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L'opinion est-elle un savoir?

Publié le 13/04/2005

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Troisième partie : l'opinion s'oppose à la science

L'opinion tend parfois à imposer sa force et le fait qu'elle sévisse avec autant d'évidence finit par faire croire à tout un chacun qu'elle doit bien receler du vrai. Une confusion s'établit donc entre ce qui se répète (et acquiert donc les apparences d'une certitude) et ce que l'on sait (qui par sa difficulté s'admet parfois moins facilement que ce que l'on croit savoir). jL'aliénation provient de la répétition. Répéter c'est s'enfermer sans prendre le moindre recul dans des propos dont les implications peuvent être graves y compris pour nous-même. L'absence de vérification conduit à perpétrer l'erreur et contredit en ce sens l'épanouissement de chacun dans la vérité. « La science, dans son besoin d'achèvement comme dans son principe, s'oppose absolument à l'opinion. « Bachelard, La Formation de l'esprit scientifique, 1938. On comprend ainsi comment la connaissance scientifique peut stagner du fait du maintien d'un certain nombre de préjugés. « La science et son objet diffèrent de l'opinion et de son objet, en ce que la science est universelle et procède par des propositions nécessaires [...].

  • opinion

  Jugement sans fondement rigoureux, fondé sur des croyances ou des impressions subjectives et qui se donne abusivement les apparences d'un savoir.

Même quand elle tombe juste, « l'opinion pense mal « (Bachelard), car elle ne peut se fonder rationnellement.

  La philosophie, comme quête de la vérité, est ainsi en lutte contre les opinions.

« de cité bien organisée et de philosophie possible dans la paix « que quand les philosophes seront rois et les rois philosophes ». On trouve la phrase étudiée dans le contexte suivant : Socrate explique que l'un de ses amis était allé à Delphes demander à l'oracle s'il y avait un homme plus sage que Socrate , et la réponse fut non. Socrate se trouve alors confronté au sens des paroles du dieu, car, s'il ne se croit pas lui-même sage, il ne peut remettre en cause les paroles d' Apollon .

Il décide alors de se livrer à une enquête auprès de tous les hommes sages ou prétendument tels de sa ville : les hommes d'Etat, puis les poètes, puis les artisans.

Dans tous les cas, laconclusion de Socrate peut se résumer ainsi : « Je suis plus sage que cet homme-là.

Il se peut qu'aucun de nous deux ne sache rien de beau ni de bon ; mais lui croit savoir quelque chose, alors qu'il ne sait rien, tandis que moi, si je ne sais pas, je ne crois pas non plussavoir.

Il me semble donc que je suis un peu plus sage que lui par le fait même que, ce que je ne sais pas, je nepense pas non plus le savoir. » Il faut prendre au sérieux cette définition d'une sagesse « toute humaine », et la relier à son art du dialogue et à sa conception de la philosophie.

Socrate , interrogateur infatigable et grand « bousilleur » d'idées reçues, tente toujours de dénoncer les idées toutes faites, les clichés, bref l'illusion de savoir. Socrate , dialoguant avec ses concitoyens, ne cherche pas à leur délivrer une vérité préfabriquée qu'il ne possède d'ailleurs pas.

Il cherche à mettre en évidence l'insuffisance de réponses traditionnelles, et à retrouver avec soninterlocuteur, par un effort de pensée véritable, la signification réelle des notions communes.

Ainsi tous les citoyensd'Athènes croient-ils savoir ce qu'est le courage, ou la liberté, ou la vertu.

Ainsi, en réponse, Socrate passe-t-il son temps à leur montrer que leurs définitions n'en sont pas, qu'ils se contredisent.

On comprend que ses concitoyensse soient crus agressés, d'où l'origine véritable du procès. Mais ce travail de « déblaiement » n'est pas entièrement négatif.

Il s'articule autour de la volonté réelle de chercher ce qu'est un acte juste, ce qu'est la justice.

Il s'articule autour du désir de comprendre les actes des hommes etleurs significations. Or, il est évident que celui qui croit savoir ne cherche pas.

Comme le dit le « Phèdre », les dieux ne sot pas philosophes, car ils savent, et ne le sont pas non plus ceux qui, satisfaits d'eux-mêmes, ignorent leur propreignorance.

C'est pourquoi le préalable à toutes recherches, à toutes interrogations communes sur le sens de notreexistence et de nos actes, est la conscience de notre ignorance et la mise à mort de l'illusion de savoir. L'un des grands messages de Socrate est que l'illusion de savoir est le plus grand obstacle au savoir, un coup d'arrêt au mouvement de la pensée et de la réflexion, à la remise en cause de nos acquis. Voilà comment Socrate interprète lui-même sa fonction à l'intérieur de la cité : « Je suis le taon qui, de tout le jour, ne cesse jamais de vous réveiller, de vous conseiller et morigéner chacun de vous. » Et avant d'avoir rappelé à ses juges, à ceux qui le condamnent à mort « car si vous croyez qu'en tuant les gens, vous empêcherez qu'on vous reproche de vivre dans l'erreur vous vous trompez », il ajoutait : « Une vie sans examen ne vaut pas la peine d'être vécue. ». N'est pas digne d'être vécue une vie sans réflexion, sans retour sur soi, sans interrogation sur le sens et la valeurde ses actes.

Or pour vivre une telle vie, il faut en finir avec les réponses toutes faites et jamais interrogées, aveccette ignorance qui s'ignore elle-même.

La sagesse toute humaine de Socrate consiste dans le respect de cette consigne, dans sa vocation de taon, dans la haine du bien connu.

Elle consiste aussi en ce qu'avec Socrate , ce qui passe au premier plan , ce n'est plus la recherche sur l'univers et la « physique » des premiers penseurs grecs, mais la réflexion qu'on dirait morale, et qui réside dans l'exigence de l'examen critique de soi-même, de ses actes .

Et si lapensée est un dialogue de l'âme avec elle-même , elle se poursuit dans le dialogue vivant, avec des hommes enchair et en os, comme le fit toujours Socrate . Il y a quelque chose de troublant, à ce que la phrase de Socrate fasse elle-même partie du « bien connu », et à ce que la philosophie oublie parfois cette leçon, répétée par Hegel vingt quatre siècles plus tard, qu'il n'y a rien de plus mal connu que le « bien connu », et qu'elle doit rester « le taon de la cité ». Si la philosophe commence avec Socrate , c'est qu'elle débute par la prise de conscience de son ignorance, par la lutte qui doit être sans cesse réentreprise contre la tyrannie des réponses toutes faites dont on n'interroge jamaisle sens. Cette leçon, toute philosophie véritable la fera sienne.

Le travail authentique de la philosophie commencetoujours par une remise en cause des idées admises et des réponses traditionnelles.

C'est en quoi elle est toujours« génantes », toujours « contestataire » ; il suffit de citer Montaigne , Descartes , Rousseau .

Le libre examen, un rapport honnête à soi-même, l'ouverture aux autres du dialogue, autant de signes de l'activité philosophique, autantde leçons de Socrate . L'action se contente d'opinions vraies pour se guider efficacement.

L'opinion vraie, intermédiaire entre ignorance etsavoir, n'est pas savoir : elle nous fait ressembler à des aveugles qui suivent leur droit chemin.

Nous faisons bien. »

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