Lit-on de la poésie pour s'évader du quotidien ?
Publié le 27/02/2008
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Par « poésie «, nous entendons une forme littéraire qui se distingue de la prose par une exigence touchant a la forme du discours, celle-ci obéissant a des lois précises, formant des unités particulières que l’on nomme « vers «. Plus largement, la poésie est un usage particulier du langage qui consiste a rompre avec l’utilisation commune, et pourquoi pas triviale de la langue, de sorte a créer une expression qui mérite a bon droit le nom de « sacre « au sens étymologique du terme, a savoir de « coupé «, de « séparé «. La poésie est donc plus qu’un simple usage de la langue qui se singularise par rapport a l’usage habituel des locuteurs dans les conversations de tous les jours : elle est bien une langue dans la langue elle-même.
Le terme s’évader signifie au sens propre s’échapper d’un espace clos dans lequel on est retenu contre sa volonté ; et au sens figure, permettre à son esprit de se soustraire à ce qui le contraint, par exemple de l’ennui ou de la banalité.
Le quotidien est ce qui se répète tous les jours, ce qui par définition nous est familier par ce que nous en faisons une expérience répétée, sans cesse réactivée. Par contamination, nous entendons par quotidien ce qui appartient a la dimension vulgaire de l’existence humaine, telle que les taches et les fonctions pénibles, parfois harassantes, qu’il s’agit de répéter jour après jour afin de se maintenir en vie.
L’expression « Lit-on de la poésie pour s’évader du quotidien ? « doit donc s’entendre ainsi : « le motif principal, sinon unique, qui nous porte à lire de la poésie est-il notre désir de faire échapper notre esprit aux préoccupations triviales et primitives qui trop souvent le tiennent enchaine ? «. Dans un premier temps, nous dirons qu’il est incontestable que le désir de s’évader du quotidien soit a proprement parler une motivation réelle qui nous incite à lire de la poésie. Mais il serait faux de prétendre qu’il s’agit de notre unique motivation « : bien au contraire, ne lirait-on pas de la poésie, non pour s’évader du quotidien, mais au contraire pour revenir au quotidien avec un regard neuf qui nous permette de le percevoir d’une manière inédite et pourquoi plus positive ? Enfin, nous verrons que la poésie ne se rapporte pas uniquement au quotidien, que ce soit avec l’intention d’en permettre l’évasion ou la volonte de l’enjoliver, mais nous fait au contraire accéder a une réalité nouvelle, une expérience inédite : celle d’un monde singulier ou d’une perception sans pareille de la réalité.
La question au centre de notre travail sera donc de déterminer si le motif qui nous porte à lire de la poésie est de nous permettre de fuir notre quotidien ou au contraire de nous offrir les moyens de porter sur lui un regard renouvela sinon inédit ?
«
Comme afin de la cuire à point,Et de rendre au centuple à la grande NatureTout ce qu'ensemble elle avait joint; »
Cependant, ce texte (qu'il faudrait citer en entier) ne laisse pas de ne chercher qu'une chose : la beauté qui résidejusque dans la laideur et ce qui a le plus instinctivement tendance à nous repousser.
Nous dirons donc que nouslisons toujours de la poésie pour nous échapper du quotidien, puisque même l'évocation de la trivialité demeure uneaspiration à la beauté.
Lire de la poésie pour fréquenter un usage singulier et inhabituel de la langue b.
Mais nous dirons que c'est dans un autre sens, complémentaire, que nous lisons de la poésie pour nous évader duquotidien : parce que nous voulons fréquenter un autre usage de la langue, plus exigeant et sans rapport avecl'usage utilitaire que nous en faisons au quotidien.
En effet, Mallarmé à bien montre que l'usage que nous faisons dela langue dans le quotidien est comparable à notre relation à la monnaie : nous visons quelque chose à travers lelangage, de même que nous visons un bien à travers l'argent que nous donnons.
Nous dirons donc que nous lisonsde la poésie car nous désirons nous évader du rapport utilitaire que nous entretenons avec le langage.
Prenonsl'exemple de cet extrait d'un poème de René Char :
« Montagne des grands abusés,Au sommet de vos tours fiévreusesFaiblit la dernière clarté.Rien que le vide et l'avalanche,La détresse et le regret!Tous ces troubadours mal-aimésOnt vu blanchir dans un étéLeur doux royaume pessimiste.Ah! La neige est inexorableQui aime qu'on souffre à ses pieds,Qui veut que l'on meure glacéQuand on a vécu dans les sables ».
René Char “Pyrénées”, Commune présence
Ce poème peut représenter un exemple de l'effet d'évasion que nous recherchons dans la poésie : une évasion endehors de l'usage quotidien de la langue.
II.
Mais nous lisons de la poésie, dans une perspective complémentaire, davantage pour renouveler notre perception du quotidien que pour nous en évader
« Poète est celui la qui rompt l'accoutumance » (Saint John Perse) a.
Cependant, nous dirons qu'il est tout à fait inapproprié de nous en tenir à une thèse de ce genre.
En effet, nous nelisons peut être pas de la poésie, a proprement parler, pour nous évader du quotidien, mais peut être, au contraire,pour renouveler notre perception de celui-ci.
Le poète Saint John Perse a écrit à ce propos : « Poète est celui-là quirompt l'accoutumance ».
Le poète est en effet celui qui nous permet de nous rapporter d'une manière nouvelle anotre entourage, a notre quotidien, celui qui nous fait percevoir notre réalité environnante comme un espacemerveilleux et non comme la répétition du même que nous avons tendance à y voir.
Prenons un exemple concret :celui de Jean Cocteau qui disait voir dans les bouches du métro parisien bien plus qu'un accès trivial a destransports en commun, mais de véritables entrées souterraines vers un univers merveilleux : la herse d'un château.Nous dirons donc que ce que nous cherchons dans la poésie, plutôt que de nous distraire de notre réalité en nousfaisant envisager quelque chose de nouveau, c'est peut être bien de nous permettre de nous rapporter a ce quinous entoure avec un regard revigore, rafraichi.
La poésie renouvelle notre appréhension sensible des choses : l'exemple de Ponge b..
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