Ma conscience de la réalité me donne-t-elle des responsabilités ?
Publié le 21/10/2014
Extrait du document
«
En somme, ma conscience de la réalité est bien une condition nécessaire de mes responsabilités.
Ma
conscience m'oblige à supporter le poids de mes fautes et de mes mauvaises intentions.
Cependant,
notre capacité de réflexion, puisqu'elle est nous est propre, est susceptible de modifier la réalité, et
par conséquent, de modifier notre sentiment de responsabilité.
Effectivement, le degré de responsabilité que nous ressentons n'est pas lié la réalité immédiate,
mais à celle que je perçois, celle que je réfléchis.
Or cette perception, si elle s'en trouve biaisée,
alors mes responsabilités le sont aussi.
D'une part, on peut se masquer la vérité de la liberté de nos choix en cherchant des excuses à nos
comportements, ou en invoquant des personnes qui seront les victimes expiatoires de nos actes.
Cette attitude, qui vise à échapper à l'angoisse de la responsabilité, est appelée par Jean-Paul Sartre,
la “mauvaise foi”.
La faculté de représentation qu'est la conscience réfléchie permet en fait de
s'absoudre des responsabilités qu'elle implique, puisqu'elle est assez puissante pour être,
paradoxalement, à la fois créatrice de mensonge, et dupée par son propre mensonge.
Ainsi, par
exemple, reprenons le célèbre exemple des faux refus d'une jeune coquette que Sartre narre et
analyse dans L'Être et le Néant , un ouvrage inspiré d'ailleurs par les théories de Husserl sur
l'intentionnalité.
Une jeune femme se rend donc au rendez vous d'un courtisan dont elle a
parfaitement conscience des intentions.
Au fur et à mesure de la discussion, elle cherche à être
désirable mais en même temps elle se retire, fuyant les conséquences de ses actes, se défaussant de
ses responsabilités : elle fait croire qu'elle n'a pas conscience que son partenaire vient de lui prendre
la main, en opérant le “divorce du corps et de l'âme”.
Elle ne s'aperçoit donc pas de la tentative de
rapprochement physique “parce qu’il se trouve par hasard qu’elle est, à ce moment, tout esprit”.
On
peut donc se mentir à soi-même pour nier la réalité, pour ne pas en avoir conscience, et ainsi ne pas
avoir à répondre de nos actes.
Mais à l'inverse, il existe des responsabilités que nous nous imputons mais qui ne découlent pas de
notre conscience de la réalité.
Nous pouvons ressentir un sentiment de culpabilité, avoir le
sentiment d'être responsable alors qu'en réalité, nous ne le sommes pas.
Autrement dit, les
obligations que nous intériorisons, et qui donc font le fondement des valeurs de notre conscience
morale, sont parfois le fruit d'un héritage historique ou familial, ou influencées par une pression
culturelle ou sociale.
Ce fait est particulièrement notable chez les descendants de nazis qui sentent
sur leur conscience peser le poids des actes de leurs parents.
La petite fille d'Heinrich Himmler, le
chef absolu des S.S.
Et principal responsable de la mise en oeuvre de la solution finale, s'est mariée
à un juif avec lequel elle a eu un fils.
Par ailleurs, chaque année, de nombreux jeunes allemands
viennent en Israël pour faire du bénévolat auprès des victimes de la Shoah en fin de vie.
Ce
comportement traduit le sentiment de responsabilité que peut ressentir un individu vis-à-vis des
actes d'autrui.
Il ne s'agit donc plus de répondre de ses propres actes.
Notons que dans le domaine
juridique, le fait d'être responsable des actes d'autrui est possible : tous les parents sont responsables
des actes de leurs enfants dans la mesure où le Droit considère que ceux-ci ne possèdent pas une
conscience assez développée pour pouvoir répondre de leurs actes.
Mais si les parents sont
responsables jusqu'à leur majorité, et qu'un des devoirs d'être parent est l'éducation des enfants, des
“jeunes consciences”, alors pouvons-nous considérer que nos responsabilités découlent de notre
éducation, dans le sens où celle-ci viserait à former les consciences ? Ainsi, la conscience ne serait
pas indépendante puisqu'influencée par des valeurs que nous avons acquises ?
Dès lors, nous avons pu constater que nos responsabilités réelles ne sont plus liées à notre
conscience de la réalité : celle-ci peut en fait se duper toute seule, ou peut être influencée par
l'environnement dans lequel nous vivons, le poids du passé.
Il existe donc des obstacles qui
empêchent une prise de conscience permettant de s'attribuer des responsabilités légitimes.
Aussi
nous pouvons réfléchir quant à l'existence d'une faculté complémentaire à la conscience qui
permettrait de surmonter ces obstacles, et donc de se donner des obligations justes.
Par conséquent, la raison semble la faculté la plus à même à répondre à cet idéal de “réflexion.
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