Machiavel, Le Prince, chap. XVIII. Commentaire
Publié le 09/03/2014
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MACHIAVEL: « Il n'est pas bien nécessaire qu’un prince possède toutes les bonnes qualités, mais il l’est qu’il paraisse les avoir. J'ose même dire que, s’il les avait effectivement, et s’il les montrait toujours dans sa conduite, elles pourraient lui nuire, au lieu qu’il lui est toujours utile d’en avoir l’apparence. Il lui est toujours bon, par exemple, de paraître clément, fidèle, humain, religieux, sincère [...]. On doit bien comprendre qu’un prince, et surtout un prince nouveau, [...] est souvent obligé, pour maintenir l’État, d’agir contre l’humanité, contre la charité, contre la religion même. Il faut donc qu’il ait l’esprit assez flexible pour se tourner à toutes choses, selon que le vent et les accidents de la fortune le commandent ; il faut que, tant qu’il le peut, il ne s’écarte pas de la voie du bien, mais qu’au besoin il sache entrer dans celle du mal. [...] Au surplus, dans les actions des hommes et surtout des princes, qui ne peuvent être scrutées devant un tribunal, ce que l’on considère c’est le résultat. Que le prince songe donc uniquement à conserver sa vie et son État ; s’il y réussit, tous les moyens qu’il aura pris seront jugés honorables et loués par tout le monde ; le vulgaire est toujours séduit par l’apparence et par l’événement ; et le vulgaire ne fait-il pas le monde ? «
Machiavel, Le Prince, chap. XVIII.
Quelles sont les vertus que doit posséder le prince, c’est-à-dire le gouvernant ou encore le chef d’État pour accéder au pouvoir et le conserver ? Machiavel entre rupture avec l’idéal politique de la pensée grecque, celle du philosophe-roi parce qu’elle ne tient pas compte de la situation historique et de l’anthropologie. Dès lors le Bien, le Juste, la Vérité s’ils sont louables ne sont pas efficaces pour gouverner un peuple. Car non seulement le prince est confronté aux ambitieux mais aussi et surtout à la nature humaine. Pour Machiavel, l’homme est méchant, cette méchanceté se traduit par les passions, les désirs inassouvis. Il faut donc maîtriser cette nature ou à défaut jouer de cette nature humaine. Mais pour dominer encore faut-il se dominer. Pour ce faire, le prince ne dispose que de deux instruments de pouvoir : la loi et la force. C’est que l’homme est à mi-chemin entre l’homme et la bête. En tant qu’homme il légifère et se plie volontiers à la loi pour autant qu’il la croit juste ; en tant que bête, il ne connaît et reconnaît que la puissance. Le champ social est un champ de forces régi par les principes de domination et de soumission et l’État n’est que le lieu, l’enjeu de la puissance politique.
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Quelles sont les vertus que doit posséder le prince, c’est -à -dire le gouvernant ou encore le chef
d’État pour accéder au pouvoir et le conserver ? Mach iavel entre rupture avec l’idéal politique de la
pensée grecque, celle du philosophe -roi parce qu’elle ne tient pas compte de la situation historique et de
l’anthr opologie.
Dès lors le Bien, le Juste, la V érité s’ils sont louables ne sont pas efficaces pour
gou verner un peuple.
Car non seulement le prince est confronté aux ambitieux mais aussi et surtout à la
nature humaine.
Pour Machiavel , l’homme est méchant, cette méchanceté se traduit par les passions, les
désirs inassouvis .
Il faut donc maîtrise r cette nature ou à défaut jouer de cette nature humaine .
Mais pour
dominer encore faut -il se dominer.
Pour ce faire, le prince ne dispose que de deux instruments de pouvoir :
la loi et la force.
C’est que l’homme est à mi- chemin entre l’homme et la bête.
En tant qu’ho mme il
légifère et se plie volontiers à la loi p our autant qu’il la croit juste ; en tant que bête, il ne connaît et
reconnaît que la puissance.
Le champ social est un champ de forces régi par les principes de domination et
de soumission et l’État n’est qu e le lieu, l’enjeu de la puissance politique .
Il existe un conflit
insurmontable entre le peuple qui refuse la soumission et le pouvoir du prince qui cherche à s’imposer.
Mais étrangement machiavel pense que cet antagonisme est nécessaire car il anime et l e pouvoir du prince
qui reste éveiller et assure la dynamique du peuple.
La force est tout à la fois l’essence et ce qui assure la
permanence de l’État.
Machiavel ne désespère pas, il se montre réaliste : si la loi n’est pa s suffisamment
forte pour s’impos er d’elle-même, il faut avoir recours à la violence politique.
Si le citoyen est homme et
bête, il convient d’user des armes de l’homme la loi et/ou des armes de la bête — la ruse et la violence.
À
l’encontre de ses prédécesseurs , il ne retient pas la cassure entre le droit et le fait, entre la justice et la
force.
Il est proche de Calliclé s : le droit n’est que l’expression du plus fort.
La loi n’est rien d’autre
qu’une puissance légale et par ce fait même légitime.
Il n’a donc pas lieu d’opposer la loi à la force.
La loi
n’est autre que force sous peine de n’être une règle futile.
La fracture entre loi et force reprend la
distinction entre l’état de nature et l’état social.
Et Machiavel d’adosser l’état de culture à l’état naturel.
C’est dire que le princ e doit agir en homme et en bête.
Mais le plus souvent au regard de la situation, il
doit se comporter en bête.
Ce qui n’est pas le fait du gouvernant, tout tient à la tournure des événements.
À moitié -homme, à moitié -bête, il doit détenir et le pouvoir et la ruse.
Ce qui expl ique que le prince doit
se faire renard et lion.
Renard pour dévouer les piè ges du pouvoir, notamment ceux tendus par les
puissants, lion en utilisa nt sans scrupule la violence dès lors qu’elle est le moyen de l’efficacité politique,
c’ est -à -dire maintenir le prince au pouvoir en assurant l’or dre politique.
Sans la ruse, il ne pourra anticiper
la duperie ; sans la force il ne pourra lutter contre les loups.
Le prince doit jouer de ces deux qualités en
privilégian t la ruse.
La ruse est pl us efficace que la forcedans la mesure où elle est moins visible .
C’est
pourquoi l’auteur du Prince non sans ironie à l’adres se de la réflexion politique des Anciens préc ise qu’il
doit non tant posséder les qualités requises pour gouverner que de paraître les posséder.
De fait, en
référence à l’histoire, les vertus de clémence, de fidélité, d’humanisme, de religiosité et la sincérité sont
non seulement inutiles mais pernicieuses pour assurer le pouvoir.
Là encore, il détruit l’idée qu’un seul
homme puisse détenir toutes ses qualit és à la fois, mais il va plus loin en soulignant qu’elles nuiraient à
l’exercice du pouvoir.
La clémence n’est -elle pas le signe de la faiblesse ? L a fidélité n’est-elle pas
perverse lorsque la situation politique exige de renoncer à sa parole ? Faire pr euve d’humanité est certes
généreux, mais r isque souvent de se retourner contre elle.
Se montrer pieux n’est -ce pas prendre le risque
de réduire la manouvre politique , de laisser une trop grande puissance à l’É glise ? Enfin, la sincé rité n’est-
ce pas renforcer le pouvoir qu’autrui a sur moi ? Implicitement, on comprend que les vices ne sont pas des
entraves à l’autorité.
Il est des vices la cruauté — qui sont le ressort d’un bon gouvernement.
En
définitive, vertus et vices ne sont pas opératoires pour gouverner.
Le politologue distingue ce que l’on
tient pour louable et de ce qui est de fait.
Or la réalité politique n’est ni morale ni immorale, elle est et le
Prince doit sans cesse ne pas la perdre de vue (Cf.
Chap.
XV).
Derrière cette question des qualités requises
par le prince, on retrouve l’épineuse interrogation de l’éthique de la loyauté : faut-il mentir et si oui en vue
de quoi ? Là encore le florentin opère une distinction entre la théorie et la pratique : en théorie le.
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