L’interprétation philosophique des épîtres pauliniennes Etude de l’influence de Paul sur la philosophie
Publié le 26/01/2022
Extrait du document
Il est surprenant de voir combien les philosophes ont recours à Paul pour éclairer
diverses questions, alors que celui-ci était si méprisant à l’égard de la sagesse des hommes.
Pour Paul, la sagesse des hommes ne peut parvenir à rien sans Dieu, puisqu’elle nous vient
de Dieu. Mais même si elle nous fait accéder à certaines connaissances, elle restera toujours
infiniment inférieure à celle de Dieu. Voilà pourquoi il semble vain pour le croyant de
chercher par lui-même la vérité, puisque celle-ci se trouve premièrement en Dieu. Mais
Paul inciterait-il alors les convertis au fidéisme ? Pour accéder au salut éternel doit-on
refuser tout usage de la raison ? C’est ce que Paul laisse entendre dans la première épitre
aux Corinthiens, :
« 18 Le langage de la croix, en effet, est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent,
pour nous, il est puissance de Dieu. 19 Car il est écrit: Je détruirai la sagesse des sages, et l'intelligence des
intelligents je la rejetterai. 20 Où est-il, le sage? Où est-il, l'homme cultivé? Où est-il, le raisonneur de ce
siècle? Dieu n'a-t-il pas frappé de folie la sagesse du monde? 21 Puisqu'en effet le monde, par le moyen de la
sagesse, n'a pas reconnu Dieu dans la sagesse de Dieu, c'est par la folie du message qu'il a plu à Dieu de
sauver les croyants. 22 Alors que les Juifs demandent des signes et que les Grecs sont en quête de sagesse, 23
nous proclamons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, 24 mais pour ceux
qui sont appelés, Juifs et Grecs, c'est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. 25 Car ce qui est folie de
Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes. 26 Aussi
bien, frères, considérez votre appel: il n'y a pas beaucoup de sages selon la chair, pas beaucoup de puissants,
pas beaucoup de gens bien nés. 27 Mais ce qu'il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour
confondre les sages ; ce qu'il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est
fort1 »
Pourtant on remarque bien que l’attitude de Paul n’est pas fidéiste. Il ne répète pas
sans réfléchir les paroles du Christ mais les explique et les commente. Or pour cela il faut
bien qu’il utilise sa raison, afin de mieux comprendre les textes anciens et de les mettre en
relation avec la venue du Christ. L’attitude de Paul semble alors être contradictoire. Ou
bien il faut comprendre qu’il ne rejette pas tout de la sagesse des hommes. Qu’est-ce donc
qui le différencie des sages qu’il méprise ici ? Tout d’abord, Paul se place sous l’autorité de
Dieu. Il cherche la vérité – la bonne interprétation des textes et du message de Jésus – mais
sans avoir la présomption de pouvoir y parvenir par ses seules forces. Cette différence
entre le chrétien et le philosophe est caractérisée par Tertullien dans l’Apologie du
christianisme :
« Aussi bien, quelle ressemblance y a-t-il entre un philosophe et un chrétien, entre un disciple de la Grèce
et un disciple du ciel, entre celui qui travaille pour la gloire et celui qui travaille pour la vie, entre celui qui
prononce de belles paroles et celui qui accomplit de belles actions, entre celui qui édifie et celui qui détruit,
entre un ami et un ennemi de l'erreur, entre un corrupteur de la vérité et celui qui la maintient dans sa pureté
et y conforme sa vie, enfin entre celui qui en est le voleur et celui qui en est le gardien2 ? »
1 Bible de Jerusalem, 1ère lettre de Saint Paul aux Corinthiens, chapitre 1, versets 18 à 27.
2 TERTULLIEN, Apologie du christianisme, 1914, traduction de J. P. Waltzing, chapitre 46, paragraphe 18.
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Aussi pour le chrétien, il semble contraire à la foi de se livrer à des recherches
philosophiques. Pour Tertullien, le philosophe ne recherche que la gloire c’est pourquoi il
sont souvent prétentieux alors qu’ils sont dans l’erreur. Mais Paul rejette-t-il
catégoriquement toute philosophie ? Doit-on comprendre que notre raison, c’est-à-dire ce
qui nous définit au plus haut point, ne peut atteindre par elle-même sa fin, qui est de
connaitre la vérité ? On touche ici une question délicate : quel intérêt demeure pour le
croyant de faire de la philosophie ? En effet, si Dieu s’est révélé par son fils, alors nulle
doctrine humaine ne saurait ajouter quelque chose qui n’était pas présent dans le verbe.
Paul en se faisant apôtre du Christ a alors pour but de remplacer la sagesse des hommes par
celle de Dieu, infiniment plus grande. Mais cela n’implique pas qu’il faille rejeter la
philosophie en elle-même. Paul reproche aux philosophes leur présomption qui les éloigne
de la vérité :
« 18 En effet, la colère de Dieu se révèle du haut du ciel contre toute impiété et toute injustice des
hommes, qui tiennent la vérité captive dans l'injustice; 19 car ce qu'on peut connaître de Dieu est pour eux
manifeste: Dieu en effet le leur a manifesté. 20 Ce qu'il a d'invisible depuis la création du monde se laisse voir
à l'intelligence à travers ses œuvres, son éternelle puissance et sa divinité, en sorte qu'ils sont inexcusables; 21
puisque, ayant connu Dieu, ils ne lui ont pas rendu comme à un Dieu gloire ou actions de grâces, mais ils ont
perdu le sens dans leurs raisonnements et leur cœur inintelligent s'est enténébré: 22 dans leur prétention à la
sagesse, ils sont devenus fous3 »
Ce passage manifeste que Paul ne rejette pas la philosophie dans son ensemble.
Cependant pour ne pas tomber dans l’erreur, le philosophe doit être conscient qu’il ne peut
pas tout connaitre par lui-même et donc avoir une certaine humilité. Il reste clair que saint
Paul n’est pas un philosophe, mais ses différentes lettres abordent des thèmes théologiques.
Les épitres ont pour but de transmettre le message du Christ mais Paul n’entend pas y
présenter des démonstrations théologiques de ce qu’il expose. Mais il faut reconnaitre que
pour comprendre un donné théologique, la philosophie est nécessaire, du moins comme
méthode. C’est pourquoi la pensée de Paul est d’une grande richesse et continue
aujourd’hui d’influencer de nombreux philosophes.
Cependant, il demeure que tout ce qu’affirme Paul découle directement du fait qu’il
reconnait que Jésus est le fils de Dieu. On peut donc supposer que selon que ce principe
soit reconnu ou non comme vrai, les idées qui en proviennent soient acceptées ou refusées.
«
INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS
L’interprétation philosophique des
épîtres pauliniennes
Etude de l’influence de Paul sur la philosophie
Marie Desprez
Année universitaire 2020-2021
Devoir de validation du cours de M.
Boulnois.
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