Malebranche: Lorsqu’on est riche et puissant
Publié le 04/01/2020
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Lorsqu’on est riche et puissant, on n’en est pas plus aimable, si pour cela on n’en devient pas meilleur à l’égard des autres par ses libéralités, et par la protection dont on les couvre. Car rien n’est bon, rien n’est aimé comme tel, que ce qui fait du bien, que ce qui rend heureux. Encore ne sais-je si on aime véritablement les riches libéraux, et les puissants protecteurs. Car enfin ce n’est point ordinairement aux riches qu’on fait la cour, c’est à leurs richesses. Ce n’est point les grands qu’on estime, c’est leur grandeur ; ou plutôt c’est sa propre gloire qu’on recherche, c’est son appui, son repos, ses plaisirs. Les ivrognes n’aiment point le vin, mais le plaisir de s’enivrer. Cela est clair : car s’il arrive que le vin leur paraisse amer, ou les dégoûte, ils n’en veulent plus. Dès qu’un débauché a contenté sa passion, il n’a plus que de l’horreur pour l’objet qui l’a excité ; et s’il continue de l’aimer, c’est que sa passion vit encore. Tout cela, c’est que les biens périssables ne peuvent servir de lien pour unir étroitement les cœurs. On ne peut former des amitiés durables sur des biens passagers, par des passions qui dépendent d’une chose aussi inconstante que la circulation des humeurs et du sang ; ce n’est que par une mutuelle possession du bien commun, la Raison. Il n’y a que ce bien universel et inépuisable, par la jouissance duquel on fasse des amitiés constantes et paisibles. Il n’y a que ce bien qu’on puisse posséder sans envie, et communiquer sans se faire tort.
Malebranche
peut en recueillir les effets, ou y participer à sa façon : « c’est sa propre gloire qu’on recherche ». Etre protégé par un puissant, c’est être en contact avec la puissance, se sentir soi-même plus puissant qu’en l’absence de cette protection. La « reconnaissance » qui lie le bénéficiaire au bienfaiteur n’est rien d’autre, dans ces conditions, que l’envers de l’intérêt égoïste du bénéficiaire, qui se soucie en priorité de son propre bonheur, de « son repos » et de « ses plaisirs ».
[II. Insuffisance des biens périssables]
Toute relation sociale fondée sur de telles déterminations risque donc d’être trompeuse : ce qui s’y affiche officiellement comme « amitié » ou « reconnaissance » n’est rien de plus que l’écho ou la transposition de l’intérêt « bien compris » qui, comme dit le proverbe, « commence par soi-même ». Il y a dans de telles relations une bonne part d’hypocrisie.
Cette ambiguïté est confirmée par l’analyse des passions ordinaires. Ce que l’on y poursuit, c’est moins un objet apparent que le plaisir du sujet passionné lui-même. Par exemple, un ivrogne aime, non le vin en lui-même, mais le plaisir de s’enivrer ;
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