L'intérêt pour l'histoire est-il refus du présent ?
Publié le 04/02/2004
Extrait du document
«
[III.
L'histoire révèle les préoccupations du présent]
On peut aussi montrer que, loin d'être un refus du présent, l'intérêt pour l'histoire en révèle les préoccupations.
Enrenonçant heureusement au principe illusoire d'une objectivité absolue, qui croyait pouvoir réclamer une histoire «d'aucun temps ni d'aucun pays », les historiens eux-mêmes considèrent volontiers que leurs recherches sont aussidéterminées par la société dans laquelle ils vivent.Au-delà des recherches, c'est même le contenu du récit qui varie en fonction du contexte, lui-même historique,dans lequel il est élaboré.
Comme l'affirme Cioran, «ce qui le rend le passé intéressant, c'est que chaque générationle considère d'une façon différente.
D'où la nouveauté intarissable de l'Histoire », et donc ses facultés d'adaptationaux besoins de chaque présent.
On n'interroge le passé qu'à partir des préoccupations présentes : il existe, selonles périodes qui se succèdent dans l'histoire d'une nation, des sujets privilégiés.
En France, le retour de De Gaulle aupouvoir a entraîné un regain d'intérêt, et les recherches subséquentes, pour l'histoire de la Résistance, de laSeconde Guerre mondiale, de la Collaboration, etc.
Symétriquement, l'accession de François Mitterrand à laprésidence a suscité des recherches sur l'histoire de la gauche politique en France, et sur ses figures les plusmarquantes.
Dans de telles situations, l'intérêt pour le passé n'éloigne que très momentanément, ou en apparence,du présent, puisque c'est le présent qui le motive, et puisqu'il doit aboutir à des éclairages plus précis sur ce mêmeprésent ; il ne constitue qu'une sorte de détour momentané, qui prend son origine dans le présent lui-même et dansson obscurité relative.Indépendamment de ces motivations, l'intérêt pour l'histoire se réalise dans des récits variables.
Non qu'il s'agisse defaire dire à l'histoire ce que l'on veut ; c'est plutôt qu'elle ne livre que le sens qu'il est possible, en fonction desdocuments et des techniques d'analyse dont dispose chaque époque, d'en révéler.
Puisque le présent se renouvellepar définition, cela a pour conséquence de renouveler aussi les significations du passé.
Le récit, de ce point de vue,est toujours à reprendre, et, au-delà des faits bruts incontestables, il ne peut exister d'interprétation définitive.
Ilserait pour le moins paradoxal qu'une discipline qui montre la variabilité des choses prétende pour sa part seconstituer de vérités invariables !
[Conclusion]
C'est ainsi de diverses manières que l'intérêt pour l'histoire ramène vers le présent.
Qui croirait fuir ce dernier ens'intéressant au passé ne manquerait pas de retrouver dans ce dernier les marques de ce qu'il espérait avoirabandonné.
Pour fuir le présent, mieux vaut se réfugier dans l'imaginaire ou le rêve.
En effet l'histoire ayant affaireavec une réalité qui détermine le présent ouvre à une connaissance de ce dernier, parce qu'elle se soucie de vérité,et non d'imaginaire..
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