L'INCONSCIENT (cours de philosophie)
Publié le 04/04/2009
Extrait du document
«
L'INCONSCIENT
La philosophie moderne et l'anthropologie contemporaine se sont souvent élevées contre l'affirmation du primat
de la conscience.
Par sa méthode généalogique, NIETZSCHE s'est efforcé de mettre à jour les forces à l'œuvre
sans
les représentations consciemment énoncées (voir le recueil de textes choisis, texte no 74); à sa façon,
en cherchant les déterminations historico-économiques des idées, MARX découvre des forces ignorées qui
produisent
ces idées (voir le texte no 71).
Dans les 2 cas, les représentations conscientes ne sont que les émanations
travesties de forces dont l'efficience est ignorée.
De même, l'anthropologie s'est de plus en plus attachée à mettre en évidence les règles latentes d'organisation
des sociétés et du fonctionnement des phénomènes culturels qui échappent à la conscience de ceux qui en
participent.
Par exemple, le principe d'organisation de la langue reste en grande partie inconnu à celui qui
parle, de même que
les« structures élémentaires de la parenté».
Chacun se plie à ces règles, quoiqu'elles n'aient
jamais fait
l'objet d'un examen réfléchi.
Il serait donc possible, pour étudier la notion d'inconscient, de s'intéresser plus précisément à la méthode
nietzschéenne, ou à L'idéologie allemande de MARX, ou à L'anthropologie structurale de
LEVI-STRAUSS.
Pourtant c'est de l'inconscient dans la théorie freudienne que traite essentiellement votre manuel; - le choix
est justifié : avec la psychanalyse, l'inconscient reçoit un statut beaucoup plus rigoureux et central que dans
toute autre discipline.
Il faut même lui reconnaître la place de concept fondamental, celui qui permet la
constitution de la théorie et de la pratique psychanalytiques, à tel point que l'emploi du terme inconscient
en d'autres domaines n'est bien souvent qu'analogique.
«S'il fallait faire tenir en un mot la découverte freudienne, ce serait incontestablement en celui d'inconscient».
(Vocabulaire de la psychanalyse de LAPLANCHE et PONTALIS, P.U.F., article« inconscient»).
La notion
d'inconscient était déjà, bien avant FREUD (1856-1939), usitée en littérature et en philosophie.
Il faut donc
étudier ce que devient cette notion en psychanalyse pour qu'elle puisse être désignée comme la
découverte
de FREUD.
Avant
d'aborder cette étude, il faut souligner que votre manuel expose certains épisodes de l'histoire de la
psychanalyse, relate, souvent de façon fort caricaturale,
ce qui se passe dans une séance ou dans une cure,
rappelle toutes
ces observations qui ont rendu indispensable aux yeux de FREUD l'affirmation de l'inconscient,
mais qu'il
n'en propose jamais une étude systématique.
Nous tenterons de combler cette lacune.
Autre remarque sur l'exposé de votre
manuel: la psychanalyse depuis sa fondation n'a cessé d'être l'enjeu
d'affrontements idéologiques, l'objet de constants réaménagements, de tentatives de déviation,
le lieu
d'innombrables scissions.
Il y eut bien des lectures de l'œuvre FREUD, marxistes ou spiritualistes entre autres;
et
il est remarquable que les auteurs de votre manuel citent aussi souvent que FREUD lui-même, un interprète
français de FREUD,
DALBIEZ (auquel, d'ailleurs, ils laissent le dernier mot!); leur exposé est en bien des
endroits imprégné de cette interprétation.
La théorie freudienne, qui a fait une
si grande place à l'interprétation,
ne peut certainement pas y échapper ;
il importe pourtant de revenir aux textes mêmes de FREUD afin de
ne pas en affadir la nouveauté et la radicalité.
A propos du terme d'inconscient et des ambiguïtés qu'il renferme, Jacques LACAN (psychanalyste français
contemporain auquel votre manuel réserve un développement sous
le titre « psychanalyse et linguistique»)
écrit:« FREUD n'en a pas trouvé de meilleur, et il n'y a pas à y revenir.
Ce mot à l'inconvénient d'être négatif,
ce qui permet d'y supposer n'importe quoi au monde, sans compter le reste ...
C'est pourtant chose précise»
(J.
LACAN, Télévision, Seuil, p.15).
Voilà ce qu'il nous faut tenter de préciser:
Dans son article l'Inconscient, publié en
1915 dans le recueil intitulé Métapsychologie, FREUD distingue d'abord
l'inconscient au sens descriptif (Gallimard, collection
«Idées», p.66 et suivantes); en effet : la conscience
ne comporte à chaque moment
qu'un contenu minime si bien que, mis à part celui-ci, la plus grande partie.
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