante nécessité de lutter contre les passions qui nous envahissent en nous dérobant l’ataraxie, la paix de l’âme.

L’indulgence est ce qui nous préserve de t e ndances à la pitié, à la générosité qui pourrai ent nous nuire.

Elle est l’attitude qui consiste à éviter de subir des passions expressément liées à la présence d’autrui, e t de son comport em ent nuisible.

Comment agir ou plus e xactem ent réagir devant la postur e négative que l’autre adop te à notr e égard ? Il faut dépassionner nos rapports av ec les autres.

Si l’on doit reconnaître la faibless e d’autrui, cett e r e connaissance consiste dans une c ertain e mesur e à la sollici tude, mais jamais sur le mode du de la réponse passionne lle.

La prése nce de l’autre en sa malignité e st pour le sage une épreuve qu’il doit surmont er pour aguerrir sa vertu.

Aussi, l’apathie est -elle le trait caractéris tique ess entielle de l’homme ser ein.

Dès lors on compr end mieux quelle est l’attitud e que nous devons tenir fac e au mal : le mal en soi n’est pas p lus d’ailleurs que le bi en.

Le paradoxe ve ut qui nous soyons à nous -m êmes la se ule cause de notre propr e malheur.

Nous sommes face à nous -m êmes quand on est confronté au mal, lor sque nous réagissons par passion face à l’autre.

Ainsi face à la faiblesse des homm es, le sage st oïcien doit se r e nforcer.

Si autrui me fait du mal c’e st tout simplement la manif estation de la faibless e qui me ronge.. »

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