MACHIAVEL (1469-1527) Rarement vit-on oeuvre plus secrète que celle de Machiavel : la résonance de ses écrits semble aller de pair avec leur ambiguïté : Discours sur Tite-Live, le Prince.
Publié le 21/10/2012
Extrait du document
«
de Dieu, et que la religion vient couron ner, plus proche de la « constance » des Stoïciens que de l'équilibre intérieur
auquel Montaigne voulut atteindre.
Morale
que Descartes et les jansénistes appré
cieront, mais qui valut à son auteur
d'être accusé d'athéisme.
( H.D.)
SAINT JEAN DE LA CROIX ( 1542-1591) se voua, après ses études littéraires, à
l'œuvre de riforme du Carmel entreprise
par sainte Thérèse d' Avila.
Mais son activité répondait à l'exigence mystique
la plus radicale : en lui, la Foi se sépare de la méditation philosophique avec laquelle elle avait cohabité durant tout le Moyen Age.
Jean de la Croix découvre les voies d'une connaissance au-delà
(ou en-deçà?) de toute rijlexion, de toute perception, d'une quête que nulle découverte ne saurait achever.
L' expé
rience mystique se vide ici de tout contenu,
prend pour objet sa propre forme, devient
expérience -et critique - de l'expé
rience même et de ses conditions,
expérience qui ne s'atteint elle-même
qu'à travers l'acte d'expression, dans et
par
le poème La Montée du Carmel, la Nuit Obscure.
La vérité s'identifie
au chemin abrupt, qui est aussi celui
de la création poétique, par où l'âme
rejoint la nuit première, s'abîme jusqu'à n'être plus que Dieu.
( H.D.)
LIPSE Juste (1547-1606) né dans le Brabant, avait été élève de l' Université de Louvain, après avoir
étudié chez les Jésuites de Cologne.
Il séjourna à Rome (auprès du cardinal de Granvelle), puis en Allemagne, où il abjura le catholicisme.
Lipse enseigna
successivement aux Universités d'Iéna, de Leyde et de Louvain, où il mourut dans
la communion catholique.
On lui doit de nombreuses éditions des auteurs latins
et deux traités : Politicorum sive civilis
doctrime ( 1 589) et De una religio
( 1590) : « Il n y a qu'une secte ...
la secte éclectique ...
compagne de la vérité ».
GUILLAUME DU VAIR ( 1556-1621) présidait le parlement de Provence en 1595; il avait été tour à tour conseiller
au Parlement (1586), garde des Sceaux (1616) et fut nommé évêque de Lisieux en 161 7; il mourut à Tonneins, sur le chemin du siège de Nérac, où il accompagnait Louis XIII qui l'avait
ànobli.
Il est connu par une estimable
traduction du Manuel d'Epictète et ses ouvrages : Traité de la Constance, La Sainte Philosophie, La philoso phie morale des stoïques, ont large
ment influencé Pierre Charron pour son traité : De la sagesse.
BRUNO Giordano (1548-16oo) Jeune moine dominicain, Giordano Bruno
s'échappe très vite pour connaître le monde.
Séduit quelque temps par la Riforme, il se sent loin pourtant du rigorisme genevois, et c'est moins la foi luthérienne qui lui importe qu'une
sorte de communion lyrique avec un Dieu immanent à la grande Nature.
Enthousiaste
de Nicolas de Gues, il sait que le monde n'a plus ni centre ni circoriférence, mais,
pour lutter contre l'ancienne cosmologie, il se fait le héraut du système copernicien, qu'il défend avec fougue, mêlant le sarcasme à la mathématique, dans une langue drue, de saveur napolitaine.
Ce n'est pas en Italie pourtant qu'il trouvera audience.
Protégé par l' ambas
sadeur de France Castelnau, il écrit à
Londres, puis à Zurich, ses œuvres les plus significatives, en italien d'abord,
puis en latin, dialogues sur l'univers
et sur l'amour, et finalement une Somme des termes métaphysiques par la
quelle, disciple de Lulle, il prépare Leibniz.
Revenu imprudemment en Italie, Bruno tombe entre les mains de l'Inquisition;
jeté en prison à quarante-cinq ans, il sera brûlé vif en 16oo, sans avoir pu constituer un véritable « système ».
Mais il se peut que ses suggestions éparses aient plus de sens qu'un bel édifice de concepts.
Au reste, rien n'est tout à fait nouveau dans sa pensée, sinon le style, proprement inimitable.
Les Pytha
goriciens, et surtout les derniers Plato
niciens lui ont fourni le thème de base :
Dieu est l' Unité qui engendre toute
unité.
La formule avait traîné dans
maints écrits médiévaux; mais Bruno est
plus sensible
que personne à la richesse infinie de la source première, au cha
toiement d'un univers tout entier pénétré
d'une force sans limites.
C'est
au cardinal de Gues qu'il emprunte sa conception de la puissance : matière et
forme participent au même dynamisme,
qui est à la fois pouvoir de faire et possi
bilité de devenir.
Mais, tout disciple de Copernic qu'il se veut, le Nolain est bien
plus loin que le Cusain d'une science de type galiléen ou cartésien.
Comme les Platoniciens, il voit dans les astres des âmes vivantes, qui participent, mieux que les nôtres, à l'effusion cosmique du « primo intelletto ».
Le paradoxe est
d'emprunter aux Anciens une vision
qui n'a de sens que pour la cosmologie finitiste de Ptolémée, qui pourrait sans doute s'accorder à une perspective hélio
centrique, mais à condition justement de rénover les vieilleries pythagoriciennes sur le Feu central.
Bruno est trop nourri de cusanisme pour céder à cette tentation;
mais, si les astres ne sont plus ordonnés, dans leur ronde éternelle, autour d'un centre fixe, si leur mouvement ne dépend plus de la rotation parfaitement simple
d'un premier ciel, comment Jaire d'eux
les transmetteurs divins
de l'intelligible? En suggérant quelque part que la terre a moins de prix que l'homme, car elle ressemble à « l'âne qui porte le saint
sacrement », Bruno retrouve pourtant le thème central de l'humanisme cusanien;
et Cassirer lui fait hommage d'une
vision du monde où le vrai centre divin
serait l'homme lui-même.
Il faut con venir qu'elle n'est qu'en germe dans son œuvre, et que les résidus du platonisme
ont très souvent stérilisé les intuitions
d'un moine errant, qui fut en même temps l'un des poètes les plus vigoureux de la Renaissance italienne.
MAURICE DE GANDILLAC
CAMPANELLA Thomas ( 1568-1639) On lit peut-être moins la Cité du soleil que l'Ile d'Utopie, mais le domini
cain calabrais passe communément pour
un esprit chimérique.
Son utopisme
pourtant est plus « moderne » que celui de Thomas More, car, s'il rêva, comme tant d'autres en son temps, d'une unifica
tion religieuse et politique du monde, il
sut ouvrir les yeux sur son siècle et décou vrir ce qui échappait à beaucoup : la promesse d'un progrès fondé sur le travail de l'homme, sur l'avancement des sciences, sur le triomphe de la technique.
Entré très jeune
chez les dominicains, brûlé d'une ardente soif de savoir, il
lutte, avec son maître Telesio, contre l'aristotélisme dominant, mais son vita
lisme biologique, qui accueille des élé ments magiques et réhabilite l'astrologie, fait place pourtant à des observations
plus scientifiques.
Comme le Cusain, il oppose le livre de la Nature aux opinions des doctes et veut que la philosophie « se démontre par les sens ».
Mais, soucieux
d'échapper à un pur « sensualisme », il
prépare Descartes en empruntant à saint
Augustin le primat du Cogito.
Son médium, il est vrai, est moins l'Idée de Dieu que l'existence même d'un
Univers où Campanella retrouve, comme dans l'âme individuelle, l'immanence
d'une Trinité définie comme Puis
sance, Sagesse et Amour.
Rifusant
avec Plotin le dualisme des Gnoses, il découvre jusque dans la matière un
désir de plénitude, qui justifie les aspects optimistes de son œuvre politique.
Aussi bien est-ce par
une entreprise
étrangement prématurée que s'inaugure sa vie publique.
Après dix ans de voyages à travers l'Italie, le dominicain de Stilo, revenu au pays natal, prend
la tête vers 1599 d'une révolte popu
laire, dont les meneurs sont presque
tous
des moines.
Les astres ont parlé,
l'heure est venue de chasser le vice-roi de Naples et d'instaurer l'Eglise évangé
lique.
Les Turcs sont bien de cet avis
et fournissent des armes aux insurgés.
Les «forces de l'ordre » l'emportent et le moine révolutionnaire connaît la longue épreuve des prisons espagnoles.
C'est
là que, vingt-sept ans durant, il compose des poèmes et des sommes philosophiques,
toujours corifiant dans son étoile et fier
d'une mission qui consiste, comme il l'écrit lui-même dans un très beau sonnet, à « déraciner 1 'ignorance ».
Libéré à la mort du roi Philippe III d'Espagne, Campanella s'installe à
Rome et conçoit le grand dessein politique
dont on trouve l'ébauche dans ses Discours aux princes d'Italie.
Impressionné par les conquêtes espagnoles au-delà des océans, le moine calabrais s'imagine que Madrid est destinée à unifier le monde.
Encore faut-il que les rois catholiques
sachent apprécier leurs sujets italiens et
collaborent
avec les papes humanistes.
Espoirs chimériques, naturellement.
A
Rome même, Campanella
se sent suspect;
c'est rifugié en France qu'il écrira sa Cité du soleil, étrange cité théocratique gouvernée par des prêtres philosophes qui seront en même temps médecins et
ingénieurs.
Sur les murs de la ville, de.
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