L'utilitarisme et la morale démocratique

« Bentham et Mill ont eu tous deux des vies pittoresques.

*Bentham était un athée extrêmement timide et sensible, qui se sentait toujours inquiet devant des inconnus.

Il écrivait abondamment, mais ne publiait presque rien spontanément; ses amis devaient le forcer à publier, et quand il refu­ sait, ils publiaient malgré lui.

Malgré son penchant pour l'isolement, Bentham devint un des personnages les plus controversés de l'Angleterre: il prit la tête d'un groupe de réformateurs, les «Radicaux Philosophes», qui contribuèrent beaucoup aux progrès sociaux et politiques du 19ème siècle anglais; par exemple, le rigoureux code criminel anglais fut réformé grâce à eux.

En politique, Bentham refusait la monarchie et l'aristocratie héréditaire, voulait une démocratie intégrale, y compris le vote des femmes, et critiquait l'impérialisme en Inde et dans les autres colonies.

*Mill est peut-être le prodige le plus étonnant de l'histoire de la philo­ sophie.

Son père était disciple et ami de Bentham, et fut très influencé par la thèse de Bentham selon laquelle le caractère et même l'intelligence peuvent être entièrement déterminés par *l'éducation.

En conséquence, on n'envoya pas Mill à l'école publique, mais on lui donna dès le berceau une éducation soignée dirigée par son père.

Les résultats furent éton­ nants: à huit ans, Mill parlait plusieurs langues, à douze ans, il connaissait à fond beaucoup de grands classiques littéraires et philosophiques, et il devint enfin un bon philosophe, un bon écrivain et un bon économiste.

Son Autobiographie, qui raconte surtout l'histoire de son éducation, est un compte-rendu fascinant des effets de cette éducation spéciale.

Le principe d'utilité.

L'approche morale des utilitaristes consiste en déterminer, puis appliquer un principe absolu pour décider quelles actions sont bonnes ou mauvaises.

Le principe qu'ils proposent, appelé «principe d'utilité», s'énonce ainsi: Une action est *bonne si elle produit plus de bonheur pour le plus grand nombre.

Bentham donnait à ce principe une interprétation hédoniste en identifiant bonheur et plaisir.

Alors, le prin­ cipe serait qu'une bonne action augmente la quantité de plaisir.

Mais beaucoup d'utilitaristes modernes ne sont pas hédonistes.

Tous sont d'accord sur l'importance à accorder aux actions et leurs conséquences sociales: si les conséquences d'une action qui sont bonnes pour la société passent ses conséquences mauvaises, l'action est bonne; sinon, elle est mauvaise.

Donc, l'utilitariste apprécie, ou évalue, ou *juge une action d'après ses résultats, non pas d'après ses intentions.

En effet, du point dè vue social, on ne voit pas les intentions, qui sont peut-être excellentes, on voit les résultats, qui peuvent être mauvais: Ainsi, *Hitler avait peut­ être l'excellente intention d'améliorer l'Allemagne, mais pour cela, il a engendré tortures, génocides, et la destruction même de l'Allemagne.

Alors, le principe d'utilité nous dit que les actes d'Hitler étaient mauvais, puisqu'ils ont engendré plus de souffrances que de bonheur.. »