MALEBRANCHE et la toute-puissance de Dieu
Publié le 22/02/2012
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un domaine de la philosophie cartésienne où elles ne se trouvaient pas à savoir celui des rapports de l'âme et ducorps.
Descartes avait posé ce problème des termes qui rendaient la solution bien difficile.
Si l'âme et le corps sontdeux substances radicalement opposées l'âme étant pure pensée, le corps simplement de l'étendue et dumouvement, extériorité radicale, partes extra partes, comment les deux substances pourraient-elles agir l'une surl'autre ? Comment un morceau d'étendue pourrait-il influencer la pure intériorité de mon cogito ? Et comment mapensée peut-elle mouvoir mon corps (je décide de lever le bras et je lève le bras) mystère d'autant plus prodigieux,ajoute Malebranche que j'ignore totalement toute la machinerie neuromusculaire si complexe qui entre en jeu lorsqueje fais le moindre mouvement ! Anti-cartésien parce qu'ultra cartésien Malebranche conclut hardiment : Puisqu'il n'ya pas d'idée plus obscure et plus confuse que cette soi-disant action de mon âme sur mon corps et de mon corpssur mon âme, eh bien, il nous faut admettre que l'âme n'est pas la cause des mouvements de mon corps, ni moncorps la cause des modifications de mon âme.
C'est Dieu et Dieu seul qui modifie mon âme à l'occasion desmouvements de mon corps, c'est Dieu et Dieu seul qui fait mouvoir mon corps à l'occasion des modifications de monâme !
Mais quoi! disent les adversaires de Malebranche.
Supposons que j'éprouve un vif attrait pour la femme de monmeilleur ami.
Est-ce Dieu qui à l'occasion de mon désir va accomplir l'adultère ? ? Si Dieu fait tout, il est doncl'auteur du péché !Voici la réponse de Malebranche.
Assurément c'est Dieu qui a déposé en moi l'élan invincible qui me pousse vers lebonheur parfait, vers le souverain Bien.
Mais ce bonheur parfait je ne le trouverai qu'en Dieu même.
Dans la querelledu quiétisme Malebranche prend parti contre les partisans de l'amour désintéressé qui soutiennent que l'amourvéritable de Dieu exclut l'amour de soi.
En fait, les deux se confondent puisqu'il me faut trouver Dieu, pout êtrevraiment heureux, pour m'accomplir pleinement ; Dieu ne me demande pas de me haïr moi-même mais par un amourlégitime de moi-même « lorsque j'en use bien, au lieu de me plaire à moi-même comme le sage des stoïciens, je necherche que Lui, je ne tends qu'à Lui ».
Ainsi comme l'avaient déjà vu saint Augustin et saint Thomas, devant lesbiens médiocres de ce monde, « j'ai du mouvement pour aller plus loin » je suis libre de dépasser les tentationsméprisables pour chercher un bonheur plus substantiel.
Voilà la source de la liberté, voilà aussi la possibilité depécher.
Car je peux fixer sur un objet fini ce désir de bonheur que Dieu a mis en moi et que seul il peut assouvir.
Jepeux laisser s'enliser dans des biens finis et des amours sordides ce désir d'un bonheur absolu et d'un amour parfaitqui me possède.
Tandis que la vertu remet chaque chose à sa place dans « l'ordre des perfections», proportionnel'intensité de notre amour à la valeur réelle des créatures, le péché sacrifie à des biens médiocres de plus grandsbiens.
C'est un dérèglement qui trahit l'ordre immuable ; le pécheur pourtant, formellement coupable de sonintention, n'agit pas réellement, n'agit pas physiquement puisque son péché consiste bien plus à ne pas faire qu'àfaire, à arrêter l'élan d'amour sur un objet indigne.
Dieu seul agit et le pécheur n'agit plus, ne consent plus à l'élandivin.
Le « non » du péché n'est pas — physiquement — une action.
Le péché est un néant, un défaut d'amour.
Admettons que Dieu soit innocent du péché.
Il reste le mal physique, il reste les tremblements de terre, lesinondations et les maladies.
Comment un Dieu bon peut-il admettre tout cela ? La vérité est que Dieu, selonMalebranche veut tout à la fois la perfection de son œuvre et la perfection de sa méthode — qui réside dansl'élégante simplicité de ses Voies.
Dieu qui vise plus sa propre gloire que notre commodité ne saurait sacrifierl'élégance de sa méthode à la perfection de son œuvre.
Il agit donc par volontés générales et les accidents de sacréation sont la conséquence inéluctable de la généralité des voies.
La pluie est une excellente chose pour fairepousser les plantes, maintenir le débit des fleuves, etc.
et Dieu en règle les chutes par d'admirables loismétéorologiques.
Cependant, sans même parler des inondations, ceci ne va pas sans inconvénients.
Pourquoi pleut-il
— pour parler comme Homère — sur l'étendue stérile de la mer sans moissons ? Et pourquoi pleut-il dans les rues —ce qui risque de me donner une pneumonie (à cause des lois physiologiques ) et de vouer mes enfants à la tristecondition des orphelins ? C'est une conséquence des lois générales.
Ainsi, dit Malebranche (l'exemple est de lui) j'aide mon côté le droit de prendre un parapluie, de me couvrir chaudement, de faire en bon cartésien progressertoutes les techniques sans offenser le moins du monde la divine providence.
Il reste à se demander comment un théologien aussi hardiment rationaliste s'accommode du contenu de la foi.
Lesvérités de la foi ne s'enchaînent pas comme des théorèmes mathématiques.
Dans ce domaine la contingence etl'histoire
— (notions exclues de la rationalité mathématique) reprennent la place première.
Dans Vordre des vérités révélées chaque « proposition » ne dépend pas logiquement de la précédente.
La création— puis la chute — puis la rédemption sont des actes libres qui se succèdent dans le temps.
Qu'en pense le R.
P.Malebranche ?
Influencé par Descartes on pourrait croire que Malebranche se contente de distinguer radicalement les deuxdomaines: dans le domaine de la foi c'est l'autorité de la révélation qui triomphe,dans le domaine de la philosophiec'est la puissance de la raison.
Toutefois Malebranche a une trop grande confiance dans la Raison pour s'en tenir là « c'est, dit-il la même sagessequi parle immédiatement par elle-même à ceux qui découvrent la vérité dans l'évidence des raisonnements et quiparle par les Saintes Écritures à ceux qui en prennent bien le sens ».
Ainsi Malebranche se servira-t-il de laRévélation pour rendre compte de certains faits d'expérience en eux-mêmes peu intelligibles.
Par exemple commentse peut-il que l'esprit en soi plus estimable que le corps puisse être assujetti au corps au point d'en avoir toutes ses.
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