L'intuition joue-t-elle un rôle dans les mathématiques ?
Publié le 02/01/2004
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Entre intuition et déduction.
S'il est vrai qu'une fois les axiomes posés il est relativement aisé d'en déduire des théorèmes de manière logique et mécanique, qu'en est-il du choix des axiomes eux-mêmes? Ce qui importe au mathématicien, lorsqu'il cherche à fixer le point de départ axiomatique, c'est que celui-ci soit fécond. Par quelle opération logique pourrait-il savoir à l'avance qu'un système d'axiomes conduira à des découvertes utiles? Il convient, en fait, de distinguer la recherche du mathématicien qui est faite d'invention vivante, d'intuitions, de tâtonnements, et l'exposition hypothético-déductive qui est effectuée après coup par un effort d'épuration. L'axiomatique se réfère à des théories déjà acquises. Il n'y a donc pas d'alternative absolue entre l'intuition et la déduction. Comme toute connaissance, les mathématiques sont le produit d'intuitions et de concepts.
Les Mathématiques ont toujours joui aux yeux des philosophes d'un prestige particulier. C'est que, de toutes les disciplines, les Mathématiques sont celles qui, les premières, sont entrées, selon la formule de Kant, « dans la voie sûre de la science «. Descartes rêvait d'une mathématique universelle c'est-à-dire d'une science universelle qui présenterait les mêmes caractères de précision, de rigueur et de certitude que les Mathématiques. On peut se demander à quoi les Mathématiques doivent ces caractères privilégiés. Et, puisque l'intuition et le raisonnement sont les instruments fondamentaux de la connaissance, il nous faut donc étudier le rôle de l'une et de l'autre dans la démonstration mathématique.
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INTRODUCTION
Les Mathématiques ont toujours joui aux yeux des philosophes d'un prestige particulier.
C'est que, de toutes lesdisciplines, les Mathématiques sont celles qui, les premières, sont entrées, selon la formule de Kant, « dans la voie sûre de la science ».
Descartes rêvait d'une mathématique universelle c'est-à-dire d'une science universelle qui présenterait les mêmes caractères deprécision, de rigueur et de certitude que les Mathématiques.
On peut sedemander à quoi les Mathématiques doivent ces caractères privilégiés.
Et,puisque l'intuition et le raisonnement sont les instruments fondamentaux de laconnaissance, il nous faut donc étudier le rôle de l'une et de l'autre dans ladémonstration mathématique.
I.
— L'intuition en mathématiques
a) Définition et position du problème.Le mot intuition désigne toujours, par opposition au mot discours, uneconnaissance immédiate; mais il peut être pris en différents sens; tantôt, eneffet, on songe à l'intuition sensible, pure ou empirique; tantôt, à l'intuitionintellectuelle.
On appelle intuition sensible la représentation d'un objet donnéaux sens; mais dans cette représentation, Kant distingue la matière et laforme.
La matière, ou intuition empirique, ce sont les couleurs, odeurs,saveurs qui constituent les qualités sensibles de l'objet; la forme, ou intuitionpure, ce sont les cadres à l'intérieur desquels ces couleurs, odeurs, saveurssont données.
La matière est a posteriori, la forme a priori, c'est-à-direuniverselle et nécessaire, s'imposant à tout esprit parce qu'elle est donnéepar l'esprit même : l'espace est ainsi la forme a priori du sens externe; letemps, la forme a priori du sens interne.
Par intuition intellectuelle, on entend généralement l'acte par lequell'intelligence saisit immédiatement une vérité ; pour le réalisme des idées, tel qu'on le trouve dans Platon ouDescartes, c'est une opération passive par laquelle l'esprit prend conscience d'une réalité donnée; pour l'idéalisme,l'idée n'est qu'un rapport et on peut alors appeler intuition intellectuelle l'invention de ce rapport.
Le problème est desavoir dans quelle mesure ces différentes formes d'intuition interviennent dans la démonstration mathématique.
b) Rôle de l'intuition sensible.Il est difficile d'admettre, avec les Empiristes, que l'objet des Mathématiques soit donné par une intuition empirique.Sans doute le mathématicien trace-t-il au tableau une figure, mais ce n'est point sur cette figure qu'il raisonne enréalité.
Les caractères empiriques de cette figure, en effet, n'interviennent point dans son raisonnement : la couleurdu triangle, ou sa grandeur, importent peu; l'objet véritable de sa démonstration est le concept de triangle définicomme la figure constituée par trois droites qui se coupent dans un plan.
L'intuition empirique n'intervient qu'à titrede secours pour l'entendement, la figure tracée au tableau n'est là que pour « fixer les idées » comme disent lesgéomètres.
Pour reprendre les termes de Descartes, c'est l'entendement et non l'imagination qui intervient dans ladémonstration mathématique.
Et l'on peut considérer avec Kant que c'est l'intuition pure de l'espace qui fournit augéomètre la matière dans laquelle il construit ses concepts; cette matière étant donnée a priori, les conceptsmathématiques seront eux-mêmes a priori.
c) Rôle de l'intuition intellectuelle.Il est difficile en effet d'accorder à Descartes que les objets mathématiques soient des idées qui ont « leurs vraieset immuables natures » et que nous connaîtrions par une « inspection de l'esprit ou « intuitus mentis ».
Cependantl'intuition intellectuelle, entendue en un sens idéaliste, comme vision ou invention d'un rapport, intervient bien dansla démonstration mathématique ; si j'ai, par exemple, à démontrer le théorème concernant la somme des angles d'unpolygone convexe de n côtés, il faut que j'aperçoive un rapport entre ce théorème à démontrer et les théorèmesdéjà connus, et plus précisément celui qui concerne la somme des angles d'un triangle.
Je vois qu'on peut diviser lepolygone en autant de triangles qu'il a de côtés moins deux et j'en conclus que la somme des angles du polygoneest égale à autant de fois deux angles droits que ce polygone a de côtés moins deux : SPn = S (n — 2) T.
Or, ST =2D, donc SPn = (n — 2) 2D.
Toute démonstration mathématique suppose ainsi qu'on découvre des rapports entre ceque l'on sait et ce que l'on veut savoir; et c'est en cela que consiste cette qualité qu'on appelle l'intuitionmathématique, et qui permet de résoudre plus ou moins vite un problème donné.
II.
— Le raisonnement mathématique.
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