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Ma conscience de la réalité me donne-t-elle des responsabilités ?

Publié le 21/10/2014

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S'il existe un mot de notre vocabulaire difficile à définir, c'est bien la conscience : faculté indissociable de l'Homme, elle désigne la présence immédiate de la réalité, du monde qui nous entoure, et le fait que nous faisons partie de ce monde. La prise de conscience est donc la représentation de nous-même face à cette réalité. Par conséquent, lorsque j'agis, je suis conscient de mes actions, c'est-à-dire, je suis conscient que ce que je fais aura une incidence sur la réalité. La prise de conscience nous donne donc des responsabilités, ces obligations de répondre de nos actes, d'assumer les conséquences de nos actions, à partir du moment où celles-ci sont réfléchies. Dans le langage courant, être responsable correspond à notre faculté à prendre des décisions raisonnables. Mais alors il semble impossible d'expliquer pourquoi, par exemple, des personnes accusées de crimes se voient parfois déchargées de toute responsabilité, étant donné que ces personnes sont relativement conscientes du monde qui les entoure. Se pose donc la question suivante : ma conscience de la réalité est-elle une condition nécessaire aux responsabilités ou est-elle une condition suffisante ? Nous verrons tout d'abord que si l'Homme est responsable, c'est parce qu'il est doté de cette capacité de réflexion qui lui est propre. Néanmoins, nous verrons que le champ de nos responsabilités ne peut pas s'expliquer par notre seule prise de conscience, autrement dit, notre prise de conscience du monde extérieur possède des limites. C'est pourquoi nous serons amenés à nous interroger sur l'existence d'une autre faculté primordiale à la responsabilité. Ainsi, la conscience de la réalité implique directement l'obligation pour l'homme de répondre de ses actes. En effet, notre conscience spontanée permet d'apprécier une situation, de percevoir distinctement le monde qui nous entoure. Cette prise de conscience du monde extérieur atteint ensuite un degré plus élevé puisque nous nous incluons par un phénomène de réflexion dans la réalité de la situation que nous venons de percevoir. C'est la conscience réfléchie, et par celle-ci nous décidons de comment adapter notre comportement à cette situation. C'est pourquoi Husserl, philosophe allemand du Xxème siècle, parle de la conscience comme d'une intentionnalité, cette corrélation constante qui existe entre la conscience et le monde extérie...
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« En somme, ma conscience de la réalité est bien une condition nécessaire de mes responsabilités.

Ma conscience m'oblige à supporter le poids de mes fautes et de mes mauvaises intentions.

Cependant, notre capacité de réflexion, puisqu'elle est nous est propre, est susceptible de modifier la réalité, et par conséquent, de modifier notre sentiment de responsabilité. Effectivement, le degré de responsabilité que nous ressentons n'est pas lié la réalité immédiate, mais à celle que je perçois, celle que je réfléchis.

Or cette perception, si elle s'en trouve biaisée, alors mes responsabilités le sont aussi. D'une part, on peut se masquer la vérité de la liberté de nos choix en cherchant des excuses à nos comportements, ou en invoquant des personnes qui seront les victimes expiatoires de nos actes.

Cette attitude, qui vise à échapper à l'angoisse de la responsabilité, est appelée par Jean-Paul Sartre, la “mauvaise foi”.

La faculté de représentation qu'est la conscience réfléchie permet en fait de s'absoudre des responsabilités qu'elle implique, puisqu'elle est assez puissante pour être, paradoxalement, à la fois créatrice de mensonge, et dupée par son propre mensonge.

Ainsi, par exemple, reprenons le célèbre exemple des faux refus d'une jeune coquette que Sartre narre et analyse dans L'Être et le Néant , un ouvrage inspiré d'ailleurs par les théories de Husserl sur l'intentionnalité.

Une jeune femme se rend donc au rendez vous d'un courtisan dont elle a parfaitement conscience des intentions.

Au fur et à mesure de la discussion, elle cherche à être désirable mais en même temps elle se retire, fuyant les conséquences de ses actes, se défaussant de ses responsabilités : elle fait croire qu'elle n'a pas conscience que son partenaire vient de lui prendre la main, en opérant le “divorce du corps et de l'âme”.

Elle ne s'aperçoit donc pas de la tentative de rapprochement physique “parce qu’il se trouve par hasard qu’elle est, à ce moment, tout esprit”.

On peut donc se mentir à soi-même pour nier la réalité, pour ne pas en avoir conscience, et ainsi ne pas avoir à répondre de nos actes. Mais à l'inverse, il existe des responsabilités que nous nous imputons mais qui ne découlent pas de notre conscience de la réalité.

Nous pouvons ressentir un sentiment de culpabilité, avoir le sentiment d'être responsable alors qu'en réalité, nous ne le sommes pas.

Autrement dit, les obligations que nous intériorisons, et qui donc font le fondement des valeurs de notre conscience morale, sont parfois le fruit d'un héritage historique ou familial, ou influencées par une pression culturelle ou sociale.

Ce fait est particulièrement notable chez les descendants de nazis qui sentent sur leur conscience peser le poids des actes de leurs parents.

La petite fille d'Heinrich Himmler, le chef absolu des S.S.

Et principal responsable de la mise en oeuvre de la solution finale, s'est mariée à un juif avec lequel elle a eu un fils.

Par ailleurs, chaque année, de nombreux jeunes allemands viennent en Israël pour faire du bénévolat auprès des victimes de la Shoah en fin de vie.

Ce comportement traduit le sentiment de responsabilité que peut ressentir un individu vis-à-vis des actes d'autrui.

Il ne s'agit donc plus de répondre de ses propres actes.

Notons que dans le domaine juridique, le fait d'être responsable des actes d'autrui est possible : tous les parents sont responsables des actes de leurs enfants dans la mesure où le Droit considère que ceux-ci ne possèdent pas une conscience assez développée pour pouvoir répondre de leurs actes.

Mais si les parents sont responsables jusqu'à leur majorité, et qu'un des devoirs d'être parent est l'éducation des enfants, des “jeunes consciences”, alors pouvons-nous considérer que nos responsabilités découlent de notre éducation, dans le sens où celle-ci viserait à former les consciences ? Ainsi, la conscience ne serait pas indépendante puisqu'influencée par des valeurs que nous avons acquises ? Dès lors, nous avons pu constater que nos responsabilités réelles ne sont plus liées à notre conscience de la réalité : celle-ci peut en fait se duper toute seule, ou peut être influencée par l'environnement dans lequel nous vivons, le poids du passé.

Il existe donc des obstacles qui empêchent une prise de conscience permettant de s'attribuer des responsabilités légitimes.

Aussi nous pouvons réfléchir quant à l'existence d'une faculté complémentaire à la conscience qui permettrait de surmonter ces obstacles, et donc de se donner des obligations justes. Par conséquent, la raison semble la faculté la plus à même à répondre à cet idéal de “réflexion. »

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