L'ORIENT ET LA PHILOSOPHIE
Publié le 15/04/2012
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Si cela est vrai, comment, dans cette ontologie et dans ce temps inarticulés, découvrir un profil, un devenir, une histoire ? Comment cerner l'apport de chaque philosophe, quand ils gravitent tous autour du même monde immémorial qu'ils ne cherchent pas à penser, mais seulement à rendre présent ? Le rapport du philosophe chinois avec le monde est une fascination et l'on ne peut y entrer à moitié: ou bien on s'initie- par le moyen de l'histoire, des coutumes, de la civilisation

«
L'ORIENT ET LA PHILOSOPHIE
CETTE immense littérature pensante, qui exigerait à elle seule un volume, fait-elle vraiment
partie de la « philosophie »? Est-il possible de la confronter avec ce que l'Occident a appelé de
ce nom? La vérité ny est pas comprise comme l'horizon d'une série indéfinie de recherches, ni
comme conquête et possession intellectuelle de l'être.
C'est plutôt un trésor épars dans la vie humaine
avant toute philosophie, et indivis entre les doctrines.
La pensée ne se sent pas chargée de pousser
plus loin les tentatives anciennes, ni même d'opter entre elles, et encore moins de les dépasser vrai
ment en formant une nouvelle idée de l'ensemble.
Elle se donne comme commentaire et syncrétisme,
écho et conciliation.
L'ancien et le nouveau, les doctrines opposées font bloc, et le lecteur profane
ne voit pas qu'il y ait là de l'acquis ni du révolu; il se sent dans un monde magique où rien n'est
jamais fini,
où les pensées mortes persistent, et où celles qu'on croyait incompatibles se mélangent.
Certes, il faut ici Jaire la part de notre ignorance : si nous voyions la pensée occidentale aussi
cavalièrement et d'aussi loin que celle de l'Inde et de la Chine, peut-être nous donnerait-elle aussi
l'impression d'un ressassement, d'une éternelle réinterprétation, d'une trahison hypocrite, d'un
changement involontaire et qui ne se dirige pas.
Pourtant, ce sentiment à l'égard de l'Orient persiste chez
des connaisseurs.
M.
Masson Oursel disait de l'Inde: «Nous avons affaire ici à un monde immense,
sans unité aucune, où rien n'apparaît à quelque moment d'une façon tout à fait neuve, où rien qu'on
croirait « dépassé » non plus ne s'abolit, chaos de groupes humains, jungle inextricable de religions
disparates, pullulement de doctrines.
» Un auteur chinois contemporain écrit ( 1) : « Dans certains
écrits philosophiques, tels que ceux de Mencius ou de Siun- Tseu, on trouve un raisonnement et des
arguments systématiques.
Mais, comparés aux écrits philosophiques de l'Occident, ils ne sont
pas encore assez articulés.
C'est un fait que les philosophes chinois avaient l'habitude de s'exprimer
sous forme d'aphorismes, d'apophtegmes ou d'allusions et d'apologues ...
Les paroles et les écrits
des philosophes chinois sont si inarticulés que leur puissance de suggestion est sans limites ...
Les
brèves sentences des Entretiens de Confucius et de la philosophie du Lao- Tseu ne sont pas sim
plement des conclusions dont les prémisses sont perdues ...
On peut réunir toutes les idées contenues
dans le Lao- Tseu et les noter dans un nouveau livre de cinq mille ou même de cinq cent mille mots~
Qu'il soit bien ou mal fait, il s'agira d'un nouveau livre.
On pourra le confronter page par pagl
avec le Lao-Tseu original; il aidera peut-être grandement à le comprendre, mais il ne pourra
jamais le remplacer.
Kouo-Siang ...
est un des grands commentateurs de Tchouang- Tseu.
Son
commentaire constitue lui-même un livre classique de la littérature taoïste.
Il transcrivit les allusions
et les métaphores de Tchouang- Tseu sous forme de raisonnements et d'arguments...
Mais, entre
le style suggestif de celui-ci et le style articulé du commentaire de Kouo-Siang, on peut se demander
(r) Fong Yeou-Lan, Précis d'histoire de la philosophie chinoise, pp.
32-35..
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