MACHIAVEL: Le Prince face à la Fortune et la Vertu
Publié le 31/03/2005
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Cet extrait du Prince (début du chapitre XXV), ouvrage publié à Florence en 1513, expose une idée centrale de Machiavel, idée qui éclaire l'ensemble de sa pensée. Deux concepts essentiels doivent d'abord être compris : — La fortune, comme le contexte suffit à le montrer, c'est le hasard, heureux ou malheureux, les circonstances imprévisibles, aveugles. Considérée comme une force inflexible devant laquelle l'opinion s'incline, la fortune est identifiée au Fatum, au destin. Mais la vertu de l'homme parvient à en limiter les effets ; elle n'est donc pas la fatalité qu'on croyait. — La vertu, dont il est question à la fin du texte, traduit l'italien virtu. Ce mot n'a pas du tout le sens moral de la vertu vertueuse ; il contient l'idée d'une force, d'une énergie, d'une résolution, d'un talent qui permettent d'acquérir une relative autonomie (cf. « libre arbitre «) face aux événements. Machiavel cherche à dégager les lois qui ont permis à certains hommes, animés d'une certaine « vertu «, de conquérir et de conserver le pouvoir dans des circonstances (une « fortune «) particulières. Le « machiavélisme «, cette politique qui privilégie exclusivement l'efficacité et ne considère pas la valeur morale des moyens, n'est donc qu'un aspect limité de la pensée de Machiavel ; il n'a de sens que pour expliquer l'étonnante réussite de certains hommes politiques, qui sont parvenus à fonder une principauté dans des circonstances difficiles. Machiavel pense d'abord à l'Italie déchirée de son siècle; il espère qu'un « rédempteur «, un grand homme, à la vertu adaptée aux caractères de la fortune de l'époque, délivrera son pays des « barbares «, c'est-à-dire instaurera un État stable, où les questions morales pourront enfin être abordées.
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éléments d'explication
Cet extrait du Prince (début du chapitre XXV), ouvrage publié à Florence en 1513, expose une idée centrale deMachiavel, idée qui éclaire l'ensemble de sa pensée.Deux concepts essentiels doivent d'abord être compris : — La fortune, comme le contexte suffit à le montrer, c'estle hasard, heureux ou malheureux, les circonstances imprévisibles, aveugles.
Considérée comme une force inflexibledevant laquelle l'opinion s'incline, la fortune est identifiée au Fatum, au destin.
Mais la vertu de l'homme parvient àen limiter les effets ; elle n'est donc pas la fatalité qu'on croyait.— La vertu, dont il est question à la fin du texte, traduit l'italien virtu.
Ce mot n'a pas du tout le sens moral de lavertu vertueuse ; il contient l'idée d'une force, d'une énergie, d'une résolution, d'un talent qui permettent d'acquérirune relative autonomie (cf.
« libre arbitre ») face aux événements.
Machiavel cherche à dégager les lois qui ontpermis à certains hommes, animés d'une certaine « vertu », de conquérir et de conserver le pouvoir dans descirconstances (une « fortune ») particulières.
Le « machiavélisme », cette politique qui privilégie exclusivementl'efficacité et ne considère pas la valeur morale des moyens, n'est donc qu'un aspect limité de la pensée deMachiavel ; il n'a de sens que pour expliquer l'étonnante réussite de certains hommes politiques, qui sont parvenus àfonder une principauté dans des circonstances difficiles.
Machiavel pense d'abord à l'Italie déchirée de son siècle; ilespère qu'un « rédempteur », un grand homme, à la vertu adaptée aux caractères de la fortune de l'époque,délivrera son pays des « barbares », c'est-à-dire instaurera un État stable, où les questions morales pourront enfinêtre abordées.
C'est au chapitre 25 du « Prince » : « Ce que la fortune peut dans les choses humaines et comment on peut lui résister », que l'on retrouve la formule : « il est meilleur d'être impétueux que circonspect, car la fortune est femme, et il est nécessaire à qui veut la soumettre de la battre et la rudoyer ».
Machiavel utilise le terme fortune dans son sens traditionnel de puissance aveugle, régie par le hasard, qui dispose du cours du monde et de la vie des hommes.
Il s'agit donc de s'interroger sur ce que peut l'homme et plusprécisément l'homme politique confronté à la prétendue fortune.
Le chapitre 25 débute de la sorte : « Je n'ignore pas que beaucoup ont été et sont dans l'opinion que les choses du monde soient de telle sorte gouvernées par la fortune et par les dieux, que les hommes avec leur sagessene puissent les corriger (…) Cette opinion a été plus en crédit de notre temps à cause des grands changementsqu'on a vus et voit chaque jour dans les choses, en dehors de toute conjecture humaine. »
Cette opinion commune, alimentée par les malheurs du temps, l'instabilité politique propre à l'Italie de laRenaissance, amène à une sorte de désespoir.
L'action humaine serait vaine et réduite à l'impuissance face à laProvidence et à ses desseins impénétrables (la Providence répond à cette idée que le cours de l'histoire est régi parla volonté divine) ou encore face à la puissance aveugle et hasardeuse de la fortune.
Or cette conception ruineraittoute tentative machiavélienne et plus radicalement tout essai de penser l'action politique et ses conditions.
Ce chapitre s'inscrit donc au cœur de deux préoccupations propres à Machiavel .
D'une part il s'agit comme dans tout le « Prince » de proposer les conditions d'une action politique efficace, et d'une stabilité politique qui faitcruellement défaut à l'Italie.
D'autre part, Machiavel balaye toute différence entre histoire sacrée et histoire profane : ainsi comme il avait précédemment éliminé toute différence essentielle entre un législateur sacré commeMoise et un législateur profane, comme Thèsée ou Lycurgue , Machiavel place-t-il ici la Providence et la Fortune sur le même plan.
La formule ici éclaire le double projet de Machiavel dans notre passage.
Il s'agit tout d'abord de récuser la notion de hasard pour restaurer les droits de l'action politique efficace.
Ainsi lit-onque l'on peut soumettre la fortune, qui n'est donc qu'une puissance imaginaire.
Elle n'est pas une puissanceimpossible à maîtriser qui s'imposerait à nous malgré nos actes et nos volontés, un destin, mais quelque chose quenous pouvons diriger.
Mais d'autre part, l'idée de l'audace nécessaire à l'action politique, les notions de lutte et de violence tendent àmontrer qu'il n'y a pas de modèle précis de l'action politique, que celle-ci contient toujours une part irréductibled'aventure, de risque.
Aussi Machiavel se bat-il sur deux fronts ; : contre l'idée irrationnelle de fortune ou de destin qui pousse au désespoir et contre l'illusion inverse d'une possibilité de totale maîtrise de l'action.
Pour remplir son premier objectif, Machiavel compare la fortune aux fleuves en crue « qui, lorsqu'ils se courroucent, inondent les plaines, renversent les arbres et les édifices […] chacun fuit devant eux, tout le monde cède à leurfureur ».
La métaphore rend bien compte de l'idée d'une force naturelle déchaînée et irrésistible, devant laquelle il est vain de lutter.
Mais : « il n'en reste pas moins que les hommes, quand les temps sont calmes, y peuvent pourvoir par digues et par levées. »
Autrement dit l'idée de fortune n'est qu'une illusion résultant de l'imprévoyance des hommes.
De même qu'on ne peutprévoir le moment et la force de la crue, mais qu'on sait qu'elle peut avoir lieu et donc prévoir et aménager l'avenirpour rendre cette crue inoffensive, de même les risques politiques sont prévisibles et aménageables..
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