L’IRRATIONNEL, LE SENS - Bergson
Publié le 21/01/2020
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Dégagez l’intérêt philosophique du texte suivant en procédant à son étude ordonnée.
Une énorme tuile, arrachée par le vent, tombe et assomme un passant. Nous disons que c’est un hasard. Le dirions-nous, si la tuile était simplement brisée sur le soi ? Peut-être, mais c’est que nous penserions vaguement alors à un homme qui aurait pu se trouver là, ou parce que, pour une raison ou pour une autre, ce point spécial du trottoir nous intéressait particulièrement, de telle sorte que la tuile semble l’avoir choisi pour y tomber. Dans les deux cas, il n’y a de hasard que parce qu’un intérêt humain est en jeu et parce que les choses se sont passées comme si l’homme avait été pris en considération, soit en vue de lui rendre service, soit plutôt avec l’intention de lui nuire. Ne pensez qu’au vent arrachant la tuile, à la tuile tombant sur le trottoir, au choc de la tuile contre le sol : vous ne voyez plus que du mécanisme, le hasard s'évanouit. Pour qu’il intervienne, il faut que, l’effet ayant une signification humaine, cette signification rejaillisse sur la cause et la colore, pour ainsi dire, d’humanité. Le hasard est donc le mécanisme se comportant comme s'il avait une intention.
Bergson
Si l’on conçoit le déroulement d’un événement sans qu’il vienne perturber, d’une façon ou d’une autre, une intention humaine, on ne rencontre rien de plus que du « mécanisme » insignifiant. L’ordre des choses est neutre et ne témoigne d’aucune intention. C’est ce qui apparaît dès que l’on pense uniquement « au vent arrachant la tuile, à la tuile tombant sur le trottoir, au choc de la tuile contre le sol » : en l’absence de toute considération portant sur une présence humaine ou un projet, l’événement redevient une situation ou un enchaînement entièrement explicable par le jeu des forces et des mouvements naturels, et comme tel — quelle qu’en puisse être la complexité ■—, soumis au déterminisme.
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LA CONNAISSANCE ET LA RAISON
- Il serait totalement inutile, sous prétexte de vouloir montrer vos
connaissances, de résumer l'ensemble des théories bergsoniennes (sur
l'intuition, le temps et la durée, l'évolution, les deux morales, etc.).
CORRIGÉ
[Introduction]
Le recours à la notion de hasard témoigne d'un désir intellectuel de
compréhension complète, en même temps que d'un aveu d'impuissance à
tout expliquer.
Dans le monde que l'homme prétend scientifiquement
expliquer, il ne peut exister d'arbitraire absolu, et un phénomène imprévu
(peut-être même imprévisible) semble déjà moins inquiétant pour peu
qu'on le rattache au hasard.
Mais comment définir ce dernier? C'est ce à
quoi s'attache ici Bergson, à partir d'un exemple simple.
Et il montre que
la référence au hasard révèle surtout l'existence d'un projet humain quï
colore le monde et lui ajoute des significations.
[1.
Hasard et intérêt humain]
L'exemple commenté par Bergson a l'avantage d'être simple et clas
sique, sinon presque caricatural : l'homme assommé par la chute d'une
tuile constitue une sorte d'image d'Épinal, lorsqu'il est question de
hasard.
Mais cette appellation, avec ce qu'elle peut avoir d'un peu rassu
rant dès lors que ce qui est nommé paraît déjà un peu mieux maîtrisé,
sinon connu, que désigne+elle exactement ?
Un premier éclaircissement semble possible si l'on inverse la situation:
évoque+on encore le hasard lorsque la tuile tombe sans assommer qui
que ce soit? Ce n'est possible que dans deux cas : soit que l'on imagine
que quelqu'un aurait pu se trouver à l'endroit de la chute : le hasard a
donc fait ou «voulu» qu'il échappe de peu à un accident; soit que la
chute de la tuile s'effectue en un endroit particulier, qui nous intéresse
pour une raison ou pour une autre : ce peut être l'endroit où je pensais
donner un rendez-vous le lendemain, celui où j'ai trouvé un billet de cent
francs il y a une semaine, etc.
Dans ces deux cas, et même si elle n'est pas accompagnée d'un acci
dent, la chute donne l'impression de viser son lieu précis.
Et cette impres
sion est due au fait que ce lieu a une signification particulière pour
l'homme : il était lié à un projet, à un souvenir, à une action en cours ...
On peut donc admettre avec Bergson qu'il n'y a de hasard (réel ou
potentiel) que relativement à un «intérêt humain».
C'est en fonction de.
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