Machiavel: Le Prince et la Vertu
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
«
l'excellence morale du prince, ce que l'on appelle sa vertu.
Dès l'abord, Machiavel s'écarte de cette tradition en s'yopposant : « il n'est pas nécessaire à un prince d'avoir toutes les bonnes qualités dont j'ai fait l'énumération, mais illui est indispensable de paraître les avoir ».
Nous sommes là face à un paradoxe : la nécessité réside dansl'apparence et non dans la réalité.
On peut se passer en réalité de ce dont on ne peut se passer dans l'apparence.Ainsi un prince n'est pas nécessairement pieux, il peut même être impie en son âme, mais il doit nécessairement separer de tous les signes de la piété; En effet le pouvoir du prince réside pour une part dans la bonne opinion qu'ontde lui les grands et le peuple.
Par conséquent, ce qui importe c'est l'apparence des qualités destinée à tromper lepeuple, et non leur réalité effective.
_ L'usage des qualités réels peut parfois engendrer des maux tandis que la possession apparente des qualitésn'engendre que des biens : « j'oserai même dire qu'il est quelquefois dangereux d'en faire usage quoique il soittoujours utile de paraître les posséder ».
En effet le prince ne peut utiliser toujours ses qualités réelles au risque dese détruire lui-même.
Comme Machiavel l'explique au chapitre XV du Prince « un homme qui en toute occasion voudrait faire profession d'homme de bien, il ne peut éviter d'être détruit parmi tant de gens qui ne sont pas bons »;Si les hommes sont méchants, le Prince ne peut sans cesse être bon sinon il sera renversé : par exemple c'estl'objet du chapitre XVIII, il ne peut tenir ses promesses lorsque les circonstances font qu'il n'y trouve plusd'avantage.
Ainsi s'il est « quelquefois » dangereux d'en faire usage, les qualités apparentes n'ayant aucun impactréel sur l'action sont « toujours » utiles dans la mesure où elles contribuent à accroître la faveur du peuple.
_ La réputation est l'objectif le plus important du prince : « un prince doit s'efforcer de se faire une réputation debonté, de clémence, de piété, de loyauté et de justice ».
La réputation, c'est ce que l'on dit de lui et qui constitueson image auprès du peuple.
Mais il convient ici de nuancer l'opposition à l'humanisme classique : si la réputation estle plus important et peut se passer de fondement réel, il est néanmoins meilleur aux yeux de machiavel que le Princepossède vraiment ces qualités : « il doit d'ailleurs avoir toutes ces bonnes qualités ».
Ainsi il y a une double solutionà notre problème : s'il ne possède pas ces qualités, il doit faire comme s'il les possédait, et s'il les possède, il ne doitpas se laisser emporter par elles : « « mais rester assez maître de soi pour en déployer de contraire lorsque cela estexpédient ».
Être maître de soi, c'est pouvoir ne pas se servir de ses bonnes qualités si leur usage va à sondésavantage, et même être capable d'être mauvais.
II Le principe pragmatique : la vertu consiste à faire ce que nous dicte la nécessité des circonstances
_ Agir selon la morale ordinaire est adéquat à l'homme moyen qui n'a à s'occuper que de sa vie et de celle de sesproches.
Par opposition un Prince n'est pas un homme ordinaire dans la mesure où l'objet de ses soins est lemaintien de l'Etat.
Aussi dans la mesure où son but est différent de l'homme moyen, il ne peut suivre à la lettre lamorale : « je pose en fait qu'un prince surtout un prince nouveau, ne peut exercer immodérément toutes les vertusde l'homme moyen ».
Un prince nouveau est un prince à qui le pouvoir est échu par les armes ou par la fortune;aussi comme son règne ne jouit pas d'une continuité véritable, il doit souvent le fonder par la violence.
Ainsi unprince nouveau qui voudrait exercer à la lettre les vertus de l'homme moyen courrait le risque d'être détruit.
Parconséquent pour ne subir cette destruction, il doit se soustraire à la morale commune : « l'intérêt de saconservation l'oblige souvent à violer les lois de l'humanité, de la charité, de la loyauté et de la religion ».
_ Le Prince n'est pas autorisé par son propre caprice à se soustraire à la morale commune, mais c'est son but quilégitime ses écarts.
On peut ainsi se référer au chapitre VII du Prince où machiavel rapporte la réussite de César Borgia.
Après avoir conquis la Romagne, ce dernier emploie un homme expéditif et cruel afin de pacifier la région,brisée par la guerre civile : Remirro d'Orca ramène l'ordre par de nombreuses cruautés et quoique il n'est agit que surl'ordre de César Borgia, ce dernier le fait ensuite couper en deux en place publique afin de satisfaire la haine de lapopulation « pour purger les esprits« , en la polarisant sur son lieutenant.
Dans cet exemple, le Prince se rendcoupable de cruauté pui de traîtrise en vue de ramener l'ordre.
C'est la raison pour laquelle le principe de ses actionsest déterminé par les circonstances : « il doit se plier aisément aux différentes circonstances dans lesquelles ilpourrait se trouver ».
Ainsi César Borgia, une fois l'ordre revenu, ne poursuit pas ses cruautés, mais institue aucontraire des tribunaux civils.
_ Le grand principe pragmatique de ce chapitre est : « il doit savoir persévérer dans le bien lorsqu'il n'y trouveaucun inconvénient et s'en détourner lorsque les circonstances l'exigent.
».
La révolution machiavélienne enphilosophie politique pourrait se résumer dans cette formule qui renverse le principe humaniste.
Machiavel etl'humanisme classique s'accordent sur l'objectif du pouvoir princier : tout prince doit avoir pour but de conserver sonEtat et de se couvrir de gloire, mais ils diffèrent sur le moyen : dans un monde hostile, le prince doit protéger sesintérêts et se livrer à des actes que la morale commune réprouve.
Nous sommes alors confrontés à ce paradoxe : siun prince veut réaliser son injectif le plus élevé, il va devoir réaliser qu'il n'est pas toujours raisonnable de seconformer aux règles morales.
Un prince avisé sera guidé par ce que lui dicte la nécessité.
On arrive alors à uneredéfinition de la vertu : la vertu n'est plus la possession des qualités réelles en vue de l'excellence morale, maiscomme la détermination du prince à accomplir ce que lui dicte la nécessité, que l'action qui en résulte confirme ouaffirme la morale commune, et cela afin de maintenir l'Etat..
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