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L'oeuvre littéraire et philosophique de Jean-Jacques ROUSSEAU ?

Publié le 12/06/2009

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C'est un des écrivains les plus controversés de toute la littérature française. C'est celui qui a suscité le plus de passions et dont la compréhension est la plus difficile. Nous proposons, pour mieux le saisir, un certain nombre de clés. Rousseau et Genève Genève, dont Rousseau est originaire, est, au XVIIIe siècle, avec les autres cantons suisses, la seule démocratie d'Europe. Rousseau se sent donc investi d'une sorte de mission : il doit plaider pour sa patrie, en proposer l'exemple, veiller à sa préservation. Dans une Europe monarchique, son devoir est tout tracé : faire entendre la voix du peuple. Mais Rousseau a quitté très jeune sa cité natale; il avait 16 ans lorsqu'il est parti sur les routes de l'aventure; la Genève qu'il porte dans son coeur est plus une cité idéale qu'une cité réelle. Et chaque fois qu'il retrouvera sa ville, l'image idéalisée qu'il en a conservée se heurtera avec la réalité. Rousseau est un Genevois malheureux qui porte à sa cité un amour exigeant et orageux. Son oeuvre philosophique est en grande partie fonction de ses démêlés avec une patrie qui lui échappe. Le pouvoir à Genève repose sur deux assemblées : l'assemblée des citoyens qui, par nécessité, ne peut se réunir que de loin en loin, et le Conseil, formé des plus riches bourgeois, qui assure la permanence du Gouvernement. Avec les années, l'assemblée des citoyens est convoquée de plus en plus rarement. Et c'est peu à peu le Conseil qui exerce le pouvoir réel. Progressivement, Genève devient une aristocratie et même une ploutocratie, c'est-à-dire un État dans lequel le pouvoir est remis aux mains des plus riches. Cette aristocratie, oubliant peu à peu les austères principes calvinistes, prend le goût des arts et du luxe. Ainsi le fossé se creuse entre les deux classes de la cité. La démocratie en souffre, elle en mourra peut-être. C'est en pensant à cette évolution de sa ville natale que Rousseau compose, en 1750, le Discours sur les sciences et les arts, dans lequel il développe l'idée que le progrès des sciences (= connaissances) et des arts (= techniques) entraîne un effacement des valeurs morales qui sont nécessaires à la santé politique, donc à la survie d'un État.

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« Rousseau s'attendait, certes, à des réactions violentes de la part des philosophes ennemis de la foi, mais il comptaitque ni les autorités françaises, attachées à la défense de l'Église, ni les autorités genevoises, gardiennes ducalvinisme, n'en seraient choquées.

Rousseau oubliait que le déisme, qu'il professait dans ce texte, pouvait êtreconsidéré comme hérétique, aussi bien par les catholiques que par les protestants.

Aussi Rousseau fut-il doublementfrappé.

A Paris, son livre est condamné par le parlement, lui-même est décrété « de prise de corps »; il doit s'enfuiren Suisse.

Mais ce fut pour y trouver une grande hostilité.

Le Conseil de Genève rend un décret condamnant l'Émilecomme irréligieux et Du contrat social comme « subversif de tout gouvernement ».

Rousseau lui-même est menacéd'arrestation s'il pénètre dans le canton de Genève.

Aussi se rend-il dans celui de Berne; mais, au bout d'un mois,celui de Berne l'expulse à son tour.

Rousseau n'a d'autre ressource que de se rendre à Motiers, dans la principautéde Neuchâtel, dont le roi de Prusse Frédéric II était le souverain, et Milord Marechal (George Keith) le gouverneur.Ces derniers lui assurent leur protection.Mais les passions genevoises le poursuivirent dans son asile.

Le pasteur local, sous la pression du clergé de Genève,finit par lui interdire de participer au culte.

Rousseau réplique de diverses façons : il renonce à sa citoyennetégenevoise; il réfute dans une lettre ouverte à Christophe de Beaumont, archevêque de Paris, le mandement parlequel celui-ci avait condamné ses oeuvres; mais, surtout, en s'efforçant de faire annuler par le Conseil de Genèvel'interdiction de séjour prononcée contre lui, Rousseau part en guerre contre ce Conseil et cherche des appuis ducôté du peuple; son action devient réellement subversive et révolutionnaire lorsqu'il publie ses Lettres écrites de lamontagne dans lesquelles, au-delà de son cas personnel, il met en cause la structure même de l'État genevois.L'amour déçu d'une patrie idéalisée l'avait conduit à n'être plus qu'un exilé menant de loin une guerre subversivecontre sa ville natale.Mais ce grand et dernier combat fut perdu par Rousseau.

Le coup de grâce lui fut porté par Voltaire.

Celui-ci, enrépandant un écrit anonyme, mais en fait rédigé de sa main, Les Sentiments des citoyens, discrédite Rousseau auxyeux de son entourage immédiat.

Il révèle que ce défenseur de la morale n'est en fait pas marié avec sa compagneThérèse Levasseur, et qu'il a successivement abandonné à l'Assistance publique ses cinq enfants.

La population deMotiers se soulève contre Rousseau, il doit s'enfuir sous une grêle de pierres.Par la suite, Rousseau trouvera un asile provisoire en Angleterre auprès du philosophe Hume, puis il reviendra à Pariset il mourra à Ermenonville chez le marquis de Girardin en 1778.

Jamais il ne reverra Genève. Un esprit inclassable En son temps, et même encore aujourd'hui, les jugements portés sur Rousseau sont pour l'essentiel de deux sortes :certains l'accusent, pour employer un terme moderne, d'être un réactionnaire; d'autres y voient un extrémiste degauche.

Les uns et les autres peuvent présenter des arguments pour étayer leurs critiques; Rousseau est bien celuiqui a dénoncé l'usurpation par une minorité d'un pouvoir qui, par nature, ne saurait appartenir qu'au peuple; et c'estlui aussi qui, en un temps où la religion se signale encore par des actes d'intolérance et de fanatisme, a défendu lafoi en Dieu comme étant une richesse irremplaçable.

On comprend qu'il fit ainsi doublement scandale.

Lesphilosophes du siècle considèrent que la priorité revient à la lutte contre l'Église et les superstitions; en défendant lareligion, Rousseau fait à leurs yeux figure de traître.

Ces mêmes philosophes, par ailleurs, ont peur du peuple et leméprisent.

C'est du côté des grands, du côté des « despotes éclairés » (Frédéric II de Prusse, Catherine II deRussie), qu'ils cherchent un appui pour faire triompher leurs idées.

En prêchant la démocratie, Rousseau leur faitpeur.

Trop en avance pour certains, trop en retard pour d'autres, il est condamné à rester seul et incompris.

En fait,la raison de cette incompréhension, dont Rousseau fut la victime, est qu'il pose autrement que ses contemporains leproblème politique.Pour les encyclopédistes et pour Voltaire lui-même, d'une certaine façon, la fin justifie les moyens.

Le but qu'ilsrecherchent est d'abattre ce qu'ils appellent le fanatisme.

Ils comprennent sous ce terme non seulementl'intolérance, mais aussi la métaphysique et la foi, qu'ils jugent illusoire, en certains principes moraux.

S'ils détestentl'autorité de l'Église et s'ils harcèlent la monarchie française, c'est parce qu'elles retardent la victoire des « lumières» sur les ténèbres de l'ignorance.

Par contre, l'autorité bien plus despotique de certains souverains progressistestrouve grâce à leurs yeux, et les victimes de leur politique ne leur inspirent guère de sympathie : Diderot en Russie,plein d'admiration pour Catherine, ne s'apitoie pas sur le sort des paysans russes; Voltaire n'a que mépris pour lesPolonais dont le pays est partagé entre les puissances voisines : ne s'agit-il pas de catholiques? Ces brutes ne font-ils pas état du sentiment le plus périmé, le patriotisme?Mais, pour Rousseau, ce qui fait la valeur d'un système politique, ce n'est pas qu'il soit utile au triomphe d'unecause, c'est qu'il soit l'expression de la libre volonté de ceux qui le vivent.

Les Polonais ont le droit d'êtrecatholiques, les Genevois ont le droit d'être calvinistes, le peuple a le droit d'être ignorant, chacun a le droit d'êtrelui-même et doit en avoir la possibilité.

Il n'y a pas de bon despotisme.

Il n'y a pas, en droit, de différence de valeurentre un homme simple, qui ne connaît rien, et un philosophe qui croit tout savoir.

Tous les hommes sont égaux endroit.

Il faut leur assurer les moyens de vivre selon leurs aspirations; la nation est le seul cadre où ils puissentpréserver leur identité.

C'est pourquoi Rousseau écrit, en 1764, un Projet de constitution pour la Corse; l'annexionde cette île, en 1768, par Choiseul, ami de Voltaire, sera sentie par Rousseau comme un effet de la conspiration desphilosophes contre l'indépendance des peuples, et contre lui-même.

En 1772, il écrit également un Projet degouvernement pour la Pologne, rendu vain la même année par le partage de ce pays entre l'Autriche, la Prusse et laRussie.

Là encore, Rousseau est conscient que ce sont, une fois de plus, les souverains amis de Voltaire et deDiderot qui oppriment un peuple.Comment comprendre, chez Rousseau, ce que ses contemporains ont appelé les contradictions de sa pensée?L'explication en est simple : Rousseau est démocrate, mais il sait que la démocratie repose sur la vertu, donc sur lamorale, donc sur la religion.

Telle est la clé de sa pensée.

C'est la raison pour laquelle il est à la fois passéiste etprogressiste.

S'il condamne les lettres et les arts, s'il met en doute le dogme du progrès, c'est parce qu'il voit que ledéveloppement de la civilisation intellectuelle et technique, en affaiblissant les valeurs morales, sape les bases de la. »

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