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Lucas Cranach dit l'ancien ou l'aîné

Publié le 26/02/2010

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Les premiers travaux identifiés de Cranach datent de 1502, époque où il abandonna son nom de naissance (Muller) pour adopter celui de sa ville natale. Son père Hans lui avait prodigué une solide formation artistique et il travailla à ses côtés jusqu'à son départ pour Vienne en 1498. En 1505, il fut engagé comme peintre à la cour de l'électeur de Saxe, Frédéric le Sage, avec un salaire dont l'importance laisse présumer qu'il jouissait déjà d'une grande renommée. Il gagna la faveur du souverain, mais aussi celle de ses deux successeurs et résida durant quarante-cinq ans à Wittenberg, siège de la cour de Saxe. Sa popularité et sa réputation artistique le rendaient incontournable, à tel point qu'il continua de travailler pour l'église catholique tout en honorant des commandes protestantes, lorsque Wittenberg s'affirma comme le centre de la Réforme. Ami de Martin Luther, il fut l'un des créateurs de l'iconographie protestante. Il peignit également plusieurs portraits de Luther et des grands réformateurs, et initia une nouvelle forme d'art religieux en réalisant des retables et des décorations pour les églises luthériennes. Artiste universel, Cranach exprima son talent sur des supports aussi variés que la tapisserie, les médailles, la monnaie, les costumes d'apparat, les pièces d'artillerie et les gravures sur bois. Véritable entrepreneur, il complétait son salaire de courtisan par des revenus issus d'un commerce de vins, d'une pharmacie, d'une imprimerie et d'une librairie. Grâce à ces entreprises fructueuses, il était devenu en 1528 l'homme le plus riche de Wittenberg après le Chancelier. Cranach resta fidèle à son souverain après la victoire de Charles V et le suivit à Weimar. Il fut de nouveau appointé comme peintre à la nouvelle cour de Weimar, ville où il vécut jusqu'à quatre-vingt un ans. Lucas Cranach dit l'ancien ou l'aîné C'est à Cronach ou Cranach, bourg des environs de Bamberg auquel sa famille doit son nom, que Lucas Muller vit le jour le 4 octobre 1472 De sa jeunesse on ne sait à peu près rien, sinon que, fils d'un peintre dont les oeuvres ne sont malheureusement pas parvenues jusqu'à nous, Lucas Cranach, dit l'Ancien, étudia la peinture auprès de son père. On peut cependant supposer que son talent se développa rapidement et que, jeune encore, il connut déjà une certaine notoriété puisque, dès 1504 c'est-à-dire à l'âge de trente-deux ans, il était titulaire du poste de peintre de la cour de l'Electeur Frédéric le Sage à Wittenberg. De cette même année date le tableau le plus ancien que l'on connaisse de lui, un Repos en Egypte qui, dans le paysage en particulier, accuse une certaine parenté avec Altdorfer, tandis que les figures témoignent d'une tendresse naïve dont les compositions religieuses de Cranach porteront toujours plus ou moins la marque.

« conventionnelles souvent et, n'était une certaine poésie enjouée qui leur est propre, on n'a pas le sentiment, en lesvoyant, que leur auteur ait eu l'intention de s'y donner à fond. Il en va tout autrement de la partie profane de l'oeuvre de Lucas Cranach, en particulier des nus et des scènes etfigures mythologiques qui, avec la maturité, ont pris pour lui un intérêt toujours plus grand. Il faut en effet constater que, dans la seconde partie de sa vie, c'est-à-dire dès 1520 environ, jusqu'à sa mort,survenue à Weimar en 1553, Cranach s'est insensiblement détaché des sujets sacrés pour traiter de préférence desscènes mythologiques ou profanes, ainsi que pour exécuter de nombreux portraits.

Influence de la Renaissance ?Sans doute, mais il y a plus.

En se détournant de la peinture religieuse à laquelle presque toute la première partie desa production se rapporte, en multipliant les scènes où le nu féminin joue un rôle prépondérant, l'artiste n'a pointtant cédé à quelque démon de midi qu'il n'a voulu, semble-t-il, créer un canon de beauté différent (si ce n'estopposé) de celui que l'Italie de la Renaissance, se fondant sur le modèle de l'antique, introduisait dans les paysvoisins.

Cette forme de protestation est particulièrement sensible dans les innombrables nus de Cranach qui,s'inspirant peut-être des petites sculptures des ivoiriers français, se distinguent par des proportions à la fois bizarreset charmantes : la tête souvent un rien trop forte par rapport au corps, les hanches et le bassin plus étroits que lebuste, les jambes allongées et avares de mollet, le pied effilé.

On peut voir là la création d'un type dans la définitionduquel le désirable l'emporte sur le Beau, où la forme a pour guide l'expression, non le canon, où la sensibilité etmême une sensibilité d'une espèce assez raffinée agit au détriment des notions reçues. Ce maniérisme de Cranach n'est pas, comme on s'est plu à le dire, le fait d'un système.

Encore qu'il en ait répété àsatiété le plaisir ambigu, il en a toujours accordé les variantes au caractère poétique du sujet.

Ce sujet, on doitconstater qu'il s'inspire le plus généralement d'un curieux mélange de morale et d'érotisme d'où s'exhale un parfum denavrance quasi baudelairien. DUM PUER ALVEOLO FURATUR MELLA CUPIDO PURANTI DIGITU CUSPITE FIXIT APIS SIC ECIAM NOBIS BREVIS ETPERITURA VOLUPTAS QUAE PETIMUS TRISTI MIXTA DOLORE NOCET. Ce quatrain, imité de Théocrite et qui sert de devise à sa Vénus aux abeilles, du Musée de Bruxelles, résume assezbien le sentiment profond de Cranach peintre du nu féminin.

Homme de cour, esprit orné qui entretenait avec leshommes les plus remarquables de son temps d'étroites relations, il ne connut sans doute pas le sombre désespoir deceux de ses contemporains qui tâtèrent de l'action et de la vie guerrière.

La cruauté embrasée d'érotisme quiscintille à la pointe du burin d'Urs Graf lui eût répugné, comme devaient déplaire à son exigeante sensualité lesopulentes filles dont le Suisse se délectait à tourner les charmes.

Il n'y a pas de truculence dans la manière dontCranach chante Vénus, mais un ambigu mélange d'émoi et de froideur, de câlinerie et de méchanceté d'où s'élèveune impression de mélancolique désillusion.

Et n'est-ce pas en définitive d'un ressentiment assez implacable enversl'Eve éternelle que procède cette attirance si marquée de Cranach pour les femmes de proie et les grandestriomphatrices de la mythologie et de l'histoire : Vénus et Omphale, Dalila, Judith et Salomé ? A cet égard, l'examen des tableaux dont il vient d'être question présente le plus grand intérêt.

Cranach s'y ouvre decertains aspects profonds de sa nature d'homme.

Gardons-nous cependant d'en tirer un portrait de notre peintredont le romantisme serait fort éloigné de l'idée qu'on est fondé à se faire de lui dès qu'on examine d'autres partiesde son oeuvre, ses portraits par exemple.

Ceux-ci nous mettent, si je puis dire, en présence de l'homme social,lequel devait être de bon conseil et non dépourvu de qualités positives et politiques puisque, par deux fois, la villede Wittenberg l'éleva à la dignité de bourgmestre et que ses maîtres lui témoignèrent une inaltérable confiance.Voyez les portraits qu'il nous a laissés d'eux ; ne sont-ils pas d'un serviteur assez rassuré sur la solidité de sespositions dans la maison pour se risquer à ne point les flatter et, puisqu'il le voit tel, à donner à l'un d'eux l'air d'unpieux benêt en cuirasse ? Rien ici de la subtilité d'un Holboin qui argumente sans fin sur le relief d'une joue oul'attache d'un nez et s'attarde aux commissures.

Cranach vise au général, au monumental.

Frédéric le Sage, sonpremier maître, Frédéric le Magnanime auquel, vieux déjà, il donnera une suprême preuve de dévouement enpartageant la captivité du malheureux Electeur après la défaite de Mühleberg, lui apparaissent d'abord tels quel'histoire nous les représente : des hommes de foi, soldats malgré eux. Avec ses amis théologiens, Melanchton, Luther, Cranach en use, il est vrai, tout autrement.

Luther, surtout, dontles portraits, dessinés et peints à différentes époques, retracent mieux que la plus savante biographie la destinéequi fit d'un jeune moine inquiet un redoutable chef de parti. Cette variété d'interprétation que l'on découvre dans les portraits que nous a laissés Cranach ne démontre passeulement la souplesse de son talent, mais encore la lucidité et la finesse de son jugement, sa connaissanceapprofondie des hommes et des choses. Qu'à côté de l'homme de société, il y ait eu en Cranach un amant de la nature, c'est ce que permet d'affirmer le rôlenon négligeable joué par le paysage dans beaucoup de ses tableaux.

Associé à la figure comme un décord'importance secondaire dans certaines compositions religieuses, le paysage prend volontiers un intérêt de premierplan dans les ouvrages de la maturité de Cranach.

Cet intérêt ne vient d'ailleurs pas tant de la place occupée par lepaysage dans la surface du tableau (cela peut être le cas, comme dans l'Abondance du Musée de Bruxelles) que dela signification parfois surprenante que le peintre se plaît à lui donner.

Ainsi, la Lucrèce de Cobourg tire-t-elle unindicible surcroît d'émotion de la présence d'une fenêtre ouverte sur un paysage d'aube qui, à côté de ce corpsadorable déjà envahi par les pâleurs de la mort, indique silencieusement l'heure de son sacrifice.. »

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