L'ordre politique exclut-il la violence ?
Publié le 15/01/2004
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Le 3 mai 1968, les forces de l’ordre évacuent par la force 500 étudiants qui occupaient la faculté de la Sorbonne. La réaction de l’opinion est hautement ambivalente. D’une part, l’opinion publique est choquée par cet usage fait de la violence contre des jeunes étudiants non armés, dans un lieu sacro-saint pour les élites intellectuelles d’où les forces de l’ordre sont exclues. D’autre part, l’indignation cède le pas à une forme de soulagement, cette occupation de la vénérable faculté constitue une menace pour l’ordre publique, alors même que les grèves bloquent le pays. User de la violence semble pouvoir être compréhensible quand cela répond à une autre forme de violence, mais ce n’est pas pour autant que cet usage n’est pas choquant, comme si la violence était un élément hétéronome inacceptable dans l’ordre politique.
La réflexion doit se situer à deux niveaux. D’une part, les lois et les Etats doivent-ils exclure la violence de leur institution et de leur mode de fonctionnement ? Ainsi, l’usage qui a été fait de la force contre les étudiants serait illégitime. D’autre part, faut-il que les citoyens renoncent à tout usage de la violence pour que l’ordre politique soit possible ? Cela placerait les étudiants de mai 68 en situation d’illégitimité. La réflexion s’articule autour du fondement de l’ordre politique et de son bon fonctionnement.
«
l'Italie , il explique la façon de sauvegarder le pouvoir et même d'accéder à la gloire. La tradition, héritée des moralistes latins, estimait que la gloire du chef repose sur une bonne gestion allant de pair avec une conduiteconforme aux exigences de la morale.
A l'opposé, Machiavel estime qu'il « est nécessaire au Prince qui se veut conserver qu'il apprenne à pouvoir n'être pas bon. » C'est que les hommes, que le Prince a à gouverner, ne sont pas naturellement bons. Le texte présenté est extrait du « Prince » (1513), chapitre XVIII, « Comment les Princes doivent garder leur foi ».
Machiavel expose sa manière de concevoir, et de garder, le pouvoir.
1) Il y a deux manières de combattre.
2) Le Prince doit pratiquer et la bête et l'homme.
3) Et plus exactement les bêtes que sont le renard (la ruse) et le lion (la force).
1) L'impersonnalité du « il faut », au début de cet extrait, suggère l'intemporalité du savoir ici révélé.
Car au-delà de la diversité (empirique) des actions, il convient de remonter au principe.
Savoir rationnel, que celui qui a réfléchi sur le pouvoir ( Machiavel ) est capable de formuler dans une classification, qui définit une fois pour toutes les « deux manières de combattre ».
Certes, o peut supposer que ce savoir repose sur l'expérience (dans la dédicace du « Prince », Machiavel déclare que sa connaissance des actions des grands personnages est prise « par longue expérience ») mais ce savoir se structure selon un principe qui est celui de la division (une dualité) qui est celle même des êtresvivants dans la nature : l'homme d'une part (dans son unicité), les animaux d'autre part (les bêtes dans leurdiversité).
Chacun a sa manière de combattre (car gagner ou garder le pouvoir est un combat) qui lui est propre(particulière, qui lui appartient e propre).
D'un côté les lois (intitulées dans leur diversité par « les »), d'un autre la force (unique –malgré la diversité des acteurs : les bêtes).
Ce qui est propre n'est ni totalement efficace (« la première bien souvent ne suffit pas »), ni exclusive (« il faut recourir à la seconde »).
On aurait pu s'attendre au contraire que la manière de combattre propre à l'homme (« les lois »), puisqu'elle lui est propre, soit recommandée (au niveau moral) comme exclusive, qu'elle soit (par principe moral) la seule prônée (et que corollairement la seconde manière de combattre, si elle demeure possible, soitcependant écartée, interdite, condamnée).
2) Ce n'est pas le cas.
Parce qu'il ne s'agit pas ici de morale (le respect d'un principe, doublé d'un interdit) mais d'action.
Et celle-ci tout entière située dans le domaine du pratique, et non pas du théorique, ou bien triomphe, ou bien échoue, selon une loi qui est celle dutout ou du rien.
D'où l'idée implicite d'un maximum qu'il faut mettre en oeuvre et de là l'expression : « ne suffit pas ».
Comme ce qui est propre à l'homme (dans la manière de combattre) est le recours aux lois, il faudra ajouter, dès que le besoin, un surplus, que l'hommepuisera dans son propre fonds, qui est celui de l'animal qu'il continue (secrètement) de porter en lui.
Car le recours (lorsque l'usage dupropre « ne suffit pas ») à la force n'est pas un recours à quelque chose d'étranger ou d'extérieur à l'homme.
Le secret que nous révèle Machiavel , c'est que dans l'homme civilisé (celui qui habite les cités, qui institue les lois), il y a une énergie terrible, en réserve, qui est celle de la bête que nous portons en nous – et qui ajoute à la force insuffisante des lois (« la première bien souvent ne suffit pas »), la force décisive de la nature.
Mais cela ne peut se dire à tous, car l'homme, en toute occasion, cherche à paraître homme (en prônant le respectdes lois), et donc cache au plus haut point l'animalité qui est en lui.
Machiavel expose donc une vérité (ou plus exactement la vérité, qui n'est pas bonne à dire).
Face à un type de discours truqué, qui est le discours dominant,moralisateur, qui affirme (au mépris du réel) qu'il faut réprimer l'animalité en nous (sans se soucier d'efficacité).
Faceà un type de discours amputé qui n'ose pas aller jusqu'au bout et dire l'intolérable de l'extrême.
Face à un type dediscours voilé qui se refuse à révéler le secret de notre double dimension.
Ici au contraire Machiavel parle en toute clarté, parce qu'il écrit à un seul au Prince (on sait que le livre intitulé « Le Prince » ne sera pas publié comme tel qu'après la mort de l'auteur...) et que son discours est un texte d ‘éducation.
D'où la formule du maître qui transmet son savoir et qui dicte au Prince (son élève potentiel), en une tournure impersonnelle, la conduite à tenir : « [Il] est nécessaire au Prince de bien savoir... »
Mais ce savoir de Machiavel n'est pas seulement puisé dans l'expérience méditée sur l'histoire de son temps.
Il est nourri de la lecture continuelle des auteurs de l'Antiquité (« les anciens auteurs ») dont la leçon est à déchiffrer, car leur secret, qui n'a pas à être connu du commun des mortels est « voilé ».
D'où l'interprétation, que fournit Machiavel , qui révèle le sens caché de cette fable mythologique racontée par différents auteurs selon laquelle Achille (dans l' « Illiade ») reçut son éducation d'un centaure (« mi-homme, mi- bête »).
Savoir doublement confirmé – par le moderne et l'antique – qui nécessite toujours d'aller au-delà : au-delà de la diversité des expériences, pour dégager des principes ; au-delà des fables et des mythes, pour dégager lesens implicite.
Ainsi, Machiavel ne prétend rien dire de neuf.
Il suffit d'observer le présent (pour comprendre), de lire les anciens (pour entendre).
Le secret est ancien (« cette règle fut enseignée aux Prince s »), et permet de comprendre l'actuel, il est efficace (on connaît la gloire d'Achille et ses combats victorieux), et peut être repris..
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