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l'originalité suffit-elle à faire la valeur d'une oeuvre d'art ?

Publié le 01/04/2005

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Or l'unicité de l'oeuvre d'art ne tient-elle pas à son originalité ? Entendons par-là le fait qu'elle soit hors du commun, à nulle autre identique. L'idée d'originalité renvoie à l'idée d'origine. Ainsi l'original se distingue de la « copie « en ce qu'il est premier chronologiquement. Or une oeuvre perd la valeur qu'on lui accordait  s'il s'avère qu'il ne s'agit que d'une copie, et au contraire acquiert une valeur qui ne lui était pas reconnue si l'on découvre qu'elle est bien un original. On comprend dès lors que l'on puisse penser qu'une oeuvre d'art, offerte à notre contemplation, tient sa valeur, entendue tant au sens de prix qu'au sens d'estime qu'on lui porte, de son originalité, entendue au sens d'unicité et de singularité.

Si l'on demande néanmoins si l'originalité fait la valeur d'une oeuvre d'art, c'est que l'imputation de la valeur de l'oeuvre d'art à son originalité ne va pas de soi ! l'originalité est certes nécessaire pour faire la valeur d'une oeuvre d'art, mais est-elle pour autant suffisante ? Ce n'est pas en effet parce que toute oeuvre d'art est originale qu'il s'ensuit que tout produit original est une oeuvre d'art : les artistes avant-gardistes en ont fait la cruelle expérience de tout temps, en voyant leurs oeuvres, pourtant originales, tomber rapidement dans l'oubli.

La mise en question de la prétention que pourrait avoir l'originalité à servir de critère d'appréciation d'une oeuvre d'art devrait nous permettre non seulement de mieux comprendre ce qui fait tant la nature que la fonction spécifiques  de l'oeuvre d'art, mais aussi de pouvoir  ainsi  en mieux estimer la valeur.

Pour savoir si l'originalité fait la valeur de l'oeuvre d'art, nous pourrions nous demander dans un premier temps si l'originalié est nécessaire pour faire la valeur d'une oeuvre d'art, puis si elle n'est pas insuffisante pour faire cette valeur, avant finalement d'examiner si ce n'est pas au fond  l'originalité de la perception ou de l'interprétation de l'oeuvre d'art qui en fait la valeur.

 

« son oeuvre est « origine première ».

C'est pourquoi sa qualité principale est « l'originalité ».L'originalité suffit-elle pourtant à définir totalement le génie artistique ? On pourrait, en effet, objecter que laconduite du fou est parfois si inattendue, si « extravagante », qu'elle se présente aussi comme originale, puisqu'ellene s'est rencontrée nulle part ailleurs.C'est pour répondre à cette objection que Kant nous précise alors qu'étant donné qu'il peut effectivement setrouver des « extravagances originales », les productions du génie doivent se reconnaître à un second critère : «elles doivent être des modèles, elles doivent être exemplaires », c'est-à-dire servir d'exemples pour l'imitation.Cela sous-entend que le génie se distingue de la folie en ceci que sa production est consciente et volontaire, alorsque le fou commet ses extravagances sans savoir ce qu'il fait, et ne peut pour cela servir de modèle.Le génie, au contraire, produit des oeuvres qui peuvent être proposées à l'imitation.

Ainsi, dans les écoles d'art, lesélèves tentent d'imiter le style du maître lorsqu'ils apprennent les techniques de base de la peinture ou de lasculpture.

Ce à quoi s'oppose cet extrait: Le génie se distingue donc du technicien en ce que, contrairement à ce dernier, il ne peut décrire ou montrer quelleméthode il utilise pour accomplir ses productions, car il ne la possède pas sous la forme d'une recette formuléecomme une règle qui constituerait un savoir (« une science ») qu'il pourrait, de ce fait, montrer « scientifiquement»Al invente la règle en même temps qu'il crée et, en ce sens, la découvre en la réalisant, « par une inspiration de lanature ».Cela signifie qu'il y a dans le génie un élément naturel que nous appelons un « don » : l'artiste élabore son oeuvrespontanément, sans avoir conscience d'inventer les règles qui ordonnent sa construction.

Cette nouvelle définitionproposée par Kant institue, entre l'artiste et l'artisan, une distinction que les penseurs de l'Antiquité ignorèrent.

PourPlaton, par exemple, seule existait la technè, dénomination qui recouvrait aussi bien le savoir-faire du potier celui del'artiste.L'art n'était alors considéré que comme une technè parmi d'autres, et c'est pourquoi Platon peut qualifier le peintred'« illusionniste » et lui reprocher de ne rien connaître de ce qu'il représente, par rapport à un artisan qui connaît lespropriétés des objets qu'il fabrique.

Les arguments avancés par Platon dans sa critique méconnaissent la distinctionque nous faisons aujourd'hui entre une activité de fabrication matérielle (l'artisanat) et une oeuvre de créationintellectuelle (l'art).Pour Kant, en revanche, il n'y a pas à savoir comment se fabrique un lit pour le représenter artistiquement.

Ce quicommande l'oeuvre d'art, le génie, est sans rapport avec ce qui guide la main de l'artisan, l'application d'un savoir-faire clairement formulable.

Kant définit les beaux-arts comme les arts du génie, et le génie comme « ladisposition innée de l'esprit par laquelle la nature donne ses règles à l'art ».

Ilse caractérise par :1) l'originalité : « le génie est le talent de produire ce dont on ne sauraitdonner de règle déterminée, ce n'est pas l'aptitude à ce qui peut être apprisd'après une règle quelconque » ;2) l'exemplarité : « ses productions doivent en même temps être des modèles» et pouvoir « être proposées à l'imitation des autres » ;3) l'incapacité à « indiquer scientifiquement comment il réalise son oeuvre ».Et cependant « il donne, en tant que nature, la règle.

Donc l'auteur d'uneoeuvre qu'il doit à son génie ne sait pas lui-même d'où lui viennent les idéeset il ne dépend pas de lui d'en concevoir à volonté ou d'après un plan, ni deles communiquer à d'autres dans des prescriptions qui les mettraient à mêmede produire de semblables ouvrages ». L'oeuvre de génie est l'oeuvre qui produit une rupture esthétique en créant denouvelles règles, mais cela ne signifie pas qu'elle est oeuvre de géniesimplement parce que ces règles sont originales, premières et nouvelles.

Elleest oeuvre de génie parce que ces règles s'imposent comme de nouvellesrègles et deviendront des modèles à imiter pour les autres artistes.

Parexemple, l'impressionnisme de Monnet va faire école et va transformer notrevision du monde.

Avant Turner, « il n'y avait pas de brouillard à Londres »,affirmait Oscar Wilde, fidèle à son goût furieux du paradoxe - « frumieux », aurait pu dire Lewis Carrol - comme à sesthéories esthétiques : « La nature imite l'art.

» Mais s'il n'y en avait pas avant, qu'il y en eût donc après.

Passeulement parce que l'essor de la civilisation industrielle vint mêler sans retenue les fumées des usines aux brumesde la Tamise, du fog au smog, mais bien parce que le brouillard révélé par Turner devint pour d'autres après lui objetde peinture, dans ses irisations, ses formes changeantes, les jeux de la lumière et du soleil dans ses nappeserratiques.Kant montre aussi que l'originalité n'est pas le seul critère de démarcation d'un oeuvre d'art authentique.

En effet,face à l'art contemporain, en particulier, on a tendance à considérer que l'originalité fait oeuvre.

On se dit alorsqu'une oeuvre est une oeuvre parce qu'elle est nouvelle, parce qu'elle produit du nouveau : une nouvelle manière decréer, de se représenter les choses.

Que l'on songe ici aux exemples surprenants d'artistes contemporains peignant. »

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